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PÉRATÉ, André
Mis à jour le 12 janvier 2010
(11 février 1862, Nancy – 30 septembre 1947, Versailles)
Auteur(s) de la notice :
LE POGAM Pierre-Yves
Profession ou activité principale
Conservateur du musée de Versailles
Sujets d’étude
Archéologie et mystique chrétiennes, histoire de l’art (peinture italienne ; Versailles)
Autres activités
Directeur de collection, traducteur
Carrière
Études à Troyes, Vesoul, puis à Paris au lycée Louis-le-Grand
1881 : entrée à l’École normale supérieure ; agrégé ès lettres
1884-1887 : membre de l’École française de Rome
1887 : retour à Paris et mariage ; plusieurs années hors poste dues à sa santé fragile
1891 : attaché au musée de Versailles
1893 : conservateur-adjoint du musée de Versailles
1919 : conservateur du musée de Versailles
Avril-juin 1922 : directeur intérimaire de l’École française de Rome
1932 : prend sa retraite à Versailles
Directeur de la collection « Les Saints »
Président de la Société des Amis des catacombes romaines
Étude critique
Dès ses études, André Pératé fit montre d’une versatilité d’esprit qui allait le marquer profondément. Il avait songé à s’inscrire aux Beaux-Arts avant d’intégrer l’École normale et, pendant son cursus dans cette dernière, il fut attiré notamment par la littérature et la poésie. Son entrée à l’École française de Rome vint infléchir ses intérêts, en en faisant un archéologue et un historien de l’art, mais ses deux premières amours — pour les arts vivants et pour les mots — devaient sans cesse s’y conjuguer par la suite, tandis que deux autres facteurs, sa foi chrétienne et son attachement profond en amitié, seront également déterminants pour son œuvre et son action. Pour évoquer le dernier point, il suffit de rappeler qu’il se lia à l’École française avec Paul Fabre, dont il épousa la sœur et dont il adopta le fils Pierre à la mort de celui-ci, en 1899. De même, à Versailles, il retrouva un ancien élève de l’École française et ami, Pierre de Nolhac, qu’il assista pendant plus de vingt-cinq ans avant de lui succéder. En ce qui concerne son engagement chrétien, il fut sensible dès le choix de son sujet de recherches à Rome. S’il s’engagea dans une voie à laquelle il ne semblait guère préparé, celle de l’archéologie (mais la discipline était, il est vrai, bien plus proche de l’histoire de l’art qu’elle ne l’est aujourd’hui), c’est du moins vers l’archéologie chrétienne qu’il se dirigea et l’intérêt qui s’éveilla alors pour les primitifs italiens fut certainement dû aussi à leur contenu spirituel. À sa mort, le musée du Louvre choisit trois primitifs italiens (trois Vierge à l’Enfant, dont l’une en Madone d’humilité) d’un intérêt certain parmi les collections de Pératé, à la demande de son fils adoptif, Pierre Fabre — des tableaux probablement acquis lors de ses séjours dans la péninsule et qui montrent bien quel intérêt il avait conservé, jusqu’à la fin, pour cette période. De même, la bibliothèque municipale de Versailles a hérité d’un fonds de trois cent quatre-vingt-dix-sept volumes (des livres religieux, le plus souvent illustrés, du XVIe au XVIIIe siècle), une collection qui avait été probablement réunie par Pératé dans le cadre d’une recherche sur l’illustration des livres religieux au XVIIe siècle. Quant à l’amour des lettres, il s’exprima par de nombreuses traductions de l’italien, notamment des Fioretti de saint François (récits anonymes des premiers temps du mouvement franciscain, imprégnés de l’esprit des « spirituels ») et de la Divine Comédie de Dante, où pouvait donc s’exprimer conjointement son penchant religieux (il semble même avoir envisagé une étude plus générale sur Dante, non aboutie). Enfin, l’intérêt pour l’art contemporain le poussa à écrire fréquemment sur les Salons et surtout en fit un des découvreurs de Maurice Denis dont il devint également l’ami. L’œuvre de Denis ne pouvait que susciter l’enthousiasme de Pératé : il trouvait en lui un artiste qui renouait enfin, à ses yeux, avec la possibilité d’un décor chrétien et qui s’éloignait des dangers d’un modernisme stérile… Pératé posséda d’ailleurs plusieurs œuvres de Maurice Denis : une esquisse des Pèlerins d’Emmaüs, et divers tableaux inspirés par leur collaboration ultérieure autour de sa traduction des Fioretti. Leur amitié se forgea surtout dans cette dernière entreprise, la publication des Fioretti illustrée par des gravures de Maurice Denis. Dans cette dernière œuvre sont ainsi résumés tous les traits du caractère de Pératé : esprit religieux sincère et enthousiaste, amour de l’Italie, des arts et des lettres. L’idée vint de Pératé et fut le fruit de son initiative privée. Dès 1907, il proposa à Maurice Denis d’illustrer sa nouvelle traduction, alors en préparation, avec le soutien de Gabriel Thomas, bibliophile