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LONGPÉRIER, Adrien (de)
Mis à jour le 22 juillet 2010
(1816, Paris – 1882, Paris)
Auteur(s) de la notice :
CAUBET Annie
Profession ou activité principale
Conservateur des antiques et des sculptures dans le Louvre de Louis-Philippe et de Napoléon III
Autres activités
Numismate, archéologue et orientaliste
Sujets d’étude
Histoire, archéologie, numismatique
Carrière
1836 : entre au Cabinet des médailles de la Bibliothèque royale à 20 ans
11 février 1847 : nommé au Louvre à la suite du décès de Frédéric de Clarac comme « conservateur de la deuxième division des antiques du musée royal qui comprend les monuments égyptiens de toutes les époques, les monuments orientaux et arabes, indiens, etc. »
1869 : démissionne du Louvre à la suite d’un différend avec le surintendant Émilien de Nieuwerkerke, emportant avec lui sa documentation
1878 : après la chute de l’Empire, chargé de l’exposition rétrospective du Trocadéro
1838 : membre résident de la Société des antiquaires de France
1854 : élu membre de l’Académie des inscriptions et des belles-lettres, (Commission des antiquités de la France)
1843 : membre de nombreuses Sociétés savantes françaises et étrangères, dont les Antiquaires de Londres
1875 : membre de l’Accademia dei Lincei
Chevalier (1830), officier (1863) et commandeur de la Légion d’honneur (1878) ; décoré de nombreux ordres étrangers
Étude critique
Les domaines d’activité de Longpérier ont été nombreux et variés, s’exerçant en grande partie dans le cadre de ses fonctions au musée du Louvre, mais aussi en relation avec le monde savant en France et à l’étranger. C’est tout particulièrement le cas de ses travaux numismatiques et de ses activités éditoriales, ces dernières étant d’ailleurs étroitement liées à la numismatique. Lorsqu’il travaille au Cabinet des médailles, il rédige plusieurs catalogues de ventes de grandes collections de médailles comme celles de John Staples Harriot (1843), Linck (Stuttgart, 1843) et Faudel (Colmar, 1844). Puis Longpérier reprend avec Jean de Witte la direction de La Revue de numismatique après le départ de Louis de la Saussaye en 1856 : dans cette deuxième série, quinze volumes sont parus entre 1856 et 1877 avec interruption en 1870-1871. Le contenu de la revue est alimenté par une intense correspondance adressée par des numismates du monde entier, contenant des moulages et frottis de monnaies pour identification et éventuellement publication. Cette correspondance – conservée chez les descendants – constitue, avec la Revue de numismatique elle-même, une source précieuse pour l’histoire de la science et des collections numismatiques.
Toute sa vie, Longpérier participe aux grands projets éditoriaux de corpus et dictionnaires archéologiques entrepris dans cette deuxième moitié du XIXe siècle, tel le Dictionnaire archéologique de la Gaule. Époque celtique, publié par la Commission instituée par le ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts, dont le tome I (lettres A-G) paraît en 1875. Enfin, la diversité de ses intérêts scientifiques le pousse à fonder, toujours avec Jean de Witte, le Bulletin archéologique de l’Athenaeum français créé sur le modèle de la revue anglaise fondée en 1828 pour être « comme l’Athenaeum de l’Antiquité, le rendez-vous des philosophes, historiens, orateurs et poètes les plus distingués de nos jours » ; la vie de ce bulletin ne dépasse pas 1855 et 1856, mais il a eu le temps d’accueillir de très nombreuses notes historiques et archéologiques, des informations sur de nouvelles découvertes, dont beaucoup de la plume de Longpérier.
L’intérêt qu’il manifeste dans ces revues pour la préhistoire et l’archéologie nationale est partagé par Napoléon III qui crée le 8 mars 1862 un « musée d’antiquités celtiques et gallo-romaines », destiné à « réunir les pièces justificatives de notre histoire nationale » dans le château de Saint-Germain-en-Laye. Longpérier participe aux travaux de la Commission de création aux côtés d’Alexandre Bertrand (qui sera premier directeur du musée), Édouard Lartet, Félicien de Saulcy, Jacques Boucher de Perthes. Le Rapport établi en 1863 par le comte de Nieuwerkerke, surintendant des Beaux-Arts, précise, à propos du département des antiques au musée du Louvre, que « les antiquités scandinaves et gallo-romaines réunies à Saint-Germain […] relèvent de la même conservation. » Le musée est inauguré en marge de l’Exposition universelle de 1867.
