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RACINET, Auguste
Mis à jour le 19 décembre 2008
(20 juillet 1825, Paris – 29 octobre 1893, Montfort-l’Amaury)
Auteur(s) de la notice : TETART-VITTU Françoise
Profession ou activité principale
Dessinateur lithographe
Autres activités
Directeur d’éditions, historien d’art
Sujets d’étude
Art du Moyen Âge et de la Renaissance, arts décoratifs : ornement, céramique, costume
Carrière
1849-1874 : expose au Salon des relevés d’architecture et des reproductions de manuscrits
1857-1858 : gravures pour Les Arts somptuaires chez Hangar-Maugé
1869-1888 : graveur et directeur de publications artistiques et historiques, principalement chez Firmin-Didot et Cie imprimeurs de l’Institut de France, dont L’Ornement polychrome et Le Costume historique
1874 : membre du conseil exécutif de l’exposition de l’Union centrale des arts décoratifs consacrée au costume
1874-1876 : secrétaire rapporteur du jury des Écoles de dessins aux expositions de l’Union centrale des beaux-arts appliqués à l’industrie
Chevalier de la Légion d’honneur (5 août 1878).
Étude critique
Charles Auguste Albert Racinet présente la carrière typique des dessinateurs semi-industriels du XIXe siècle. Il se forme auprès de son père imprimeur lithographe, prénommé aussi Charles-Auguste, puis il suit les cours de l’École de dessin de la Ville de Paris. C’est en qualité de peintre qu’il expose aux Salons de 1849 à 1874, mais il s’agit toujours de reproductions de documents anciens d’après des manuscrits de la Bibliothèque nationale, d’études archéologiques et de projets de vitraux.
Ce savoir-faire dans l’art de la reproduction oriente Racinet vers l’enseignement artistique et la participation aux ouvrages savants, recueils, dictionnaires et manuels de modèles pour architecture et ameublement. Dans les années 1840, il suit les traces de son père en collaborant aux planches de l’ouvrage du peintre Ferdinand Séré et du littérateur Charles Louandre, qui devait s’appeler Histoire du costume et de l’ameublement au Moyen Âge. Or, Séré étant mort prématurément, c’est seulement en 1857-1858 que le lithographe libraire-éditeur Hangar-Maugé publie les quatre volumes des Arts somptuaires. Histoire du costume et de l’ameublement et des arts et industries qui s’y rattachent. Néanmoins une partie du projet de Séré avait été publiée dès 1847-1851 par Paul Lacroix, dit « le bibliophile Jacob », sous le titre Le Moyen Âge et la Renaissance, histoire et description des mœurs et usages, du commerce et de l’industrie, des sciences, des arts, des littératures et des beaux-arts en Europe, suivie en 1852 par les dix volumes des Costumes historiques de la France d’après les monuments les plus authentiques […] précédé de l’histoire de la vie privée des Français depuis l’origine de la monarchie jusqu’à nos jours. Certaines planches sont signées « Séré et A. Racinet del. et lith. » ou « Racinet père del. »
C’est, pour le jeune Auguste Racinet, le point de départ d’une carrière vouée à l’édition d’art savante. Ce parcours est résumé dans le dossier administratif constitué lors de sa nomination au grade de chevalier de la Légion d’honneur, le 5 août 1878. Ce rapport souligne que Racinet « dessinateur et publiciste » est l’auteur de L’Ornement polychrome, traduit en anglais et en allemand, et surtout qu’il est le directeur artistique de diverses suites gravées : La Céramique japonaise, publication en couleur en anglais et en français, Collection archéologique du prince Pierre Soltykoff, le XVIIIe siècle de Paul Lacroix et L’Iconographie de la Sainte Vierge de l’abbé Meynard. Est mentionnée aussi sa collaboration à une illustration typographique de L’Âne d’or d’Apulée, à l’édition princeps du Moyen Âge et la Renaissance, des Arts somptuaires de Séré et Léandre et de L’Institution de l’ordre du Saint-Esprit publié par Godefroy Engelmann. On y mentionne sa fonction de secrétaire rapporteur du jury des Écoles de dessin aux expositions de l’Union centrale des arts décoratifs de 1874 à 1876. Mais après sa mort le 29 octobre 1893 à Montfort-l’Amaury, il doit surtout sa notoriété posthume à ses deux ouvrages fondamentaux : L’Ornement polychrome. 2 000 motifs, recueil historique et pratique paru en 1869 et réédité en 1885-1887, et Le Costume historique, somme de cinq cents planches, dont le sixième volume d’introduction et de bibliographie générale termine l’ouvrage en 1888.