averti et amateur du peintre. Pératé fut très impliqué dans le travail : il avait projeté un voyage en Italie avec Maurice Denis, que ce dernier accomplira finalement seul en 1910, pour que celui-ci s’imprègne de l’esprit des lieux franciscains. De même, c’est Pératé qui fit la suggestion que le texte soit parsemé de petites fleurs, traduisant ainsi visuellement le mot « fioretti ». La publication luxueuse, parue sous forme de souscription, ne vit le jour qu’en 1913 (après une première édition de la traduction seule en 1911), au bout de six ans de préparation, et fut immédiatement un succès, l’ouvrage étant célébré comme l’une des plus hautes réalisations du livre illustré moderne. En 1915, Pératé proposa d’ailleurs de rééditer l’ouvrage sous une forme plus populaire, avec une nouvelle série d’illustrations de Maurice Denis ; la publication sortit en 1920 et connut également un grand succès dont témoignent de nombreux retirages.
En parallèle, Pératé menait cependant une carrière de conservateur dans un lieu dont l’esprit et l’intérêt peuvent paraître bien éloignés des siens propres : le château de Versailles, cadre de la cour de Louis XIV avec ses décors luxueux et mondains. Pourtant l’historien de l’archéologie chrétienne et de la peinture italienne n’a pas failli à la tâche, achetant tableaux, tapisseries ou meubles, réorganisant les salles, publiant inventaires et catalogues. Par ailleurs, Pératé contribua à divers catalogues de collections privées (Victor Martin Le Roy, Georges Hoentschel), rédigea de nombreux comptes rendus d’expositions d’art ancien (Orvieto, 1896 ; Sienne, 1904) ou contemporain (Salons de 1897, bilan de l’activité artistique du siècle en 1900) et réalisa de courtes monographies sur des villes italiennes (Sienne) ou sur des peintres (Fra Angelico). Mais, si l’on veut apprécier l’œuvre de Pératé, ce n’est pas dans ces publications qu’on pourra trouver la quintessence de son apport à l’histoire de l’art, ni même dans son manuel d’archéologie chrétienne, à la fois trop daté et trop sommaire, mais dans sa participation à l’Histoire de l’art dirigée par André Michel. Ce dernier lui demanda en effet de rédiger tous les chapitres de sa monumentale entreprise concernant la peinture italienne, depuis les premiers temps chrétiens jusqu’à l’époque contemporaine, une contribution qui ne pouvait que répondre aux intérêts profonds de Pératé. Formé au sein d’une culture académique traditionnelle (sa dette envers Hippolyte Taine s’exprime par exemple dans un long passage du chapitre consacré à Tintoret) et très réticent vis-à-vis des révolutions de l’art moderne qui s’accomplissaient sous ses yeux, Pératé montre une double faiblesse dans son approche, aussi bien pour certaines manifestations précoces de l’art médiéval que pour la plupart des artistes contemporains, lorsque les uns ou les autres s’éloignent trop à ses yeux de l’idéal classique. Lorsqu’il traite de l’art romain du Haut Moyen Âge, il juge ainsi que les « figures émaciées aux yeux farouches », aux « attitudes raides et guindées » sont « tristes, étriquées et mesquines » ; quant aux peintres et mosaïstes de la Renaissance carolingienne à Rome, ils ne sont que « des copistes médiocres ». Au XIIIe siècle encore, avant que ne paraisse Giotto, l’auteur est sans cesse marqué par l’esthétique de son temps, par exemple quand il apprécie les fresques de la chapelle Saint-Sylvestre aux Quatre-Saints-Couronnés, au « dessin misérable » et qu’il ne considère que pour leur iconographie remarquable. À l’autre bout de l’échelle chronologique, à l’intérieur d’un panorama somme toute très juste de la peinture italienne récente (« de 1870 à nos jours », c’est-à-dire 1926 si on considère la date d’édition du volume, mais il est vrai que la rédaction doit remonter à une date bien plus haute), il montre une incompréhension totale pour ses contemporains. S’il exécute Amedeo Modigliani en quelques mots (« On a vu des peintres […] comme le pauvre Amedeo Modigliani […] chercher le succès dans une déformation presque caricaturale »), il ne réserve même pas un sort équivalent aux grands mouvements qui bouleversent l’Italie comme le reste de l’Europe. Pour lui cubistes et fauves « sévissent » des deux côtés des Alpes (ce qui est déjà une appréciation inexacte ou imprécise, car il ne dit pas quels artistes il range sous cette appellation pour la péninsule) et il ne cite le « futurisme » que du bout des lèvres et comme une ultime déviation de l’art. Ce n’est qu’aux détours d’une comparaison qu’on sent une certaine admiration teintée de réserves pour d’autres peintres contemporains (il est vrai plus anciens et donc moins radicaux), mais non italiens. Ainsi Arnold Böcklin est cité plusieurs fois, mais par exemple à propos de Piero di Cosimo sur lequel il se montre bien réticent.
