Pierre Petit, Comte de Lasteyrie, dans Panthéon des illustrations françaises au XIXe siècle, t. III, planche 23, XIXe siècle, Compiègne, musée national du château de Compiègne, ©musée national du château de Compiègne. Lithographie sur papier Japon contrecollé sur papier Chine, 40 x 28,5 cm.

Auteur(s) de la notice :

LUNEAU Jean-François

Profession ou activité principale

Homme politique

Autres activités
Critique, journaliste, historien de l’art

Sujets d’étude
Arts industriels, vitrail, orfèvrerie

Carrière
1827 : élève externe à l’École des mines
1830 : administration des Ponts et Chaussées
1830 : aide de camp du général Lafayette
1831-1838 : rédacteur à la direction des Cultes (ministères de l’Instruction publique, de l’Intérieur et de la Justice)
1842-1848 : élu député de l’arrondissement de Saint-Denis, 14e circonscription de la Seine (avec réélection en 1846)
1847 : membre de la Commission pour la restauration des vitraux de la Sainte-Chapelle
1848-1851 : membre du conseil général de la Seine et de la Commission municipale de Paris
1848 : représentant du département de la Seine à l’Assemblée constituante
1849 : représentant du département de la Seine à l’Assemblée législative
1851 : opposition au coup d’État
1848-1852 : membre du Comité historique des arts et monuments (CHAM)
1848-1853 : membre de la Commission des arts et édifices diocésains (CAED), section des vitraux peints et ornements religieux
1848-1853 : membre de la Commission des monuments historiques (CMH)
1857 : candidat de l’opposition démocratique aux élections du Corps législatif dans la 8e circonscription de la Seine
1871 : conseiller général de la Corrèze
1871-1878 : membre de la Commission des monuments historiques (CMH)

Membre de la Société des antiquaires de France (1851), de l’Académie des inscriptions et belles-lettres (avril 1860), de la Société archéologique et historique du Limousin (1860)

Étude critique

Dès 1836, Charles Léon Ferdinand, comte de Lasteyrie du Saillant se tourne vers les arts industriels du Moyen Âge. L’influence de son père, Charles-Philibert de Lasteyrie (1759-1849), promoteur français de la lithographie, est sans doute déterminante dans ce choix, non moins que sa formation première à l’école des Mines, qui lui donne des connaissances pratiques utiles pour comprendre et distinguer les procédés techniques. Il ne dédaigne cependant pas l’art de son temps : alors qu’il assume des mandats électifs sous la Seconde République, et au moment où Léon de Laborde rapporte sur l’Exposition universelle de 1851 (De l’union des arts et de l’industrie, 1856), il participe à une commission parlementaire pour l’enseignement professionnel et au Conseil de perfectionnement des manufactures nationales, au nom duquel il publie un rapport sur l’exposition des manufactures de Sèvres, des Gobelins et de Beauvais (1850). Enfin, il propose en 1863 la création d’un musée municipal des arts industriels.

