Auteur(s) de la notice :

QUEMIN Alain

Profession ou activité principale

Médecin

Autres activités
Amateur d’art, historien du marché de l’art

Sujets d’étude
Marché de l’art en France et à l’étranger pendant les XVIIIe et XIXe siècles

Carrière
1867 : docteur en médecine ; se spécialise rapidement en « maladies syphilitiques et de la peau » à partir de sa thèse consacrée à l’hérédité de la syphilis
1868-1914 : médecin à Marseille rue Impériale (devenue ensuite rue de la République)
1868 : est admis dans la Société des médecins des Bouches-du-Rhône
1869 : tient la rubrique « Syphiliographie » dans la revue Marseille Médical
1870-1871 : chirurgien major durant son service militaire
1874 : devient médecin du service médical des mœurs de Marseille ; assure à ce titre les visites hebdomadaires obligatoires des prostituées inscrites et les visites de prostituées clandestines arrêtées par la police
1881-1883 (ou 1884) : « médecin ordinaire » employé par la compagnie d’assurances L’Union
1884 : devient médecin du premier bureau de secours mis en place à Marseille lors de l’épidémie de choléra
1885 : membre de la commission sanitaire municipale chargée de l’hygiène publique et privée, de l’organisation des bureaux de secours et du signalement de toutes les mesures pratiques nécessaires lors de la nouvelle épidémie de choléra
1886 : vice-secrétaire de l’Association médicale des Bouches-du-Rhône et membre du bureau (secrétaire général) de la Société nationale de médecine
1887-1892 : conseiller municipal et adjoint au maire de Marseille Félix Baret
1889 : président de la Société nationale de médecine
1900 : cède la totalité de sa collection de tableaux pour financer son Dictionnaire des ventes d’art
1900-1902 : de nouveau conseiller municipal lors du second mandat du maire de Marseille Siméon Flaissières
1901-1912 : publication des sept volumes du Dictionnaire des ventes d’art faites en France et à l’étranger pendant les XVIIIe et XIXe siècles : tableaux, dessins, estampes, aquarelles, miniatures, pastels, gouaches, sépias, fusains, émaux, éventails peints et vitraux

Société des médecins des Bouches-du-Rhône (1868) ; Association médicale des Bouches-du Rhône ; Société nationale de médecine ; prix de la Société de statistiques de Marseille (1875) ; prix Vernois de l’Académie de médecine pour ses travaux sur la syphilis et la prostitution (1875) ; prix Bellion de l’Institut pour une nouvelle étude sur la prostitution à Marseille (1882) ; chevalier de la Légion d’honneur (1884) ; prix Bertillon de la Société d’anthropologie de Paris pour une étude démographique sur la dépopulation de la France (1889)

Étude critique

Comme beaucoup de notables et de bourgeois fortunés de son temps, Hippolyte Mireur, quoique médecin de profession et hygiéniste reconnu, fut un grand amateur d’art. Fils d’un propriétaire terrien du Var, il était, par ailleurs, petit-neveu de François Mireur, médecin militaire et héros des armées napoléoniennes, qui fut l’un des premiers à entonner La Marseillaise. Après son installation comme médecin à Marseille, en 1868, Hippolyte Mireur s’intégra d’autant plus vite à l’élite locale qu’il réalisa, en 1876, un « beau mariage » avec Julie Moutet, fille d’un richissime homme d’affaires qui avait notamment développé ses activités dans la minoterie. Menant un train de vie aisé, et bien qu’ayant une activité professionnelle – mais aussi, à un moindre degré, politique – intense, il joua un rôle de mécène dans plusieurs domaines artistiques et put développer une importante collection d’œuvres d’art. L’aisance financière de Mireur lui permit également d’employer un secrétaire assurant la rédaction de ses travaux scientifiques et, à la fin de sa vie, des collaborateurs chargés de l’aider dans son entreprise de collection de données relatives au marché de l’art (deux ou trois personnes étaient rémunérées par lui pour effectuer les recherches en ce domaine).