Pourtant, à part ce double travers, d’ailleurs largement partagé alors, l’ensemble de la contribution de Pératé à l’histoire de la peinture italienne reste solide, précis et intelligent. La complétude de ses chapitres est particulièrement remarquable. Aucune forme artistique n’est oubliée, même si l’on accorderait aujourd’hui plus de poids aux manifestations de l’enluminure, traitées rapidement alors que l’auteur les connaissait bien (il avait été l’un des premiers à fournir une notice succincte sur l’existence des rouleaux d’exultet de Bari, découverts en 1886 en compagnie de Paul Fabre et de Mgr Duchesne, le futur directeur de l’École française de Rome). Cependant, il n’oublie pas par exemple de discuter les dessins de Sandro Botticelli pour la Divine Comédie, un intérêt attendu au vu de sa fréquentation du texte de Dante. Il traite aussi longuement la question des mosaïques de pavement, à l’intérieur du chapitre sur la peinture italienne avant Giotto. De même, il cite toujours les ultimes découvertes, comme celle, advenue en 1900, des fresques de Cavallini à Sainte-Cécile de Rome auxquelles il consacre un long passage, dont il rend compte dans ce même chapitre en 1906, ou celle ayant eu lieu la même année du « Saint Augustin » du Latran, mentionnée dans le volume précédent, de 1905. Quant aux individus, peu d’artistes, parmi ceux alors connus, sont passés sous silence ou oubliés. On est parfois évidemment étonné de la proportion des développements accordés à tel ou tel d’entre eux, mais cela ne fait que refléter la tradition historiographique du moment avant même la position personnelle de l’auteur. Ainsi Paolo Uccello se voit gratifié d’un passage mesquin, tandis que Pisanello est traité bien plus longuement. Sassetta et Giovanni di Paolo sont traités trop vite, mais bénéficient d’appréciations intéressantes. Cosmè Tura et Francesco del Cossa sont également analysés de manière très brève et on sent peu d’intérêt chez l’auteur pour leurs œuvres « trop savantes ». On peut aussi regretter l’absence de noms secondaires ou la faible représentation de foyers artistiques moins célèbres que Florence ou Rome par exemple. Ainsi, l’école napolitaine du XVIIe siècle est traitée avec une célérité au moins égale à la rapidité célèbre de Luca Giordano. Ou encore, dans son chapitre sur la peinture italienne au XVIIIe siècle, dont on sent qu’elle ne l’intéresse guère car trop mondaine, il ne semble rien exister en dehors de Venise, à laquelle il consacre d’ailleurs des pages heureuses et vibrantes. De même la Lombardie et les écoles du nord de la péninsule en général sont trop souvent absentes, aussi bien au XVIe qu’au XVIIe siècle. On sent bien que la redécouverte de la « peinture de la réalité » lui est étrangère. Mais ici on touche déjà le problème du jugement de valeur, sur lequel nous reviendrons plus loin.