En 1837, il se lance dans l’aventure éditoriale de L’Histoire de la peinture sur verre d’après ses monuments en France. Le prospectus annonce vingt-cinq à trente livraisons de deux feuilles de texte et quatre planches coloriées. Lasteyrie y déclare son ambition scientifique : « Étudier l’art, non seulement dans les livres, mais surtout dans ses monuments ; reproduire ceux-ci avec conscience et sans aucune prétention artistique ; puiser des documents certains dans nos vieux auteurs, dans nos vieux manuscrits ; fouiller dans nos bibliothèques de province, dont les richesses sont encore si peu connues ; recueillir même les traditions locales, et coordonner enfin tous ces documents, de telle manière que l’histoire serve à l’étude des monuments, comme les monuments doivent servir à l’étude de l’histoire. » Vingt ans et trente-trois livraisons plus tard, le volume de texte, publié en 1857, affiche 314 pages et le recueil de planches, daté de 1853, en regroupe 110. Celles-ci couvrent une large période, du XIIe au XVIIIe siècle, alors que le commentaire s’arrête à la fin du XIVe siècle. À la mort de l’auteur, son biographe signale l’existence de la suite du texte, manuscrit dont il appelle de ses vœux la publication, en pressant le fils du défunt, le chartiste Robert-Charles de Lasteyrie (1849-1921), de s’y employer. Il ne sera pas entendu. Malgré tout, le résultat est à la hauteur des ambitions. Pour publier un ouvrage neuf, alors que rien de sérieux, ni d’aussi illustré n’a jamais été édité, il lui faut effectuer maints voyages et rencontrer de nombreux érudits, visites pour lesquelles il obtient des recommandations de Prosper Mérimée. S’interdisant d’emprunter à ses devanciers, il dessine de sa main les relevés de vitraux, qu’il expose parfois aux Salons (1836, 1838). Pour éviter qu’un graveur n’enjolive le dessin, il reproduit lui-même le trait en lithographie. Puis il fait colorier chacune des planches au pinceau sous sa direction, refusant les facilités de la chromolithographie qui ne permet pas, lorsque l’entreprise débute, de rendre correctement la transparence des couleurs. Ce souci d’utiliser la technique de reproduction la plus fidèle va de pair avec celui de rendre les œuvres accessibles : comme il le souligne, en prenant le vitrail comme champ de recherche, Lasteyrie ne choisit pas la facilité offerte par les œuvres conservées dans les musées. À la qualité des illustrations s’ajoute celle du texte où l’on apprécie l’ampleur de l’information et l’apparat critique. La bibliographie est exhaustive à cette date, et très informée des plus récents ouvrages étrangers. Toutefois l’auteur fait mieux que recopier ses devanciers : il met un point d’honneur à citer ses sources « afin que chacun [puisse] à son aise les vérifier et les contrôler ». Le souci de se tenir au plus près de la recherche lui fait même bousculer l’ordre chronologique des livraisons en ajoutant deux planches à la fin pour les verrières récemment découvertes du Mans et de Neuwiller, datées du XIIe siècle.

L’Institut ne s’y trompe pas, qui couronne l’ouvrage en cours de parution dès 1841. La notoriété acquise par l’auteur le fait nommer membre de la Commission pour la restauration des vitraux de la Sainte-Chapelle (1847), ainsi qu’à diverses commissions officielles. L’ouvrage fait autorité jusqu’à la publication de l’Histoire générale de l’art d’André Michel en 1905, où Émile Mâle renouvelle profondément le sujet. En 1966, Jean Lafond peut encore écrire : « Jamais on n’admirera assez un Ferdinand de Lasteyrie parcourant notre pays au temps des diligences pour découvrir avec un flair infaillible les vitraux les plus remarquables pour les dessiner et les reproduire par la chromolithographie et pour les dater avec vraisemblance » (Le Vitrail. Origines techniques, destinées, 1966).

Après ce lourd travail ralenti par ses engagements politiques, Lasteyrie publie encore sur le sujet avec des visées évidemment moins ambitieuses. Dans une Théorie de la peinture sur verre (1852), il édicte les « conditions requises pour faire de bons vitraux », en donnant encore une importante bibliographie et une liste de vitraux classés par date. En 1861, il brosse dans la Gazette des Beaux-Arts un rapide historique du vitrail au XIXe siècle et donne une conférence sur la peinture sur verre à l’Union centrale des arts décoratifs en 1865. En sus d’une étude sur les vitraux de Rathhausen (canton de Lucerne, Suisse) qui passent en vente à Paris en 1856, il publie encore deux articles au soir de sa vie. L’un, au titre iconographique un peu trompeur (« Représentation allégorique de l’Eucharistie », 1879), analyse les vitraux du cloître de Saint-Étienne-du-Mont (1878), le second est une liste des peintres-verriers étrangers à la France extraite de l’ensemble des notes prises au cours d’une vie de recherche (« Les Peintres-Verriers étrangers à la France, classés méthodiquement selon les pays et l’époque où ils ont vécu », 1879).