En 1900, Mireur céda pratiquement la totalité de sa collection de tableaux, lors d’une vente à l’Hôtel Drouot, pour financer son Dictionnaire des ventes d’art faites en France et à l’étranger pendant les XVIIIe et XIXe siècles : tableaux anciens de Demarne, L’Albane, Greuze, Lépicié, Parrocel, Sauvage, Sneiders, Weenix, des toiles de l’école hollandaise et d’autres attribuées à Fragonard ou Natoire, par exemple, mais aussi d’autres modernes, dont pas moins de quatre vingt-huit signées de Monticelli, et d’autres de Beauquesne, Courbet, Descamps, Garrido, Guillemet, Louis Guy, Montpezat, Sisley, Trouillebert, Vuillefroy, Rivoire ou attribuées à Théodore Rousseau lui rapportèrent 108 000 francs, soit l’équivalent de plus de 360 000 euros de 2004. Le coût de l’entreprise fut si élevé que l’éditeur fit faillite et que Mireur dut s’endetter, à tel point qu’à sa mort, ses enfants – qui étaient, pour leur part, bien installés à leur tour dans la notabilité – durent refuser la succession. On aurait pourtant tort de voir en cela l’échec d’un homme qui était un passionné d’art, mais aussi qui se voulait plus généralement au service de son prochain. Franc-maçon, socialiste, Hippolyte Mireur ne rechignait pas à mettre son savoir comme sa fortune au service de l’humanité. Son engagement en faveur de l’hygiénisme et sa lutte contre la syphilis – affectant notamment les prostituées – qui occupèrent une grande part de sa carrière de médecin se poursuivirent à la fin de son existence par le souhait de rendre l’art plus accessible au plus grand nombre, ce pour quoi il mobilisa sa fortune. Comme il le formulait lui-même, « en notre siècle, il ne nous déplaît point de constater que l’Art lui-même va se démocratisant, car c’est bien de la vraie démocratisation artistique que de voir les chefs-d’œuvre des collections princières passer aux mains des diverses classes de la Société » (préface au Dictionnaire des ventes d’art faites en France et à l’étranger pendant les XVIIIe et XIXe siècles, p. II). En rédigeant son Dictionnaire, Mireur entendait ainsi permettre à chacun de devenir à son tour collectionneur d’art, en ayant de solides bases pour ne pas être victime de l’opacité du marché.

Il ne fallut pas moins d’une douzaine d’années à Hippolyte Mireur pour publier, entre 1901 et 1912, les sept volumes du Dictionnaire qui relèvent clairement d’une démarche scientifique. L’ouvrage, largement passé à la postérité sous le nom de son auteur, le « Mireur », reproduit les informations collectées tant dans des journaux spécialisés que dans les catalogues annotés de ventes aux enchères de la période couverte (trois mille ventes publiques avec les prix d’environ 150 000 pièces).

Chaque artiste, français ou étranger, est recensé dans le dictionnaire par ordre alphabétique. Le patronyme et le prénom sont suivis d’indications relatives à son pays et à sa ville d’origine ainsi qu’à sa ville de décès, à l’époque de sa naissance et de son décès, et au genre d’œuvres produites. Les ventes publiques au cours desquelles des œuvres de l’artiste ont été dispersées (pour chaque vente, « le Mireur » mentionne la date et le lieu) sont alors mentionnées par rang de date ; le nom du vendeur (loin de l’anonymat qui est presque toujours la règle désormais, ce qui permet de retracer l’histoire des œuvres en sachant de quelles collections elles ont fait partie), le titre (qui peut avoir changé), le support et les dimensions des œuvres sont mentionnés lorsque ces informations étaient accessibles. Ces données, déjà précieuses pour l’historien, sont parfois complétées par l’état de conservation de l’œuvre, mais aussi par une description des sujets permettant de reconnaître celle-ci. Enfin, le prix est mentionné. Le Dictionnaire des ventes d’art faites en France et à l’étranger pendant les XVIIIe et XIXe siècles permet donc notamment de bénéficier d’indications sur la cote passée des plus grands maîtres de la peinture, à une époque où leurs œuvres se présentaient de façon moins exceptionnelle qu’aujourd’hui sur le marché.

Ainsi, le lecteur du Dictionnaire dispose d’informations riches et précises sur l’historique des œuvres – tableaux, dessins, estampes, miniatures, aquarelles, gouaches, fusains, sépias, pastels, émaux, éventails peints et vitraux – présentées en ventes aux enchères au cours des XIIIIe et XIXe siècles, ainsi que sur leur fortune au fil du temps. Étant donné la grande précision de l’ouvrage, celui-ci s’est imposé comme publication de référence et a maintenu ce statut plus d’un siècle après sa parution.

À ce jour, le Mireur reste encore le seul ouvrage couvrant de façon exhaustive les ventes d’art de 1700 à 1900. Les prix recensés dans l’ouvrage permettent d’apprécier l’influence des modes et d’étayer une histoire du goût artistique à travers la variation des cotes. Dans sa préface, Mireur n’a pas manqué de souligner que les écoles italienne et espagnole, aux prix souvent inabordables un siècle plus tôt, étaient devenues largement délaissées au début du XXe siècle. Les écoles flamande et hollandaise semblaient, de même, connaître une certaine désaffection. À l’inverse, la peinture du XVIIIe siècle connaissait une ferveur soudaine, tout comme l’école française de 1830 et l’école anglaise. Le Dictionnaire des ventes d’art faites en France et à l’étranger pendant les XVIIIe et XIXe siècles a aussi permis d’enregistrer le changement de goût esthétique avec l’envolée de l’école impressionniste. Le projet porté par Mireur consistait en rien moins qu’à chiffrer les fluctuations de la faveur ou de l’indifférence, ce qui rattache l’histoire du marché à l’histoire du goût et a fortement ouvert l’histoire de l’art à des techniques quantitatives rigoureuses.

