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MAIGNIEN, Charles-Ambroise-Napoléon
Mis à jour le 16 juin 2010
(20 août 1805, Paris – 6 août 1881, Grenoble)
Auteur(s) de la notice :
CLERC Marianne
Profession ou activité principale
Professeur de lettres
Autres activités
Historien de l’art, critique, auteur de pièces de théâtre
Sujets d’étude
Littérature, philosophie, art
Carrière
1837 : publie son recueil d’Études littéraires rassemblant des contributions antérieures
1838 : professeur de seconde au lycée de Grenoble
1839 : thèse de doctorat ès lettres, soutenue devant la faculté des lettres de Lyon, publiée la même année
1841 : professeur de philosophie au collège royal de Dieppe, membre correspondant de l’Académie delphinale ; professeur à la faculté de Lyon
1847-1871 : professeur et doyen de la faculté des lettres de Grenoble ; collabore régulièrement au Bulletin de l’Académie delphinale
1856 : élu président de l’Académie delphinale ; membre des Académies de Caen, Cambrai et Dijon
1865 : participe au congrès des Sociétés savantes à la Sorbonne
1866 : réélu président de l’Académie delphinale
Chevalier de la Légion d’honneur (11 août 1859) ; officier de l’université, médaille des palmes académiques
Étude critique
Jusque-là rangés sous le patronyme « Maignien », les travaux sur la littérature et les arts de Charles-Ambroise-Napoléon Maignien n’avaient pas été distingués de ceux de son fils Edmond Maignien, davantage connu. Formé dans la tradition philologique classique, Maignien développe, dès sa thèse latine soutenue devant la faculté des lettres de Lyon et publiée en français en 1839, Du théâtre tragique des Grecs considéré sous le rapport de la philosophie dramatique, un ensemble de réflexions auquel il restera fidèle. Problématique et méthode, sa « physiologie du drame » met en valeur le cœur de sa pensée « ne jamais sortir des voies de la nature », s’inspirer de l’humanité, mais surtout étudier ceux que la nature a guidés. Appréciant les théories et la pratique – il est l’auteur notamment de drame Galeswinthe (1856), drame en cinq actes et en vers –, il multiplie les essais, préférant les études courtes et critiques sur divers sujets, dont il rassemble une partie en un important recueil d’Études de littérature et d’art (Paris, 1862-1863). Regrettant l’abandon de la « vraie critique » par les historiens et les archéologues, il privilégie dans ses travaux une approche esthétique imprégnée d’idéalisme où se manifeste toujours un goût pour la réflexion et une curiosité pétillante appuyée sur les valeurs considérées comme éternelles du beau, du bien et du vrai. Il retient de la pensée de Germaine de Staël et de François-René de Chateaubriand le progrès des idées et de la moralité. S’il évoque le peintre Jacques-Louis David et le « renouvellement exagéré mais sérieux » de son art, c’est davantage pour étayer sa Notice sur quelques éléments de l’histoire des arts au point de vue de leur grandeur et de leur décadence (Paris, 1866). Néanmoins, il demeure avant tout soucieux d’une méthode sans préjugés. Pour ce faire, il s’inspire dans ses Études de littérature et d’art (1862, p. 1-24) des « idola » de Francis Bacon, différentes formes d’erreurs s’opposant à la « vraie recherche des choses ». Se défendant d’écrire un traité théorique, il dresse cependant une série de préjugés dont les études de littérature et d’art doivent se préserver : prendre l’effet pour la cause et se garder des préjugés de découverte, historique, classique, romantique, d’école, du goût naturel, de méfiance, de l’ignorance relative, d’arrière-pensée politique ou philosophique et de nationalité. S’inscrivant à contre-courant des approches déterministes contemporaines et en particulier celles d’Hippolyte Taine, que toutefois il ne mentionne pas, il considère comme une erreur capitale de tenir pour essentielles et déterminantes les circonstances qui ont accompagné un fait.