Au Louvre, enfin, l’œuvre de Longpérier est immense et n’a jamais été proprement appréciée à sa vraie dimension. Nommé en 1847, il va y rester pratiquement jusqu’à la fin du Second Empire, à une période de grande expansion des collections archéologiques. Certes le musée possédait déjà un inestimable ensemble de « grands antiques » d’époque romaine venant de collections princières italiennes, la Vénus de Milo découverte en 1820 et entrée en 1821, les métopes d’Olympie de l’expédition Jean-Léon-Joseph Dubois et Abel Blouet dans le Péloponnèse en 1828, la Frise du temple d’Artémis Leucophryène de Magnésie du Méandre rapportée par la première mission archéologique française en Asie Mineure confiée à Charles Texier en 1842. Les collections égyptiennes rapportées par Jean-François Champollion ou achetées à Henry Salt, Édme-François Durand ou Antoine Clot-Bey sont déjà impressionnantes.
Mais durant sa carrière au Louvre, le volume enfle en même temps que les domaines tendent à devenir universels. Les découvertes faites sur le site de Khorsabad par Paul-Émile Botta en 1843-1844, donnent lieu à la création du premier musée assyrien ouvert dans l’angle nord-est de la Cour Carrée pour lequel Longpérier rédige une notice (1848), rééditée et augmentée des nouveaux envois de la mission Victor Place en 1854. En 1851, il organise la galerie des antiquités américaines dont il donne une notice parue dès 1850. Sous la forte impulsion donnée par Napoléon III aux recherches archéologiques, de nouvelles expéditions françaises sont envoyées en Orient, leurs découvertes viennent grossir les fonds du Louvre dans des proportions jamais vues jusqu’alors ; en 1859, c’est le retour de la mission de Félicien de Saulcy en Terre Sainte et à Chypre (voir l’ouvrage collectif, Félicien de Saulcy (1807-1880) et la Terre Sainte, Notes et Documents n° 5, Paris, 1982) ; en 1862 arrivent les caisses de la mission de Phénicie menée par Ernest Renan en 1859-1861. L’envoi comprenait des sarcophages anthropoïdes en marbre, des stèles, des inscriptions, de la céramique, des figurines… Les missions à Chypre du marquis de Vogüé et de l’architecte Edmond Duthoit en 1862 et 1864, font entrer plus de 1 000 sculptures, dont le monumental vase descendu de l’acropole d’Amathonte, près de 2 000 figurines de terre cuite et des céramiques. Parallèlement intervient l’achat de la collection du marquis de Campana, négocié directement par Napoléon III (1861). Cette collection, amassée avec passion, mais sans grande rigueur souffrait souvent de restaurations hasardeuses et fut accueillie sans enthousiasme par le Louvre (voir Gianpaolo Philippe Nadalini, Journal des savants, 1998, p. 183-225 et Françoise Gaultier et Catherine Metzger, catalogue d’exposition, Trésors antiques. Bijoux de la collection Campana, 2005). Longpérier s’occupa pourtant d’intégrer la partie archéologique comprenant céramiques, figurines de terre cuite, bijoux. Longpérier doit même à s’occuper épisodiquement des collections égyptiennes, lorsque le poste de Champollion, puis Théodule Dévéria et Emmanuel de Rougé se trouve vacant. Enfin, en 1854, l’étendue de ses responsabilités s’accroît lorsque son poste est redéfini comme conservateur des antiques et de la sculpture moderne (qui comprend la Renaissance et le Moyen Âge). Selon le Rapport de Nieuwerkerke (1863, p. 7 et suivantes), le « département des antiques et de la sculpture moderne est composé de vingt-deux salles de sculpture au rez-de-chaussée et de six salles de l’ancienne galerie Charles X, contenant les vases, bronzes, terres cuites, bijoux et autres petits monuments […]. La collection de bronze est-elle devenue si importante qu’il a fallu lui consacrer une place spéciale au premier étage, pavillon de l’Horloge […] Les spécimens de céramique antique, les terres cuites, les bijoux vont prendre place dans les galeries du bord de l’eau où ont été longtemps les peintures de l’école française. À ce département se trouvent jointes trois autres collections qui relèvent de la même conservation. 1°) Les sculptures du Moyen Âge, de la Renaissance et des Temps modernes ; 2°) Les antiquités américaines ; 3°) Les antiquités scandinaves et gallo-romaines réunies à Saint-Germain. Le département des antiques et de la sculpture moderne a reçu, depuis 1860, environ 3 000 objets d’art. »