Quant aux « erreurs » d’attribution, elles ne sont guère fréquentes et correspondent à l’état de la recherche. Il faut en outre distinguer les cas d’erreurs manifestes, mais où plus personne ne maintient une attribution ou une datation encore traditionnelles vers 1900 (comme pour les fresques des allégories franciscaines dans la basilique inférieure d’Assise, que l’auteur refuse de retirer à Giotto comme on commençait à le faire avec raison, ou pour la Vierge de Guido da Siena, dont la datation inscrite, 1221, est encore considérée comme celle du panneau), et les exemples plus ambigus et en tout cas ceux où l’attribution ancienne n’a été remise en cause que récemment (comme celle de la fresque du Camposanto de Pise à Francesco Traini). On peut noter également une grande attention aux textes inscrits dans les peintures, où se révèle l’intime connaissance de l’auteur pour la littérature italienne. Il transcrit et traduit ainsi les inscriptions en langue vulgaire qui explicitent l’esprit de la Maestà de Simone Martini au palais communal de Sienne ; il cite également les textes en « latin vernaculaire » de l’église inférieure à Saint-Clément de Rome, incunable de l’italien médiéval, notamment la célèbre injure « fili dele pute » ! On voit par là que la foi profonde de Pératé, qui imprègne bien de ses pages, n’en faisait pas pour autant un auteur pudibond. Ainsi, à propos de Corrège, il consacre des pages justes et sans hypocrisie à la sensualité de ses œuvres profanes. Ajoutons d’ailleurs que des traits d’humour jaillissent sous sa plume aussi bien dans sa prose d’historien de l’art que dans sa correspondance administrative : ici c’est la description du caractère irascible et procédurier de Mantegna, en lutte avec ses voisins pour un cognassier, là l’effroi de l’ambassade de France à Rome devant l’arrivée éventuelle d’un nouveau directeur de l’École française doté de sept enfants (les deux institutions se partageant le Palais Farnèse…).
Les chapitres de Pératé sur l’art italien, comme ses autres œuvres en général, sont donc marqués par le sérieux et la finesse d’analyse. Si l’on veut cependant juger de ses forces et de ses faiblesses, on doit rappeler que ses exposés se ressentent de sa formation académique, mais bien plus encore de son inspiration chrétienne. Quant au premier point, on ne reviendra pas sur sa vision largement négative de l’art contemporain ou des prémices de l’art chrétien. On notera simplement que Giorgio Vasari est considéré encore comme un modèle essentiel de l’historiographie et du goût, même si l’auteur ne se prive pas de le contrôler (par exemple à propos du Sodoma ou de la Joconde). D’où ce paradoxe, courant d’ailleurs : les maniéristes (qu’on prenne le mot au sens exact ou dans une acception plus large) dont faisait partie Vasari lui-même, ne trouvent souvent pas grâce à ses yeux ou méritent du moins un traitement bien inférieur par rapport aux classiques, notamment Raphaël. Ainsi Filippino Lippi est quasiment taxé de décadence, comme dans les fresques de la chapelle Carafa à Sainte-Marie-de-la-Minerve à Rome (« Quelle ronde ridicule des anges comme secoués par une crise de folie ! ») Quant aux maniéristes proprement dit, ils sont expédiés en quelques pages. Pour Florence, seul Fra Bartolommeo reçoit un traitement un peu approfondi (mais c’est un moine !) et Jacopo da Pontormo n’a droit qu’à quelques lignes dépréciatives. Il ne sauve finalement qu’Agnolo di Bronzino, « le dernier des grands peintres de la décadence florentine » ! Mais ce qui est vrai pour Florence ne l’est nullement pour Venise ; Tintoret, par exemple, est pleinement apprécié, malgré (ou à cause de) ses tentatives extrêmes de renouvellement de l’iconographie religieuse. À l’intérieur de cette vision largement académique, il est pourtant place pour quelques inflexions nouvelles. Au moment où le « japonisme » fait fureur aussi bien chez les peintres que chez les collectionneurs, Pératé note avec justesse dans le groupe des musiciens de l’investiture de saint Martin comme chevalier, dans les fresques de la chapelle de Montefiore à Assise par Simone Martini, cette figure « aux petits yeux bridés et malins dans un masque japonais ». De même, les paragraphes consacrés à Canaletto et Francesco Guardi attestent le changement en cours vers 1900 dans l’historiographie, où l’on commence seulement à apprécier le second, jusqu’ici vu comme un petit maître, au moins autant que le premier — mais l’auteur lui-même apparaît un peu réticent face à cette évolution du goût. Mais le