Cette œuvre de diffusion éducative savante est un pur produit de la politique de l’éditeur Ambroise Firmin-Didot (1790-1876), imprimeur de l’Institut. Helléniste distingué, membre de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, collectionneur de manuscrits et de livres rares, Ambroise Firmin-Didot publia toute une série d’ouvrages archéologiques sur l’Égypte, la Grèce, Pompéi, etc. auxquels Racinet fait constamment référence et puise les sources de son Ornement polychrome, recueil pratique destiné à « rendre d’importants services à nos arts industriels ». Racinet met à la portée des artistes décorateurs cet art archéologique de la polychromie qui est au centre des recherches novatrices des architectes. C’est en effet en 1851 que paraît L’Architecture polychrome chez les Grecs de Jacques Hittorf. Au même moment, Eugène Viollet-le-Duc, inspecteur des Monuments historiques et des Cultes, encourage des restaurations et des décors très proches des ornements présentés par Racinet. Cette polychromie s’applique dans toutes les branches des arts et notamment à la technique lithographique qui est justement le domaine de Racinet. En effet, il choisira cette technique pour réaliser les superbes planches du Costume historique. C’était répondre au vœu d’Ambroise Firmin-Didot, rapporteur pour l’imprimerie au jury de l’Exposition de Londres de 1851 et qui, n’ayant « rien vu de plus beau que les produits lithochromiques de l’Imprimerie impériale d’Autriche », souhaitait trouver un Français capable de réaliser une qualité équivalente. Cette technique était particulièrement adaptée à la reproduction des manuscrits enluminés et Racinet fut initié à l’art de l’impression chromolithographique dans l’entourage d’Hangar-Maugé.
Pour ces architectes archéologues, le costume est un élément primordial de la culture des anciens peuples et tous en font état dans leurs préfaces, de Paul Lacroix en 1852 jusqu’à Friedrich Hottenroth en 1884. Viollet-le-Duc lui donne une dimension scientifique dans la septième partie de son Dictionnaire raisonné du mobilier de l’époque carolingienne à la Renaissance (1858-1875). Ce courant général et international est encouragé par les peintres et les historiens d’art ; Raphael Jacquemin reçoit une médaille à l’Exposition de 1867 pour son Iconographie générale et méthodique du costume du IVe au XIXe siècle ; Jacob-Heinrich von Hefner-Alteneck publie, à la même époque que Racinet, Trachten, Kunstwerke und Geräthschaften vom frühen Mittelalter bis Ende des achtzehnten Jahrhunderts nach gleichzeitigen Originalen en dix volumes de 1879 à 1889, suivie d’une traduction française de 1880 à 1897.
Il a souvent été souligné la parenté entre les musées rétrospectifs des expositions universelles et la création des musées. Craignant des carences d’invention pour les arts industriels, les artistes se regroupèrent en 1858 en Société du progrès de l’art industriel, devenue l’Union centrale des beaux-arts appliqués à l’industrie en 1864. C’est l’année où s’ouvre la bibliothèque de l’École des beaux-arts, dont le bibliothécaire, Ernest Vinet, est l’auteur chez Firmin-Didot, de 1874 à 1877, d’une Bibliographie des beaux-arts inachevée qui sera jointe à l’introduction de Racinet en 1888. Or, en 1874, la Société du progrès de l’art industriel organise sa quatrième exposition sur le thème du musée historique du costume. Le comité de patronage réunit des institutions, des conservateurs, des collectionneurs et des peintres. Au comité exécutif se trouvaient l’administrateur des Gobelins Alfred Darcel, le savant Bonnafé, Régnier, directeur de la scène à la Comédie-Française, ainsi que les peintres Edmond Lechevallier-Chevignard et Racinet. Deux cent cinquante-cinq prêteurs constituaient « une suite aussi complète que possible de documents anciens empruntés aux arts somptuaires afin de livrer aux fabricants des éléments nombreux d’étude et de comparaison ».