On ne peut qu’admirer la rapidité avec laquelle Longpérier s’acquitte de la tâche de présenter au public ces diverses galeries. Nous n’avons pas toujours d’informations précises sur les mouvements des œuvres au cours de cette période, mouvements qui furent nombreux en raison même des arrivées fréquentes et massives : le premier musée assyrien ouvre en 1847 dans l’angle nord-est de la Cour Carrée, il est rapidement agrandi transformé avec l’arrivée des œuvres de la mission Place : la présentation dessinée par l’architecte Hector Lefuel dans la galerie est de la Cour Carrée a subsisté jusqu’au déplacement dans l’aile de Richelieu en 1993. Les sarcophages et les stèles phéniciennes et les sculptures de Chypre ont été mis en place dans l’aile nord de 1862 à 1865, date à laquelle le monumental vase d’Amathonte a été mis en place dans la salle où il se trouve toujours aujourd’hui. Longpérier réorganise les antiquités grecques et romaines en distinguant les originaux grecs des marbres de l’époque romaine ; il installe la collection Campana au premier étage de l’aile sud de la Cour Carrée, créant le musée Napoléon III. Céramiques, bronzes et figurines antiques prenaient place ainsi à côté du musée Charles X qui abrite toujours des collections égyptiennes.
L’œuvre muséographique accomplie est immense. L’œuvre écrite l’est aussi, mais incomplètement. Le portrait dressé par Jean de Witte dans l’article nécrologique de 1884 est révélateur de ces qualités et de ces défauts : « Mon ami n’a pas écrit un seul ouvrage de quelque étendue […] et s’il commençait des ouvrages qui devaient prendre certains développements, il ne les a jamais terminés. On a eu tort de dire qu’il avait peu écrit : ses articles […] sont imprimés dans une foule de recueils dont quelques-uns sont introuvables. On lui reprochait […] d’éparpiller dans un trop grand nombre de recueils les fruits de ses profondes et consciencieuses recherches. Il éprouvait une difficulté très grande quand il s’agissait de livrer à l’impression un travail quelconque. Il espérait toujours le compléter, le rendre meilleur, y ajouter de nouvelles considérations […]. Cet homme d’une science si sûre était tellement défiant de lui-même […] qu’il avait de la peine à y mettre la dernière main. »
Sa carrière au Louvre se termine par un drame, conséquence de ces scrupules paralysants. Longpérier, que « la paperasserie… exaspérait » (Olivier Rayet, 1882), déteste opérer le récolement que réclame la Cour des comptes, ou tenir à jour les inventaires, préférant préparer ses notices par de longues recherches qui toutes n’aboutissent pas. Les œuvres assyriennes, américaines, des bronzes antiques sont traitées, mais pas la collection Campana, ni les envois de Chypre, ni la collection Phénicienne. Nieuwerkerke, le surintendant des Beaux-Arts, lassé d’attendre, finit par lui adresser une lettre (conservée dans les archives des MN0 cote 0 30 54 du 20 janvier 1869) lui reprochant son incapacité à déléguer et à terminer la tâche essentielle des conservateurs qu’est l’inventaire. Longpérier démissionne, emportant avec lui sa documentation sur les collections, qui n’a pas été retrouvée à ce jour. Après la chute de l’Empire, dans sa retraite, il continue d’exercer une profonde influence sur le monde savant. Peu avant sa mort, il voit au Louvre les premières trouvailles d’Ernest de Sarzec à Tello qui viennent confirmer une de ses intuitions : l’existence d’une civilisation distincte dans le sud de la Mésopotamie, au pays de Sumer.
Les savants, collègues et amis qui l’ont approché saluent tous « ce coup d’œil d’une sûreté merveilleuse et cette espèce d’instinct divinatoire qui fait en quelque façon, au toucher, reconnaître l’objet faux » (Olivier Rayet), « ce feu d’artifice d’érudition de omni re scibili sur tout ce qui de près ou de loin, pouvait intéresser votre curiosité » (Philippe de Chennevières).
Avec cela, d’abord agréable et spirituel, amateur de « calembours et des calembredaines, des quatrains pleins de malices et de drôlerie » (Philippe de Chennevières), couvrant ses feuilles de papiers d’alertes croquis, Longpérier est le plus méconnu des grands serviteurs du musée du Louvre.