vrai fléau avec lequel Pératé soupèse les réalisations des peintres italiens, c’est sa foi chrétienne. La peinture romane italienne, jugée très positivement ce qui constitue un trait progressiste dans le panorama historiographique de son temps, est expliquée avant tout par l’action des bénédictins, ce qui n’est d’ailleurs pas totalement faux. Fra Angelico se voit réserver un traitement évidemment hyperbolique, tandis que, si les frasques de fra Filippo Lippi sont narrées sans tartufferie, on sent l’auteur tout de même prêt à partager les anathèmes de Jérôme Savonarole contre sa peinture trop profane. Léonard de Vinci se voit reprocher dans La Dernière Cène à Milan d’avoir « cherché à donner au sujet une beauté plus humaine, au risque de la dépouiller de sa profonde signification religieuse ». De manière plus complexe encore, les critiques sincères adressées à certaines des œuvres du Pérugin (la Vierge de l’Apparition à saint Bernard « trop humainement paisible » ; les fresques du Cambio à Pérouse, presque ridicules si on ne les voit pas sur place) ou plus tard de Carlo Dolci ont une visée pratique. En rabaissant le Pérugin, Pératé veut lutter contre le « maître de la peinture mystique et chrétienne » qu’en ont fait un grand nombre de penseurs et d’artistes du XIXe siècle, des préraphaélites jusqu’à l’imagerie de Saint-Sulpice : « il y a, aujourd’hui encore, tout un art qui se croit et se dit chrétien, et répète éternellement des thèmes sans vie et sans âme. » C’est donc cette fois en tant que héraut d’un nouvel art chrétien, celui qu’il voit régénéré par son ami Maurice Denis, qu’il s’élève contre le goût facile pour Pérugin. Quant aux attaques disséminées contre le Cavalier d’Arpin, Carlo Maratta ou Carlo Dolci, elles montrent à la fois la même lutte contre un art religieux seulement dévot et contre l’académisme comme seule forme de salut. Ainsi, si Pératé montra une incompréhension assez générale pour les ruptures de la modernité artistique, il ne se faisait aucune illusion sur la stérilité éventuelle de l’enseignement académique, au XVIIe siècle comme de son temps. En fin de compte, la contribution de Pératé à l’histoire de la peinture italienne a été un guide précieux pour des générations et, si on peut lui reprocher des partis pris et des faiblesses, il est frappant de voir avec quelle justesse l’auteur a su traiter presque tous les courants et tous les artistes, non seulement pour l’art ancien qu’on présumait le voir chérir, mais aussi pour le XIXe siècle dans lequel il était né (mis à part pour les mouvements les plus récents, on l’a déjà souligné plus haut). Dans le premier cas, on pourrait citer d’innombrables passages enthousiastes sur Giotto, Masaccio, Piero della Francesca du côté des « primitifs » (un mot qu’il n’emploie jamais), mais aussi, chez les « modernes » et de manière moins attendue, sur Michel-Ange, Lotto ou Caravage. Quant à la peinture italienne du XIXe siècle, que ce soit sur les impasses de l’académisme ou sur la place importante et méritée d’Hayez, sur le rôle des « macchiauoli » (traduits par lui comme « tachistes ») ou sur le sens de l’œuvre de Domenico Morelli, sur le charme un peu facile des peintres « brillants » (Giovanni Boldini, Mariano Fortuny, Giuseppe De Nittis) ou sur le parallèle obligé de Francesco Paolo Michetti avec le monde littéraire de Gabriele D’Annunzio, Pératé propose une vision assez juste, son amour profond pour l’Italie ne l’empêchant jamais d’être critique ou exigeant.
Pierre-Yves Le Pogam, conservateur au département des sculptures du Louvre
Principales publications
- L’Archéologie chrétienne. Paris : May et Motteroz, 1892.
- Versailles le château, les jardins, les Trianons, le musée, la ville. Paris : H. Laurens, 1904.
- Images historiques, galeries des batailles au musée de Versailles. Paris : H. Laurens, 1916.
- Collab. de Brière Gaston. – Musée national de Versailles : catalogue. I. Compositions historiques. Paris : Musées nationaux, 1931.
- L’Art de Versailles et les Nouvelles Acquisitions du musée [catalogue de l’exposition], Paris, musée de l’Orangerie, avril-mai 1932. Paris : Musées nationaux, 1932.
Traductions et éditions de textes
- « Introduction », « Notes ». In Bossuet Jacques Bénigne, Traité de la concupiscence. Paris : Bloud et Cie, 1908.
- Trad. de l’italien. – Petites Fleurs de saint François. Paris : Bibliothèque de l’Occident, 1911.
- Trad. de l’italien. – Petites Fleurs de saint François. Illustrations de Maurice Denis. Paris : Jacques Beltrand/éd. Imprimerie nationale, 1913.