En regard des études sur le vitrail, celles sur l’orfèvrerie et l’émaillerie semblent moins importantes : Lasteyrie a sans doute peu de temps à consacrer à un champ de recherche déjà bien exploré par plusieurs historiens renommés. Sa correspondance avec Mérimée prouve cependant que le sujet l’intéresse dès 1847, alors que son premier article date de 1855. Ses travaux relèvent de deux rubriques : élucidation du sens d’un mot ancien (electrum, limogiatures, anacleum) ou publications d’œuvres, parfois issues de sa collection, parfois découvertes dans les musées étrangers, assorties selon son habitude de remarquables dessins. Ses articles où il brille par sa connaissance des techniques sont volontiers polémiques : il croise ainsi le fer avec des érudits au sujet de l’interprétation d’un terme ou de la datation des émaux limousins. Il montre ainsi à Jules Labarte comment « rechercher les passages des vieux auteurs où se trouve le mot en litige, en étudier la valeur d’après le sens même de la phrase, puis contrôler le résultat de cette étude par le témoignage des grammairiens et des lexicographes » (L’« Electrum » des anciens était-il de l’émail ?, 1857). Contre Félix de Verneilh qui prétend faire de l’archéologie avec les monuments et non avec les textes, il affirme que « c’est précisément […] de la confrontation des textes et des monuments que peut ressortir le plus sûrement la preuve archéologique » (« Des origines de l’émaillerie limousine, mémoire en réponse à quelques récentes attaques contre l’ancienneté de cette industrie », 1862). À la différence du vitrail où il débuta par un gros ouvrage complété plus tard par de courts articles, c’est seulement après avoir beaucoup publié de notices et de dissertations qu’il tente vers la fin de sa vie un ouvrage de synthèse dans une collection de vulgarisation assez peu illustrée (1875).

Jean-François Luneau, maître de conférence en histoire de l’art
contemporain à l’université Blaise Pascal

Principales publications

Ouvrages et catalogues d’expositions

  • Exposition des produits des manufactures nationales de Sèvres, des Gobelins et de Beauvais. Rapport présenté à M. le ministre du Commerce et de l’Agriculture par le conseil de perfectionnement desdites manufactures. Paris : impr. de Panckoucke, 1850.
  • Quelques notes sur la théorie de la peinture sur verre. Paris : Victor Didron, 1852.
  • La Cathédrale d’Aoste, étude archéologique. Paris : Victor Didron, 1854.
  • Histoire de la peinture sur verre d’après ses monuments en France. Paris : impr. Firmin-Didot fils et Cie, 1853-1857, 2 vol.
  • L’« Electrum » des anciens était-il de l’émail ? Dissertation sous forme de réponse à M. Jules Labarte. Paris : Firmin-Didot frères, fils et Cie, 1857.
  • Description du trésor de Guarrazar, accompagnée de recherches sur toutes les questions archéologiques qui s’y rattachent. Paris : Gide, 1860.
  • Causeries artistiques. Paris : L. Hachette, 1862.
  • Projet de création d’un musée municipal des Arts industriels. Paris : Pagnerre, 1863.
  • La Peinture à l’Exposition universelle, étude sur l’art contemporain. Paris : Castel, 1863.
  • Histoire de l’orfèvrerie depuis les temps les plus reculés jusqu’à nos jours. Paris : Hachette, 1875 (Bibliothèque des merveilles, 2e éd. 1877).

