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PETROZ, Pierre
Mis à jour le 19 janvier 2009
(1819, Paris – 15 février 1891)
Auteur(s) de la notice :
HOUSSAIS Laurent
Profession ou activité principale
Critique d’art, historien de l’art
Autres activités
Traducteur, critique
Sujets d’étude
Peinture européenne depuis la Renaissance
Carrière
24 décembre 1850 : signe sa première critique d’art dans Le Vote universel
Novembre 1854 : éphémère collaboration à la Revue franco-italienne
Mars-septembre 1855 : couvre l’Exposition universelle des beaux-arts pour le compte de La Presse
Janvier-février 1869 : signe son premier article dans La Philosophie positive, revue fondée deux ans auparavant
1876 : première collaboration à L’Art
Étude critique
Si nous ignorons encore tout des étapes de la formation intellectuelle de Pierre Petroz, il est néanmoins établi qu’il a grandi dans un milieu médical où ni la littérature ni la philosophie n’étaient négligées. Il a légué un tableau connu de Louis Hersent dans lequel on voit son oncle maternel, le docteur Esparron, assister Xavier Bichat dans ses derniers instants (Salon de 1817, Paris, musée d’Histoire de la médecine). Son père, Antoine Petroz (1781-1859), a durablement associé son nom à l’histoire troublée des débuts de l’homéopathie en France. Ce médecin philanthrope et prospère comptait de nombreux artistes et hommes de lettres dans sa clientèle. Il était notamment lié avec Alfred de Musset, Pierre Simon Ballanche, Jean Baptiste Dugas-Montbel ou Ludovic Vitet.
Pierre Petroz fut salué sur sa tombe comme l’un des derniers représentants de cette « noble et belle génération » des républicains de 1848, « ces idéalistes qui voulaient une République républicaine, qui ne reculaient devant aucun de ces redoutables problèmes sociaux […] et qui croyaient que rien n’était fait tant que les abus du passé n’étaient pas à tout jamais détruits ». La collaboration de Petroz au Vote universel, éphémère organe de presse fondé en 1850 sous les auspices de soixante députés de la Montagne, témoigne de cet engagement. Après 1870, on le retrouve parmi les collaborateurs du XIXe siècle, journal luttant notamment pour la séparation de l’Église et de l’État, ainsi qu’aux côtés d’Émile Littré comme membre de la Société de sociologie (1872-1874), société dont Johan Heilbron a souligné la dimension républicaine. Petroz figure en outre parmi les trois principaux contributeurs de La Philosophie positive (1867-1883), revue fondée par Littré et Grégoire Wyrouboff. Il y signe de multiples comptes rendus d’ouvrages concernant des disciplines aussi diverses que l’histoire, la philosophie, le droit, la littérature, mais aussi de nombreux textes intéressant la sphère artistique.
La première critique d’art de Petroz recensée à ce jour est intitulée « Salon de 1850 » et publiée dans Le Vote universel : il entend « examiner par quoi l’art moderne se rattache à la Révolution ». Sous le Second Empire, ce proche d’Auguste Préault collabore en qualité de critique d’art à La Presse, au Temps, à La Revue moderne ou à La Revue franco-italienne. Son ami Nadar le croque dans son Panthéon de 1854. La collaboration de Petroz à La Philosophie positive se renforce après 1870. Il y fait paraître ses « Études sur l’art moderne » (1869-1874), publiées en volume sous le titre L’Art et la critique en France depuis 1822, ainsi que son étude critique sur Théophile Thoré (1878), éditée par Alcan en 1884. Le fait qu’il ait publié peu d’ouvrages contribue, avec l’échec de La Philosophie positive, à expliquer l’oubli dans lequel il est rapidement tombé.
L’engagement de cet ancien saint-simonien dans le champ de la critique d’art, comme sa conception de l’histoire de l’art, sont liés à ses convictions politiques et philosophiques. De ses quarante années d’activité, Wybouroff retient son combat de critique en faveur d’un art « puisant ses inspirations, non dans des restaurations archéologiques, ou des rêveries subjectives, mais dans les besoins intellectuels et moraux du milieu qui lui donne naissance ». S’il ne nous appartient pas ici d’analyser dans quelle mesure l’ensemble de sa critique témoigne effectivement d’une telle exigence, force est de constater que Petroz se présente dans La Philosophie positive comme le partisan d’un art qui ne doit pas être isolé des hommes et de la société, d’une critique d’art qui s’appuie moins sur l’histoire de l’art que sur l’histoire générale et « l’économie sociale », ou autrement dit, la sociologie. De ce point de vue, Théophile Thoré reste pour lui « un exemple et un modèle ».
