Léo Roussel, Émile Prisse d'Avesnes (1807-1879), égyptologue, 1900, Paris, musée du Louvre, © RMN / Jean-Gilles Berizzi. Sculpture en marbre, 81 x 70 x 50 cm.

Auteur(s) de la notice : VOLAIT Mercedes

Profession ou activité principale

Ingénieur civil, puis archéologue

Autres activités
Dessinateur, publiciste, explorateur

Sujets d’étude
Antiquités égyptiennes, monuments du Caire, arts de l’Islam, culture matérielle de l’Égypte moderne

Carrière
1822-1825 : études d’ingénieur civil à l’École royale des arts et métiers de Châlons-sur-Marne (aujourd’hui Châlons-en-Champagne)
1826 : prend part à la guerre d’Indépendance grecque puis séjourne en Inde et en Palestine
1827 : entrée au service du gouvernement égyptien comme ingénieur civil et hydrographe
1832-1834 : enseigne la topographie à l’École d’état-major de Khanka (environs du Caire)
1834-1836 : professeur de fortification à l’École d’infanterie de Damiette
1836-1844 : quitte l’administration égyptienne pour se livrer à des reconnaissances et des fouilles archéologiques en Égypte
1844 : ramène en France la Chambre des ancêtres de Thoutmosis III (1479-1425 av. J.-C.) et un papyrus en caractères hiératiques (1900 av. J.-C.) qui prend son nom
1847 : rédige et illustre des articles pour le Magasin pittoresque sur l’Égypte ancienne et moderne ; publie un fac-similé du papyrus Prisse ; fait paraître un premier recueil sur l’iconographie des monuments de Haute-Égypte
1848 : rédige et illustre, avec Pierre Nicolas Hamon, la 3e partie de L’Égypte moderne dans la collection « L’univers pittoresque » de Didot
1851-1852 : donne à la Revue de Paris des comptes rendus des débats de l’Académie des inscriptions et des belles-lettres ; assiste Maxime Du Camp pour la publication de son Égypte, Nubie, Palestine et Syrie : dessins photographiques recueillis pendant les années 1849, 1850 et 1851 (1852)
1852-1854 : voyage en Algérie ; publie dans le Moniteur universel en 1853 une étude comparée sur les marbres français et algériens et rédige une bonne partie des 5 premiers volumes de la Revue orientale et algérienne qu’il a fondée en 1852
1856 : produit quatorze planches pour l’Histoire des usages funèbres et des sépultures des peuples anciens d’Ernest Feydeau
1858-1860 : chargé d’une mission archéologique en Égypte subventionnée par le ministère de l’Instruction publique, doublée d’une mission prospective pour le ministère du Commerce et de l’Industrie (les échantillons commerciaux rapportés sont donnés le 22 janvier 1863 à la Chambre de commerce d’Amiens, pour figurer à un projet de Musée industriel)
1858-1878 : travaille à la publication en quarante livraisons de l’Histoire de l’art égyptien…, avec quatre livraisons de texte
1869-1877 : travaille à la publication en cinquante livraisons de L’Art arabe…, avec un volume de texte
1876 : reçoit du ministre de l’Instruction publique et des Beaux-arts deux indemnités annuelles de 600 francs, l’une littéraire et l’autre artistique, en récompense de ses travaux

Fondateur de l’Association littéraire d’Égypte en 1842 ; membre correspondant de la Société orientale (1844), de la Société de géographie (1845), de la Société asiatique et de la Société d’ethnographie (1846), de la Société des gens de lettres (1847), de la Société de la correspondance littéraire (1852) et de l’Institut égyptien (1858) ; chevalier de la Légion d’honneur (26 avril 1845)