L’œuvre de Racinet et de Firmin-Didot prolonge parfaitement cette manifestation en divulguant les connaissances apportées par le rassemblement de tant de documents. Cette manifestation de l’Union centrale des arts décoratifs avait révélé le vif intérêt suscité par le costume comme lien entre des personnes qui l’envisageaient dans des axes différents. Cet ouvrage répond au goût du temps pour la peinture à la manière hollandaise qui s’accorde avec les ameublements XVIe-XVIIe siècles fournis par les artisans d’art ayant puisé leur inspiration dans les recueils de Lacroix ou Racinet, dans le cours de dessin de Jean-Léon Gérôme diffusé par la maison Goupil et dans la documentation proposée par l’Union centrale des arts décoratifs.
L’ouvrage de Racinet était aussi d’un grand secours pour les couturiers, tel Jean Philippe Worth, à une époque où les bals costumés étaient extrêmement prisés. Le Racinet suscita des émules ainsi que des rééditions des ouvrages antérieurs, ceux de Lacroix, Hottenroth, Weiss. Au tout début du XXe siècle, il inspira le manuel de Léon Roger-Milès, Comment discerner les styles du VIIIe au XIXe siècle, avec deux mille reproductions documentaires au trait, sorte d’abrégé de Racinet pour le costume civil en France.
Pour les lecteurs du XXIe siècle, « le Racinet » est la somme de la connaissance du costume de son temps. Aileen Ribeiro, dans une réédition récente partielle, considère que son point de vue était uniquement de donner des images : or Racinet, au contraire, mettant sur une même planche des reproductions tirées de documents de siècles différents, indique toujours ses sources, même si parfois il convient d’être circonspect sur les attributions de certains costumes. L’historien du costume a là un état daté de la conception d’un domaine encore peu défriché.
Françoise Tétard-Vittu, responsable du cabinet des estampes du musée Galliera
Principales publications
- Le Moyen Âge et la Renaissance, histoire et description des mœurs et usages, du commerce et de l’industrie, des sciences, des arts, des littératures et des beaux-arts en Europe. Collab. de Paul Lacroix et Ferdinand Séré. Paris : Hangar-Maugé, 1857-1858.
- Les Arts somptuaires. Histoire du costume et de l’ameublement et des arts et industries qui s’y rattachent. Collab. de Charles Louandre. Paris : Hangard-Maugé, 1857-1858, 4 vol.
- L’Ornement polychrome. 2 000 motifs de tous les styles, art ancien et asiatique, Moyen Âge, Renaissance, XVIIe et XVIIIe siècle. Recueil historique et pratique, avec des notices explicatives et une introduction générale. Paris : Firmin-Didot, 1869-1873. Rééd. Paris : Bookking international, 1996.
- Le Costume historique. Types principaux du vêtement et de la parure rapprochés de ceux de l’intérieur de l’habitation dans tous les temps et chez tous les peuples avec de nombreux détails sur le mobilier, les armes, les objets usuels, les moyens de transport etc. Recueil publié sous la direction de M. A. Racinet… avec des notes explicatives, une introduction générale des tables et un glossaire. Paris : Firmin-Didot, 1876-1888, vol. 1 ; vol. 2 ; vol. 3 ; vol. 4 ; vol. 5 ; vol. 6. Adapt. sous le nom Racinet Albert [sic], préf. d’Aileen Ribeiro. Paris : Bookking international, 1995. Rééd. revue, avec préf. de Françoise Tétart-Vittu. Cologne : Taschen, 2003 et 2006.
- Collection archéologique du prince Soltykoff. Paris : Firmin-Didot, 1878.
- La Céramique japonaise. Paris : Firmin-Didot, 1878-1881.
Bibliographie critique sélective
- Vapereau Gustave – Dictionnaire universel des contemporains. 6e éd. augm. Paris : Hachette, 1893.
- Colas René – Bibliographie générale du costume et de la mode. Paris : R. Colas, 1933.
Sources identifiées
Paris, Archives nationales
- Dossier de Légion d’honneur, n° 20691, 5 août 1878
En complément : Voir la notice dans AGORHA