Petroz, qui estimait en 1878 que « l’on n’a encore en France aucune histoire de l’art, ni générale, ni nationale », mais une série de monographies soucieuses du document et de l’exactitude des faits (« Maîtres et petits-maîtres par Burty », dans La Philosophie positive), signe en 1890 Esquisse d’une histoire de la peinture au musée du Louvre. Il s’efforce de respecter cette restriction documentaire tout en la justifiant par l’accessibilité des collections aux « déshérités de la Fortune, des récompenses et des encouragements officiels ». Petroz choisit de porter son attention sur le rapport entre les différentes écoles nationales et « l’état intellectuel, moral ou social contemporain » pour montrer « les changements qui se sont produits dans l’invention artistique depuis les premiers temps de la Renaissance jusqu’à nos jours ». Cette ambition s’inscrit dans le droit fil de ses « Études sur l’art moderne ». Il s’interroge tout particulièrement dans l’introduction sur les notions de Beau et d’Idéal, confronte et examine différentes propositions avant de souscrire pleinement aux définitions et aux méthodes d’Hippolyte Taine. Si Petroz reconnaît la supériorité de la « nouvelle école d’esthétique […] empruntant aux sciences positives leurs procédés rationnels », s’il admet « l’influence considérable » du climat, de la race ou du milieu sur « la production de l’œuvre d’art ainsi que sur l’œuvre d’art elle-même », il n’en formule pas moins quelques critiques et nuances. Ainsi, il souligne le caractère dogmatique de ce courant de pensée lorsqu’il fait coïncider le but suprême de l’art avec la représentation du « bel animal humain » – option qu’il juge « un peu étroite » – et les « fausses hiérarchies » entre les écoles nationales que cette attitude implique.
Parmi les influences multiples subies par l’art, Petroz entend en définitive insister sur le rôle de l’évolution des idées, en particulier politiques, ce qui n’est pas sans entraîner un déséquilibre dans son propos entre considérations générales et commentaire des œuvres exposées au Louvre. Parallèlement, il mêle et ajoute aux catégories tainiennes la notion d’école, dont il a une conception anthropomorphique – jeunesse, virilité, décadence – et téléologique – chaque école accomplissant une mission spécifique. De Cimabue à Delacroix ou Millet – le dernier chapitre sur l’école française s’achève en 1855, Petroz peint la « marche régulière et à quelques égards progressive » d’un art qui ne reste vivant que lorsqu’il suit « l’influence des idées qui président à l’avancement des choses de ce monde ». Il pense que les acquis de la Raison finissent toujours par s’imposer et que le poids de la science, « qui désormais règne en souveraine maîtresse sur les intelligences », permet d’entrevoir le futur possible de l’art. Si cette dynamique doit beaucoup à l’exemple de Thoré, l’un des rares auteurs régulièrement cités aux côtés de Burckhardt, Petroz néglige curieusement Hals et passe complètement sous silence Vermeer. Œuvre encore militante, aussi soucieuse de contrer la mode des monographies que de participer à la régénération de l’art contemporain, Esquisse d’une histoire de la peinture au musée du Louvre exprime par ses postulats – l’art s’analyse comme tous les phénomènes – et ses méthodes à l’impartialité revendiquée l’idée d’une histoire de l’art tendant vers l’objectivité de la science.
Laurent Houssais
ATER, Université Michel de Montaigne-Bordeaux 3
Principales publications
Ouvrages et catalogues d’expositions
- L’Art et la Critique en France depuis 1822. Paris : Germer-Baillière, 1875.
- Un critique d’art au XIXe siècle. Paris : Félix Alcan, 1884.
- Esquisse d’une histoire de la peinture au musée du Louvre. Paris : Félix Alcan, 1890.
Articles
- « L’Exposition de 1874 et les Salons de W. Burger ». La Philosophie positive, XIII, n°2, septembre-octobre 1874, p. 302-311.
- « Bibliographie. La Vénus de Milo : recherches sur l’histoire de la découverte d’après des documents inédits, par Jean Aicard ». La Philosophie positive, XIV, n°4, janvier-février 1875, p. 158-160.
- « Bibliographie. L’Académie de France à Rome par A. Lecoq de la Marche ». La Philosophie positive, XIV, n°5, mars-avril 1875, p. 319-320.
- « Le Département des estampes à la Bibliothèque nationale, par Henry Delaborde ». La Philosophie positive, XV, n°2, septembre-octobre 1875, p. 318-320.
- « La Sculpture égyptienne par Émile Soldi ». La Philosophie positive, XVIII, n°5, mars-avril 1877, p. 318-319.
- « Maîtres et petits-maîtres par Burty ». La Philosophie positive, XX, n°4, janvier-février 1878, p. 157-158.
Bibliographie critique sélective
- Curzon Henri (de). – « Esquisse d’une histoire de la peinture au musée du Louvre ». Revue critique d’histoire et de littérature, XXX, 1890, 2e semestre, p. 237-238.
- Wyrouboff Grégoire. – Paroles prononcées sur la tombe de Pierre Petroz le 16 février 1891. Versailles : Impr. de Cerf et fils, 1891.
- Nicolle Marcel. – « Une anthologie de la critique d’art en France ». Gazette des Beaux-Arts, V, n°817, janvier 1931, p. 45-63.
- Heilbron Johan. – « Sociologie et positivisme en France au XIXe siècle : les vicissitudes de la Société de sociologie (1872-1874) ». Revue française de sociologie, 2007/2, vol. 48, p. 307-331.
Sources identifiées
Paris, Bibliothèque nationale de France, département des Manuscrits
- Naf 24260-24289 : collection d’autographes formés par Félix et Paul Nadar, XIXe-XXe siècles
- Naf 24260-24289 XXII : Pereire-Quinet
- Naf 24281 : Petroz Pierre, lettres F. 213-218