- Trad. de l’italien. – Petites Fleurs de saint François. Illustrations de Maurice Denis. Paris : Librairie de l’art catholique, 1920.
- Dante Alighieri. – La Divine Comédie. Trad. par André Pératé, gravures sur bois de Jacques Beltrand d’après Sandro Botticelli. Paris : Chez l’artiste, 1922.
- Dante Alighieri. – La Divine Comédie, trad. par André Pératé. Paris : À l’art catholique, 1923.
Articles
- « Note sur le groupe de Panéas ». In Mélanges d’archéologie et d’histoire, t. V, 1885, p. 303-312.
- « La Mission de François de Sales dans le Chablais. Documents inédits tirés des archives du Vatican ». In Mélanges d’archéologie et d’histoire, t. VI, 1886, p. 333-415.
- « La Résurrection de Lazare dans l’art chrétien primitif ». In Mélanges Giovanni Battista De Rossi, recueil de travaux publiés par l’École française. Supplément aux Mélanges d’archéologie et d’histoire, t. XII, 1892, p. 271-280.
- « Les Papes et les Arts ». In Les Papes et la Civilisation. Le gouvernement central de l’église. Paris : Firmin-Didot, 1895.
- « Un “Triomphe de la Mort” de Pietro Lorenzetti ». In Mélanges Paul Fabre. Études d’histoire du Moyen Âge. Paris : Picard, 1902, p. 436-445.
- « Les Commencements de l’art chrétien en Occident ». In André Michel, dir., Histoire de l’art depuis les premiers temps chrétiens jusqu’à nos jours, t. I, vol. 1, 1905, p. 3-96 ; t. II, « La peinture italienne avant Giotto », vol. 1, p. 421-458 et « La peinture italienne au XIVe siècle », vol. 2, p. 777-916, 1906 ; t. III, « La peinture italienne au XVe siècle », vol. 2, 1908, p. 589-740 ; t. IV, « La peinture italienne à la fin du XVe siècle et dans la première moitié du XVIe siècle », vol. 1, 1909, p. 245-474 ; t. V, « La peinture italienne dans la seconde moitié du XVIe siècle et au début du XVIIe » et « Le vitrail en Italie pendant la Renaissance », vol. 2, p. 519-648 et p. 655-659 ; t. VI, « La peinture italienne au XVIIe siècle », vol. 1, p. 73-120 ; t. VII, « La peinture italienne au XVIIIe siècle », vol. 1, 1925, p. 211-248 ; t. VIII, « La peinture en Italie de 1789 à 1870 », vol. 1, 1925, p. 205-215 et « La peinture en Italie de 1870 à nos jours », vol. 2, 1926, p. 669-686. Paris : A. Collin, 1905-1929, 18 vol.
Bibliographie critique sélective
- Blondel Maurice et Fabre Pierre. – « Pératé (André) ». In Association [amicale de secours des anciens élèves] de l’École normale supérieure, 1949, p. 20-22.
- Kuntz Monique. – « L’Activité directoriale d’Émile Mâle à travers ses écrits et ses archives ». In Émile Mâle (1862-1954) : la construction de l’œuvre, Rome et l’Italie : actes de la table ronde, Rome, 17-18 juin 2002. Rome : École française de Rome, 2005 (« Collection de l’École française de Rome »), p. 87-105 [cf. p. 87, avec lapsus sur le prénom de Pératé].
- Oppermann Fabien. – « Images et Usages du château de Versailles au XXe siècle ». In Positions des thèses de l’École nationale des chartes, 2004.
- Salé Marie-Pierre. – « Maurice Denis. Illustration pour Fioretti de Saint-François d’Assise ». In 48/14. La revue du musée d’Orsay, n° 20, printemps 2005. Paris : Réunion des musées nationaux, 2005, p. 58-61.
- [Thiébaut Dominique]. – « Pératé (André) ». In Les Donateurs du Louvre : [catalogue de l’exposition], Paris, musée du Louvre, 4 avril-21 août 1989. Paris : Réunion des musées nationaux, p. 288.
Sources identifiées
Paris, Archives nationales
- F 17/ 17767 : sur le directorat par intérim de l’École française de Rome
Paris, bibliothèque de l’INHA-collections Jacques Doucet
- Fonds Brière (Archives 25), lettres d’André Pératé
Saint-Germain-en-Laye, musée départemental Maurice Denis
- Lettres d’André Pératé à Maurice Denis
- Centre d’archives Maurice Blondel
- Cent vingt-trois lettres
En complément : Voir la notice dans AGORHA