On comprend aisément pourquoi le Mireur est devenu un classique pour tous les amateurs d’art, et notamment pour les historiens de l’art. En ayant offert un instrument de travail aux spécialistes de l’art du XVIIIe et du XIXe siècles, tout particulièrement à ceux étudiant le marché de l’art et l’évolution du goût, l’apport d’Hippolyte Mireur est considérable. Désormais ouvrage de référence, le Dictionnaire des ventes d’art faites en France et à l’étranger pendant les XVIIIe et XIXe siècles a même été réédité (sous sa forme d’origine à peine améliorée) dans une très belle présentation, par Artprice en 2001, apportant ainsi une consécration posthume méritée à l’œuvre d’Hippolyte Mireur.

Alain Quemin, professeur de sociologie de l’art,
université Paris-Est / Institut Universitaire de France / LATTS (CNRS)

Principales publications

Ouvrages et catalogues d’expositions

  • Essai sur l’hérédité de la syphilis. Paris : thèse de doctorat, A. Delahaye, 1867.
  • La Syphilis et la Prostitution à Marseille dans leurs rapports avec l’hygiène, la morale, la loi. Paris : Masson, Librairie de l’Académie de médecine, 1875 ; 2e éd., 1888.
  • Recherches sur la non-inocunabilité syphilitique du sperme. Paris : Masson, 1878.
  • Rétif de la Bretonne et le pornographe. Étude critique. Préface à la réimpression. Bruxelles : Gay et Doucé, 1879.
  • La Prostitution à Marseille. Histoire, administration et police, hygiène. Paris : Dentu, Librairie de la société des gens de lettres, 1882.
  • La Syphilis et les assurances sur la vie : étude médico-légale ; 2e éd., Paris : Masson, 1882.
  • Étude historique et pratique sur la prophylaxie et le traitement du choléra basée sur les observations fournies par l’épidémie de Marseille ; 2e éd. revue et augm., Paris : Masson, 1884.
  • La Mortalité de l’enfance à Marseille comparée à celle de la France et des autres nations. Paris : Masson, 1887.
  • Les Morts violentes à Marseille : suicides, accidents et meurtres. Paris : Masson, 1888.
  • Le Mouvement comparé de la population à Marseille, en France et dans les états d’Europe. Paris : Masson, Librairie de l’Académie de médecine, 1889.
  • Œdipe à Colone, tragédie de Sophocle traduite et adaptée, en 5 actes et en vers. Paris : Stock, 1905.
  • L’Avarie : origine, symptômes, contagion, traitement, prophylaxie. Paris : P.V. Stock, 1906.
  • Gaspard de Besse, comédie en 4 actes, en vers, précédée d’une notice biographique. Marseille : éditions de la Cigale, 1912.
  • Dictionnaire des ventes d’art faites en France et à l’étranger pendant les XVIIIe et XIXe siècles : tableaux, dessins, estampes, aquarelles, miniatures, pastels, gouaches, sépias, fusains, émaux, éventails peints et vitraux. Paris : L. Soullié (C. de Vincenti), 1901-1912, vol.1 ; vol. 2 ; vol. 3 ; vol. 4 ; vol. 5 ; vol. 6 ;vol. 7 ; rééd. Artprice, 2001.

Bibliographie critique sélective

  • Arborio Anne-Marie. – « L’Élite médicale aux portes des quartiers populaires à la fin du XIXe siècle ». In Fournier Pierre et Mazzella Sylvie, Marseille entre ville et ports. Les destins de la rue de la République. Paris : La Découverte, 2004.
  • Mireur Olivier. – « Hippolyte Mireur par son arrière petit-fils ». In Dictionnaire des ventes d’art faites en France et à l’étranger pendant les XVIIIe et XIXe siècles. Paris, 7 vol. ; rééd. Artprice, 2001, p. i-iv.
  • Van Wilder Frank. – « Pourquoi rééditer le dictionnaire des ventes d’art ? ». In Dictionnaire des ventes d’art faites en France et à l’étranger pendant les XVIIIe et XIXe siècles ; Paris, 7 vol. ; rééd. Artprice, 2001, p. vii-xi.

Sources identifiées

Pas de sources recensées à ce jour