Étude critique

Archéologue avant la lettre, habile dessinateur, publiciste de talent, Achille-Constant-Théodose-Émile Prisse d’Avennes, connu également comme Edris-Effendi, demeure une personnalité scientifique méconnue, en dépit de l’ampleur de son œuvre publié sur le patrimoine égyptien et l’importance de ses dons aux collections nationales. Lui-même se définissait comme « artiste et antiquaire » et disait inscrire sa réflexion au croisement de l’art et de l’histoire. Autodidacte doté d’un tempérament bouillant, homme de terrain plutôt que de cabinet, l’orientaliste avesnois s’est tenu en marge de la science officielle de son temps ; l’historiographie l’a par la suite ignoré. Infatigable polygraphe, il a laissé de très nombreux écrits sur les sujets les plus divers, mais sa bibliographie complète n’a jamais été établie. Bien que ses travaux aient été continûment republiés, aucune étude d’ensemble ne leur a été consacrée. Sa biographie est encore approximative et lacunaire : sa supposée conversion à l’islam n’est pas avérée et les explorations qui lui sont prêtées en Afrique et dans la péninsule Arabique ont été peu ou pas documentées.

Issu d’une famille galloise installée en Flandre sous Charles II, Prisse d’Avennes appartient à la catégorie assez fournie des « hommes de l’art » venus aux sciences de l’Antiquité après de premiers pas dans le génie civil ou l’architecture. Il commence sa carrière d’ingénieur en Égypte et l’interrompt au bout de quelques années pour se vouer tout entier à ses recherches archéologiques. Depuis que Champollion a ouvert en 1822 la voie au déchiffrement des hiéroglyphes, les vestiges de la civilisation des anciens Égyptiens passionnent l’Europe savante. Servi par sa formation technique, Prisse en aborde l’étude avec de sérieux atouts. Les années passées au service du gouvernement égyptien lui ont fourni une connaissance inégalée du pays, de sa langue et de ses usages ; elles facilitent les prospections et les fouilles qu’il mène de façon méthodique à ses propres frais en Basse-Égypte, puis en Haute-Égypte à partir de 1836. Établi de 1839 à 1843 à Louxor, l’archéologue amateur se familiarise, au contact des monuments thébains et au prix d’un travail acharné, avec la langue des hiéroglyphes. Afin d’établir la succession des règnes et l’ordre des bâtisseurs des temples, il se met en quête de toute inscription utile à la chronologie royale. Doté d’exceptionnelles facultés d’observation et d’une bonne maîtrise des travaux de ses prédécesseurs, il repère d’importants monuments, dont la précieuse Chambre des ancêtres de Thoutmosis III de Karnak, aux murs mentionnant soixante-et-un souverains, qu’il fait desceller pour en transporter les bas-reliefs à Paris lorsqu’il juge l’édifice menacé par le vandalisme ambiant. Offert à la Bibliothèque royale, le monument se trouve installé depuis 1917 au musée du Louvre. Grâce aux relations nouées à Louxor, Prisse acquiert d’autres pièces exceptionnelles, dont un rouleau de papyrus de 7 m de long daté de 1900 av. J.-C. qu’il donne à son retour en France au Cabinet des médailles de la Bibliothèque royale. Le précieux rouleau, qui prend le nom de Papyrus Prisse, est considéré aujourd’hui comme l’un des manuscrits littéraires les mieux préservés de l’Égypte ancienne.

En marge de ses travaux égyptologiques, Prisse d’Avennes s’intéresse également aux monuments médiévaux. C’est l’un des rares spécialistes de la civilisation pharaonique à avoir accordé autant d’attention à cette autre Égypte, généralement délaissée par les égyptologues. Sa curiosité pour les pierres de remploi de provenance antique, très abondantes dans les mosquées, l’avait conduit à visiter de nombreux sanctuaires islamiques ; il devint l’un des meilleurs connaisseurs de leur architecture et de leurs décors. Épris de savoir et d’exactitude, Prisse applique aux monuments du Caire « l’étude chronologique et méthodique » qu’il a faite des temples égyptiens, sans se départir du regard de l’artiste : « Plus j’avance dans l’étude des monuments du Kaire, et plus je suis ravi d’admiration pour les artistes arabes », note-t-il dans un brouillon de lettre. Là encore, l’acuité de son regard le sert et lui permet d’identifier les éléments de décor les plus rares ou les plus insolites, de recueillir les éléments de datation donnés par les inscriptions en arabe, d’opérer les bons rapprochements, même si les bases documentaires restent encore très fragmentaires, et les conclusions tirées parfois erronées. De ce séjour de dix-sept années en Égypte, Prisse rapporte encore quantité de notes et d’observations sur l’administration contemporaine du pays, la paysannerie nilotique ou les instruments de la vie quotidienne, dont il fait la matière de nombreux écrits ultérieurs. La décennie suivante le voit occupé à publier les matériaux recueillis en Égypte, parallèlement à des travaux, sans doute alimentaires, d’illustrateur ou de publiciste.