Annie Caubet, conservateur général honoraire du Patrimoine, membre correspondant de l’Académie des inscriptions et belles-lettres
Principales publications
Ouvrages et catalogues d’expositions
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Notice des monuments exposés dans la galerie d’antiquités assyriennes au Louvre. Paris, 1848 ; 2e éd. Paris : imprimerie de Vinchon, 1849 ; 3e éd., sous le titre Notice des antiquités assyriennes, babyloniennes, perses, hébraïques, exposées dans les galeries du musée du Louvre. Paris : imprimerie de Vinchon, 1854. -
Notice des monuments exposés dans la salle des antiquités américaines (Mexique et Pérou) au musée du Louvre. Paris : Vinchon, 1850 ; 2e éd. avec suppl., 1852. - Musée Napoléon III. Choix de monuments antiques pour servir à l’histoire de l’art en Orient et en Occident. Texte explicatif par Adrien de Longpérier. Paris : L. Guérin, en livraison de 1867 à 1874. Paris : Féchoz et Letouzey, rassemblé en 1882.
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Notice des bronzes antiques exposés dans la galerie du musée impérial du Louvre. Paris : imprimerie de C. de Mourgues frères, 1868. - Œuvres de A. de Longpérier, membre de l’Institut, réunies et mises en œuvres par G. Schlumberger, 7 vol., in 8°. Paris : E. Leroux, 1883-1887. I. Archéologie orientale (51 titres). Monuments arabes (21 titres dont 9 de numismatique). II. Antiquités grecques romaines et gauloises. 1re partie (1838-1861). III. Antiquités grecques romaines et gauloises. 2e partie (1862-1882) (188 titres au total pour les t. II et III). IV à VI. Moyen-Âge et Renaissance (127 titres). Antiquités américaines (4 titres).
Bibliographie critique sélective
- Lenormant François. – Notice sur M. A. de Longpérier. Paris : imprimerie de A. Quentin, 1882.
- Schlumberger Gustave. – « Notice sur la vie et les travaux de M. Adrien de Longpérier ». Bulletin de la Société nationale des antiquaires de France, 1882, p. 3-68 [avec une liste des travaux].
- Rayet Olivier. – « Adrien de Longpérier ». Gazette des Beaux-Arts XXV, 1882, p. 125-131.
- Promis Vincenzo. – « Adriano de Longpérier. Membro dell’Instituto di Francia. Socio Estero della R. Accademia delle Scienze ». Atti della R. Accademia delle Scienze di Torino, vol. XVII, Adunanza del 5 febbraio 1882, p. 3-7.
- Vallentin Florian. – « Nécrologie. Henri-Adrien Prévost de Longpérier ». Bulletin épigraphique de la Gaule, mars-avril 1882, p. 1-8 [donne une liste des articles nécrologiques parus dans la presse internationale].
- Witte Jean. – Notice sur Adrien de Longpérier, associé de l’Académie royale de Belgique. Bruxelles : R. Hayez, imprimeur de l’Académie royale, 1884, 70 p. [avec la liste des travaux p. 29-70].
- Nieuwerkerke Alfred-Émilien. – Rapport de M. le comte de Nieuwerkerke sur les travaux… réalisés depuis 1849 dans les musées impériaux. Paris : Didier et Cie, 1863.
- Chennevières Philippe (de). – Souvenirs d’un directeur des Beaux-Arts. Paris : aux bureaux de L’Artiste, 1883-1889, p. 111-116.
- Fontan Élisabeth. – « Adrien de Longpérier et la Création du musée assyrien du Louvre ». In Fontan Élisabeth. et Chevalier Nicole, dir., De Khorsabad à Paris. La découverte des Assyriens. Paris : Réunion des musées nationaux, 1994, p. 226-239.
- Fontan Élisabeth. – « Adrien Prévost de Longpérier ». In Gubel Éric, dir., La Sculpture de tradition phénicienne. Musée du Louvre. Paris : Réunion des musées nationaux, 2002, p. 15-16.
Sources identifiées
Iconographie
- Photographie : buste en médaillon ovale, (s. d. vers 1845-1850) gravée dans plusieurs des notices nécrologiques
- Sculptures par Nieuwerkerke, (1856 : buste vêtu, terre cuite patinée et buste à l’antique, bronze)
- Dessin par François-Joseph Heim (1856) Longpérier assis en habit d’académicien, musée du Louvre (département des arts graphiques)
En complément : Voir la notice dans AGORHA