Articles

  • « Note sur une lampe chrétienne en forme de bélier ». Mémoires de la Société impériale des antiquaires de France, t. XXII, 1855, p. 225-239.
  • « Notice sur les vitraux de l’abbaye de Rathhausen (canton de Lucerne) ». Mémoires de la Société impériale des antiquaires de France, t. XXIII, 1857, p. 116-164 ; repris en tiré à part. Paris : impr. de C. Lahure, 1856.
  • « Notice sur la vie et les travaux du P. Arthur Martin ». Bulletin de la Société impériale des antiquaires de France), 1857, p. 27-36 ; repris en tiré à part. Paris : Impr. de Lahure, 1857.
  • « La Peinture sur verre au XIXe siècle ». Gazette des Beaux-Arts, 1861, t. IX, p. 129-142, t. X, p. 64 ; repris en tiré à part, Paris : J. Claye, 1861.
  • « Des origines de l’émaillerie limousine, mémoire en réponse à quelques récentes attaques contre l’ancienneté de cette industrie ». Bulletin de la Société archéologique et historique du Limousin, t. XII, 1862, p. 101-116 ; repris en tiré à part. Limoges : impr. de Chapoulaud, s. d. [1862].
  • « Les Limogiatures, d’après la communication de M. Fabre ». Bulletin de la Société archéologique et historique du Limousin, t. XIII, 1862, p. 152-160, 249, 254, 256.
  • « Procès-verbal de la séance du 20 mai 1863 ». Bulletin de la Société impériale des antiquaires de France), 1863, p. 120-126 [p. 122-125, observations de F. de Lasteyrie sur l’article d’Eugène Grésy, « Le Calice de Chelles »].
  • « Observations critiques sur le trésor de Conques et sur la description qu’en a donnée M. Darcel ». Mémoires de la Société impériale des antiquaires de France, t. XXVIII, 1864, p. 48-68 ; repris en tiré à part, Paris : impr. de Lahure, 1864.
  • « Bernard Palissy, étude sur sa vie et sur ses œuvres ». Les Beaux-Arts, 15 juillet et 1er août 1865 ; repris en tiré à part. Paris : impr. de Pillet fils aîné, 1865.
  • « Notice sur un pied-fort émaillé attribué au règne de Philippe VI de Valois ». Bulletin de la Société archéologique et historique du Limousin, t. XIX, 1869, p. 15-20 ; repris en tiré à part. Limoges : impr. de Chapoulaud frères, s. d. [1869].
  • « Notice sur une amulette d’Alfred le Grand ». Bulletin de la Société archéologique et historique du Limousin, t. XXV, 1877, p. 385-389.
  • « Dissertation sur le véritable sens du mot ANACLEUS ». Comptes rendus de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, 1878, p. 103-113.
  • « Représentation allégorique de l’Eucharistie ». Mémoires de la Société nationale des antiquaires de France, t. XXXIX, 1879, p. 73-86.
  • « Un grand seigneur du XVIe siècle. Le connétable de Montmorency ». Gazette des Beaux-Arts, 1879, t. XIX, p. 305-320 ; t. XX, p. 97-114 ; repris en tiré à part. Paris : impr. de Quantin, 1879.
  • « Les Peintres-Verriers étrangers à la France, classés méthodiquement selon les pays et l’époque où ils ont vécu ». Extrait des Mémoires de la Société nationale des antiquaires de France, t. XL, 1880, p. 1-66 ; repris en tiré à part. Nogent-le-Rotrou : impr. de Daupeley-Gouverneur, 1880.

Bibliographie critique sélective

  • Montaiglon Anatole (de). – « Ferdinand de Lasteyrie ». Gazette des Beaux-Arts, 1879, t. XX, p. 115-119.
  • Heuzey Léon. – « Discours du président sortant ». Bulletin de la Société nationale des antiquaires de France, 1880, p. 39-50.
  • Lafont Jean. – Le Vitrail. Origines techniques, destinées. Paris : Arthème Fayard, 1966 ; 4e éd. Paris : La Manufacture, 1992.

Sources identifiées

Paris, Archives nationales

  • F 19 1865, direction des Cultes, dossier personnel de Ferdinand de Lasteyrie

Paris, Institut de France

  • Dessin autographe provenant des papiers de l’helléniste Emmanuel Miller

En complément : Voir la notice dans AGORHA