Afin de terminer son Histoire de l’art égyptien d’après les monuments, Prisse sollicite et obtient du ministère de l’Instruction publique, en 1858, des crédits pour repartir pour l’Égypte. Une mission commerciale lui est allouée par le ministère du Commerce et de l’Industrie à titre de soutien supplémentaire. Cette manne relative lui permet de s’adjoindre deux jeunes aides, le dessinateur hollandais Willem de Famars Testas (1834-1896) et le photographe Édouard Athanase Jarrot (1835-1873). Prisse d’Avennes est l’un des premiers archéologues à faire un usage systématique de la photographie pour ses relevés monumentaux et à avoir constitué, dès les années 1850, par souci d’exactitude, une documentation photographique des monuments qu’il souhaitait étudier. Durant deux années pleines, les trois hommes dessinent, estampent et photographient, dans des conditions parfois très difficiles, de très nombreux monuments au Caire, puis en Moyenne et Haute-Égypte. De cette nouvelle campagne, Prisse tire les éléments nécessaires pour achever son grand œuvre égyptologique et donner corps à son dernier projet éditorial : le pendant pour l’art arabe de son atlas de l’art égyptien. Près de dix ans de labeur sans répit, ni grand secours, seront nécessaires pour venir à bout de cette dernière entreprise, luxueuse par le nombre de planches lithographiées en couleurs (175 sur un ensemble de 200). Un volume de texte, très érudit, clôt l’ensemble en 1877. L’archéologue s’éteint deux ans plus tard à Paris dans l’indifférence générale.

En dépit de l’érudition déployée et de la rigueur de sa démarche (l’étude méthodique de monuments datés, resitués dans une chronologie générale et éclairés par les textes historiques), l’œuvre de Prisse d’Avennes a connu une postérité essentiellement iconographique. Exploités tout d’abord par ses enfants puis par les éditeurs une fois l’ouvrage tombé dans le domaine public, ses dessins et les planches de ses albums ont été reproduits à d’innombrables reprises, le plus souvent sans texte d’accompagnement, à titre d’illustration décorative. Aucune des rééditions récentes de L’Art arabe… (la dernière étant parue chez Taschen en décembre 2010) ne s’est accompagnée d’un travail critique : les planches sont rééditées à l’identique, avec leurs légendes d’origine qui ne permettent plus aujourd’hui d’identifier la plupart des monuments représentés, et sans appareil explicatif. Prisse lui-même avait prédit que ses atlas resteraient « malgré tous les progrès de la science » ; ils sont d’autant plus précieux aujourd’hui qu’ils livrent un enregistrement précis et en couleurs de monuments dont beaucoup ont depuis disparu. Reste à prêter attention au projet intellectuel qui les a rendus possibles, à une période charnière d’émergence de l’archéologie professionnelle.

Mercedes Volait, directrice de recherches au CNRS, InVisu (USR 3103 CNRS/INHA)

