Auteur(s) de la notice :

WALTER Christine

Profession ou activité principale

Archéologue, professeur d’épigraphie et d’archéologie grecque

Autres activités
Collectionneur d’antiques

Sujets d’étude
Art grec, épigraphie grecque

Carrière
1866 : entre à l’École normale supérieure
1869 : est reçu premier à l’agrégation d’histoire ; devient membre de l’École française d’Athènes
1870 : devient membre de la Société des antiquaires de France
1873 : dirige des fouilles financées par les barons Gustave et Edmond de Rothschild à Milet et dans les ruines du temple de Didymes
1876 : enseigne l’épigraphie et l’archéologie grecque à l’École pratique des hautes études
1878 : est nommé directeur adjoint à l’École pratique des hautes études
1879 : est professeur d’art antique au Collège de France
1884 : succède à François Lenormant à la chaire d’archéologie de la Bibliothèque nationale

Étude critique

En 1888, Salomon Reinach écrivait d’Olivier Rayet qu’« [il] ne connaissait pas seulement la surface du monde hellénique : il en devinait le sous-sol », résumant ainsi l’érudition à laquelle était parvenu son collègue et ami dans sa discipline. Cette excellence, Rayet n’avait pu l’atteindre qu’au prix d’une formation de haut niveau. À l’École normale supérieure, il avait bénéficié de l’influence d’Ernest Desjardins qui y enseignait la géographie et l’histoire ancienne depuis 1861. L’enseignement de ce maître – dont il épousera la fille quelques années plus tard – fut pour lui comme une révélation. Il comprit tout ce que l’histoire ancienne pouvait tirer des inscriptions et des monuments figurés, ce qui détermina sa vocation d’épigraphiste et d’archéologue. Il se présenta en 1869 à l’École française d’Athènes en tant que premier agrégé d’histoire, et y passa quatre années pendant lesquelles il parcourut, entre autres, la Grèce continentale, tout en s’attachant à recueillir, au fur et à mesure des grands travaux de voiries de la ville d’Athènes, un certain nombre d’indications topographiques précieuses, qu’il n’aura malheureusement jamais le temps de publier. Mais c’est grâce à cet œil exercé de « topographe » qu’il put pressentir toutes les richesses que réservaient la vallée du Méandre et le territoire de Milet, en Asie Mineure. Le printemps 1872 lui donna l’occasion de vérifier ses pressentiments, grâce à Gustave et Edmond de Rothschild, rencontrés par l’intermédiaire d’Ernest Desjardins, qui acceptèrent d’y financer quelques fouilles, désireux d’enrichir leurs collections et celles des musées. Rayet put ainsi conduire en 1873 des travaux considérables à Milet puis à Héraclée du Latmos. À Milet, il fit d’abord déblayer le théâtre où furent recueillis des statues féminines, un torse masculin et des textes épigraphiques. Cette période fut aussi l’occasion pour lui d’explorer les terres environnantes et d’y copier bon nombre d’inscriptions inédites. Il fut rejoint ensuite par Albert Thomas, architecte de l’Académie de France à Rome, avec lequel il explora le village de Hiéronda, à l’emplacement du sanctuaire de Didymes, dans le voisinage de Milet. La mise au jour du plan du temple d’Apollon Didyméen – le plus beau des édifices de l’Ionie, d’après Pausanias, et dont l’oracle était consulté par tous les Grecs d’Asie – fut en effet la découverte majeure de Rayet en Asie Mineure. L’impressionnant ensemble de pièces architecturales qui y furent recueillies fut offert et transporté au Louvre, grâce aux capitaux privés des Rothschild. Rayet ne limita pas là ses recherches asiatiques puisqu’il explora entre autres Priène, Tralles, Magnésie du Méandre et Myonte. À vingt-six ans, sa réputation était faite.