Humaniste, féru de rhétorique, il enseigne à partir de 1847 à Grenoble où il est nommé professeur de littérature française et doyen de la faculté des lettres nouvellement rétablie. L’Académie delphinale dont il sera membre puis président – il sera également membre des Académies de Caen, Cambrai et Dijon – lui offre un lieu de discussions savantes où « l’érudition individuelle devient un trésor commun » ; de surcroît, grâce au Bulletin de l’Académie delphinale, il dispose d’une tribune pour la publication régulière de ses réflexions. Sa franchise de ton passe parfois pour de la satire et étonne encore aujourd’hui par sa vivacité, notamment dans ses critiques du Salon de Grenoble ou dans ses points de vue sur l’actualité culturelle locale. De même, la conférence qu’il présente le 8 avril 1853 en séance de l’Académie delphinale ne laisse pas de surprendre. Il s’agit d’une Étude sur le Jugement dernier de Michel-Ange, longue description analytique de quatorze pages sur ce « délire divin », où il souligne l’étrangeté de certaines des figures et se garde d’intégrer les observations de Giorgio Vasari, d’Antoine Chrysotome Quatremère de Quincy et de Stendhal, qui entraîneraient selon lui des discussions inutiles. Amené à s’exprimer sur des événements culturels locaux, il n’entend pas rester tiède. Il rédige sans ménagement pour les artistes les comptes rendus du Salon de Grenoble en sept articles parus dans le Courrier de l’Isère d’août à octobre 1853. Chacune des œuvres exposées fait l’objet d’un commentaire où il se veut sincère. S’il cite en modèle Jean-Auguste Dominique Ingres, Nicolas Poussin ou Salvatore Rosa mais aussi le Pierre Paul Rubens du musée de Grenoble (Saint Grégoire, 1607), en esthète, il note à propos d’une œuvre : « j’aurais voulu une posture moins horrible » et en philologue relève dans certaines figures des expressions et des attitudes peu en accord avec les textes, et il s’interroge : « Est-ce le Christ que l’on voit à gauche ? Mais alors pourquoi tourne-t-il le dos à la veuve ? » Par son emploi du « je » : « j’ai dit, je ne pense pas ainsi », parce qu’il s’adresse autant aux artistes qu’aux lecteurs, et jusque dans son ton parfois enjoué, il montre qu’il n’ignore pas Denis Diderot. Sa critique ne s’arrête pas au sujet, il signale les faiblesses du dessin, l’imperfection d’un contour ou la subtilité du rapport avec le clair-obscur. Il conseille les artistes : « étudiez, méditez la Sainte-Famille [de Raphaël], comprenez-la, vous aurez beaucoup fait » et plus particulièrement, recommande aux paysagistes de lire Virgile. Il n’hésite pas à saluer l’audace et l’opiniâtreté de peintres grenoblois comme Charles Diodore Rahoult et Henri Blanc-Fontaine. L’installation du fronton de l’hôpital de Grenoble lui donne l’occasion de défendre dans le Courrier de l’Isère le sculpteur dauphinois Charles-Aimé Irvoy en faisant comme il l’avoue « une de ces études que nous aimons ». Le fronton lui sert de prétexte à une réflexion hardie sur la frilosité de la municipalité, qui par crainte de se compromettre préfère le plus souvent choisir un nom déjà illustre, et donc c’est avec satisfaction qu’il perçoit dans le choix d’Irvoy la volonté nouvelle de la ville de Grenoble de faire confiance à ses artistes. Son article paraît suffisamment critique pour être publié accompagné de l’avis contradictoire du rédacteur du Courrier de l’Isère défendant une position radicalement opposée.
Dans sa Définition et Analyse esthétique de l’idée de l’art considérée dans l’artiste et dans l’œuvre (Académie delphinale, 1864), partant du principe que l’œuvre d’art contient et rend vivante la pensée de l’artiste, Maignien évoque notamment le statut de la copie par rapport à l’original – la copie perdant le signe de l’homme qui pense –, idée qu’il prolonge dans un parallèle entre l’œuvre d’art et la photographie, regardée comme « œuvre d’art sans artiste ». Au fait des discussions parisiennes, il reprend ce thème en 1868 dans une longue contribution au Bulletin de l’Académie delphinale. La photographie peut-elle devenir « l’équivalent absolu d’une vraie œuvre d’art » ? Affaire de chimiste, de metteur en œuvre, il lui reconnaît des avantages incomparables ; elle donne raison au dessinateur par la qualité, la finesse des lignes et contours mais dessert celui qui voudrait en reprendre les détails. Dans tous les cas, la photographie invite à méditer sur la perspective ou le coloris car « son modelé délicat et doux qui ne paraît tenir à rien ou presque rien, produit cependant quelquefois ce relief magique, surtout recherché par les coloristes ». Si les réflexions de Maignien ne renouvellent pas le champ des pensées sur l’art, la perspicacité de ses observations témoigne, à l’heure où se construit le nouveau musée-bibliothèque municipal, de la vitalité de « l’intellectualité » grenobloise dans les années 1860.