Principales publications

Ouvrages et catalogues d’expositions

  • Notice sur la salle des ancêtres de Thouthmès III, au temple de Karnak, exposée à la Bibliothèque royale de Paris [par Prisse] et sur la Table d’Abydos exposée au Musée britannique [par Letronne]. Collab. de Antoine-Jean Letronne. Paris : Leleux, 1845.
  • Monuments égyptiens, bas-reliefs, peintures, inscriptions, etc., d’après les dessins exécutés sur les lieux par E. Prisse d’Avennes, pour faire suite aux Monuments de l’Égypte et de la Nubie, de Champollion le Jeune, Paris : Didot frères, 1847, 1 vol. et un atlas.
  • Oriental album, characters, costumes and modes of life in the valley of the Nile, illustrated from designs taken on the spot by E. Prisse, with descriptive letter by James Augustus St John. Londres : Madden, 1848.
  • L’Égypte sous la domination de Méhémet-Ali. Collab. de P.N. Hamont, Paris : Didot, 1848 (« L’univers pittoresque »).
  • L’Art arabe d’après les monumens du Kaire depuis le VIIe siècle jusqu’à la fin du XVIIIe. Paris : commencé par J. Savoy en 1869, achevé chez Veuve A. Morel en 1877, 1 vol. de texte et 3 vol. de planches.
  • Histoire de l’art égyptien d’après les monuments, depuis les temps les plus reculés jusqu’à la domination romaine. Collab. de P. Marchandon de La Faye, Paris : A. Bertrand, [1858] 1878-1879, 1 vol.

Articles

  • « Excursion archéologique dans la partie orientale de la Basse-Égypte ». In Miscellanea Aegyptiaca. Alexandrie : Ex. Typographia P. R. Wilkinson, [vers 1842], p. 31-52.
  • « Notice sur le musée du Kaire et sur les collections d’antiquités égyptiennes de MM. Abbott, Clot-Bey et Harris ». Revue archéologique, 15 mars 1846, 28 p.
  • « Notice sur les antiquités égyptiennes du Musée britannique (British Museum), Publication : Paris : Leleux ». Revue archéologique. 15 février 1847.
  • « Des marbres de France et de l’Algérie comparés aux marbres étrangers anciens et modernes. » Moniteur universel, 1853, 40 p.
  • « Chapiteaux tirés des édifices arabes de l’Égypte ». Revue générale de l’architecture et des travaux publics, 1856, colonnes 370-371, pl. XLII.

Bibliographie critique sélective

  • Carré Jean-Marie. – « Un grand méconnu : Prisse d’Avennes ». In Voyageurs et écrivains français en Égypte. Le Caire : IFAO, 1956, I, p. 301-323.
  • Dewachter Michel. – « Un Avesnois : l’égyptologue Prisse d’Avennes (1807-1879) ». In Mémoires de la Société archéologique et historique de l’arrondissement d’Avesnes/Helpe. Avesnes : 1988. Tome XXX.
  • Gran-Aymerich Ève. – « Prisse d’Avennes ». In Dictionnaire biographique d’archéologie (1798-1945), Paris : CNRS éditions, 2001, p. 549-551.
  • Prévost Marie-Laure et alii. – Visions d’Égypte, Émile Prisse d’Avennes (1807-1879) : [catalogue de l’exposition], Paris : Bibliothèque nationale de France, mars-juin 2011.
  • Prévost Marie-Laure et alii. Visions d’Égypte. Émile Prisse d’Avennes (1807-1879) : [exposition en ligne], Paris, Bibliothèque nationale de France, 2011.

Sources identifiées

Avesnes-sur-Helpe, Institut Villien

  • Fonds Prisse d’Avennes, miscellanées : objets personnels, papiers de famille, notes et correspondances

Londres, British Library

  • Catalogue of the library of the rev. Henry Wrighton… to which are added several other small collections, including the library of the late Mons. Prisse d’Avennes, the celebrated Egyptologist containing a series of original drawings of Antiquities, Hieroglyphics by M. Prisse, Wilkinson’s Ancient Egyptians, both series 6 vols, and numerous other works on Egypt, etc., which will be sold by auction by Sotheby, Wilkinson and Hodge, on Monday 17 february 1879 and two following days.

Paris, Archives nationales

  • F12 7412 : mission commerciale d’Émile Prisse d’Avennes en 1858
  • F21 2287 : mission archéologique d’Émile Prisse d’Avennes en 1858
  • F 21 0104 : souscriptions aux ouvrages de Prisse d’Avennes

Paris, Bibliothèque nationale de France, département des Manuscrits occidentaux

  • Nouvelles acquisitions françaises, 20416 à 20449 : papiers d’Émile Prisse d’Avennes : vingt volumes de notes et quarante et un cartons de dessins, photographies, estampages (soit quelque 2000 images).

En complément :Voir la notice dans AGORHA