En janvier 1874, les fouilles de Milet terminées, il fut rappelé à Paris par Ernest Beulé, afin de le suppléer dans sa chaire d’archéologie à la Bibliothèque nationale. Peu de temps après, encore tout jeune professeur, il devint directeur adjoint à l’École pratique des hautes études où il dispensa des cours d’épigraphie, de céramique et de topographie sur Athènes. En 1879, il assurait un cours sur l’histoire de l’art antique au Collège de France, succédant ainsi à Paul Foucart, professeur d’épigraphie, récemment nommé directeur de l’École française d’Athènes. Il s’efforça d’y élever la discipline archéologique au rang de science en encourageant ses élèves à se spécialiser plutôt qu’à rechercher un savoir encyclopédique forcément lacunaire et superficiel. Sa vision de l’enseignement l’amena à effectuer une mission à Athènes en 1877 afin d’y faire photographier plus d’une centaine de chefs-d’œuvre de l’Antiquité grecque, destinés à être montrés pendant ses cours. Il prônait l’utilisation de photographies plutôt que celle des moulages, trop chers et encombrants. Selon lui, les clichés étaient bien plus fidèles et expressifs que les meilleures gravures. Il effectua également des missions à Londres, Copenhague, Saint-Pétersbourg, Berlin, Dresde, Vienne et Munich, afin de voir par lui-même des œuvres qu’il ne connaissait pas avant d’en dispenser l’étude. Il diffusa enfin son enseignement de l’art grec et gréco-oriental dans de nombreux articles parus dans la Gazette des Beaux-Arts, contribuant à élargir le cercle des amateurs d’Antiquité classique.

Le reste de son temps fut consacré à la préparation de ses publications sur Milet, à une Histoire de la céramique, une Histoire de la sculpture grecque, et une Topographie d’Athènes. En 1870, il publia deux articles majeurs sur les fouilles du quartier du Céramique à Athènes (Bulletin de correspondance hellénique, 1870, p. 199-226, 246-262) – dont il avait longuement étudié la topographie – et où se révélait tout son sens de l’appréciation des œuvres d’art, renforcé par sa fréquentation assidue des musées. Il se préoccupait surtout des détails de la fabrication et de l’aspect technique de ces objets, qui lui fournirent bien souvent des critères de classification dans ses études.

Mais l’une de ses préoccupations majeures fut la question de l’enrichissement et de la gestion des collections nationales : plusieurs voyages en Europe, notamment à Londres et à Berlin, pour parfaire son ouvrage sur ses fouilles d’Asie Mineure, l’avaient convaincu que ces musées dépassaient en qualité le niveau du musée du Louvre. Il publia, en 1882, un article sur les antiques du musée de Berlin dans la Gazette des Beaux-Arts, où il comparait de façon peu flatteuse pour la France l’organisation des collections gréco-romaines du Louvre et celles de l’Antiquarium de Berlin. C’est sans doute pour cette raison quelque peu patriotique qu’il se préoccupa de donner ou d’acheter un grand nombre d’œuvres pour le compte du musée du Louvre. Il fit, entre autres, don en 1873 d’une tête cycladique en marbre blanc, et procura au musée l’essentiel de l’abondante céramique géométrique que conserve l’institution.

Mais l’un de ses apports majeurs fut de contribuer à faire connaître les terres cuites de Tanagra, en Béotie. Ces figurines féminines drapées, debout ou assises, découvertes lors de fouilles clandestines dans plusieurs nécropoles, firent leur apparition en 1870 sur le marché athénien. Rayet pressentit tout de suite l’importance de cette production encore méconnue si bien que, grâce à lui, le Louvre fut le premier musée européen à acquérir des Tanagras, à des prix très avantageux, avant que la « fièvre » des Tanagréennes ne fasse monter les prix. Dès 1872, il faisait entrer au musée deux premières séries, suivies en 1874 d’une troisième encore plus considérable, contribuant ainsi à former une collection remarquable. Elles sont de nature extrêmement variée, car Rayet n’hésita pas à acheter des pièces de toutes époques, ayant très vite réalisé que la fécondité et l’excellence de ces ateliers béotiens concernaient une vaste période. On lui doit de plus d’avoir rapporté dans ses Monuments de l’art antique une histoire peu connue des premières fouilles du site de Tanagra, alimentée grâce à ses contacts avec un certain nombre d’antiquaires non brevetés, qui lui assuraient une bonne connaissance du marché.