Marianne Clerc, maître de conférences en histoire de l’art, université Pierre Mendès-France, Grenoble
Principales publications
Ouvrages et catalogues d’expositions
- De l’influence qu’a exercée sur le style de Paul-Louis Courier l’étude approfondie de la langue grecque. Cambrai : impr. de Lesne-Daloin, 1834, 20 p.
- Études littéraires. Paris : J. Renouard, 1837.
- Du théâtre tragique des Grecs considéré sous le rapport de la philosophie dramatique : thèse, faculté des lettres de Lyon. Grenoble : Prudhomme, 1839.
- Études littéraires et philosophiques. Paris : Vve Maire-Nyon, 1841, 480 p.
- Galeswinthe : drame en 5 actes et en vers. Grenoble : impr. de Prudhomme, 1856, 116 p.
- Études de littérature et d’art. Paris : Durand ; Grenoble : A. Merle, 1862-1863, 2 vol., 690 p.
Articles
- « Étude sur le Jugement dernier de Michel-Ange ». Bulletin de l’Académie delphinale, séance du 8 avril 1853. Grenoble : Prudhomme, 1860, 14 p.
- « Exposition de peinture de Grenoble – Salon de 1853 ». Courrier de l’Isère, 20, 25 août 1853 ; 1er, 8 septembre 1853 ; 1er, 15, 27 octobre 1853.
- « Conclusion morale dans les ouvrages qu’on peut considérer comme des œuvres d’art ». Bulletin de l’Académie delphinale, séance du 19 février 1858. Grenoble : Prudhomme, 2e série, t. I, p. 366-374.
- « Pensées et Réflexions sur quelques principes de l’art ». Bulletin de l’Académie delphinale, séance du 25 mars 1859. Grenoble : Prudhomme, 2e série, t. I, p. 496-501.
- « Visite au musée de Grenoble ». Courrier de l’Isère, 3, 13, 29 décembre 1859 ; 28 janvier, 7 juillet 1860.
- « Définition et Analyse esthétique de l’idée de l’art considérée dans l’artiste et dans l’œuvre d’art ». Bulletin de l’Académie delphinale, séance du 20 mai 1864. Grenoble, Prudhomme, 1864.
- « Le Fronton de l’Hôpital ». Courrier de l’Isère, 29 décembre 1864.
- « Art et Photographie ». Bulletin de l’Académie delphinale. Grenoble : Prudhomme, 1868,14 p.
- Notice sur quelques éléments de l’histoire des arts au point de vue de leur grandeur et de leur décadence. Paris : Imprimerie impériale, 1866.
- « Sur la philosophie du Dictionnaire de médecine de MM. Littré et Robin ». Bulletin de l’Académie delphinale, séance du 29 novembre 1872. Grenoble : impr. de Prudhomme, 1873.
Bibliographie critique sélective
- Crozals Jacques (de ). – La Faculté des lettres de Grenoble. Grenoble : Gratier, 1897.
- Daigle Jean-Guy. – La Culture en partage, Grenoble et son élite au milieu du XIXe siècle. Ottawa : Éditions de l’université ; Grenoble : Presses universitaires, 1977.
Sources identifiées
Grenoble, archives départementales de l’Isère
- T 153 à 155 : archives de l’Inspection académique, fonds de l’Académie, fonds des facultés, sciences et arts depuis 1800 citées par Daigle (1977)
Grenoble, bibliothèque municipale
- O 13906 : programme de la faculté des lettres. Année classique 1847-1848
- O 14539 : « Néron et Lucain, Drame historique en 5 parties », séances de l’Académie delphinale du 9 juin 1848, 12 janvier 1849, 27 avril 1949
Paris, Archives nationales
- F 17, 21219 : instruction publique, facultés de Grenoble, dossiers d’enseignants, rapports du recteur cités par Daigle (1977)