Mais s’il enrichit les collections du Louvre, il constitua également de 1871 à 1877 sa propre collection, dans laquelle figuraient de nombreuses figurines trouvées en Asie Mineure ou en Grèce (Tanagra, Thespies en Locride), une tête d’athlète trouvée au Céramique d’Athènes (aujourd’hui au musée de Copenhague), un vase du célèbre potier Chachrylion trouvé en Attique ou encore d’importants fragments de poteries dans le style du Dipylon.

Mais sa carrière fut bien courte : il mourut le 29 février 1887 des suites de fièvres paludéennes contractées à Milet. Il n’avait pas quarante ans et n’eut le temps de publier qu’un seul ouvrage. On doit à Salomon Reinach et à Maxime Collignon d’avoir parachevé et compilé plusieurs de ses textes majeurs.

Christine Walter, chercheur et responsable scientifique au musée du Louvre

Principales publications

Ouvrages et catalogues d’expositions

  • Inscriptions inédites (ou inexactement publiées) des Sporades. I. Inscriptions de l’île de Kos. Paris : Imprimerie nationale, 1875.
  • Milet et le golfe latmique : Tralles, Magnésie du Méandre, Priène, Milet, Didymes, Héraclée du Latmos : fouilles et explorations archéologiques, faites aux frais de MM. Les barons G. et T. de Rothschild et publiées sous les auspices du ministère de l’Instruction publique et des beaux-arts. Collab. d’Albert Thomas. Paris : J. Baudry, vol. 1, 1877-1889 ; vol. 2, 1880-1885.
  • Monuments de l’Art antique. I. Art égyptien ; sculpture grecque, époque archaïque ; sculpture grecque seconde moitié du Ve siècle et première du IVe siècle ; II. Sculpture grecque seconde moitié du IVe siècle, IIIe et IIe siècle ; sculpture romaine ; terre cuite. Paris : Quentin, 1884.
  • Études d’archéologie et d’art. Réunies et éd. par Salomon Reinach. Paris : Firmin Didot, 1888.
  • Histoire de la céramique grecque. Collab. de Maxime Collignon. Paris : Georges Decaux, 1888-1890.

Articles

  • « Recueil d’inscriptions inédites ». In Annuaire de l’Association pour l’encouragement des études grecques, 1875, p. 266-326.
  • « Les Figurines de Tanagra au musée du Louvre ». Gazette des Beaux-Arts, 11, 1875, 2e semestre, p. 297-314 ; id. 12, 1875, 2e semestre, p. 57-68.
  • « Mémoire sur l’île de Kos ». In Archives des missions scientifiques et littéraires, 3e série, t. III, 1876, p. 37-116.
  • « L’Architecture ionique en Ionie : le temple d’Apollon Didyméen ». Gazette des Beaux-Arts, 13, 1877, p. 14, 497-510 ; 14, 1877, p. 50-65.
  • « L’Art grec au Trocadéro ». Gazette des Beaux-Arts, 18, 1878, 2e semestre, p. 347-370.
  • « Les Antiques du musée de Berlin ». Gazette des Beaux-Arts, II, 1882, p. 224-250.
  • « Fouilles contemporaines à Milet et dans la région du golfe latmique. Leçon d’ouverture du cours d’archéologie, professé à la Bibliothèque nationale, 27 janvier 1874 ». In Études d’archéologie et d’art, Paris, 1888, p. 86-101.

Bibliographie critique sélective

  • Catalogue de la collection d’antiquités grecques de M. O. Rayet : vente 4-5 avril 1879, Paris, Hôtel Drouot. Paris : Alcan-Lévy, 1879.
  • Annuaire de l’École des hautes études. Paris : Imprimerie nationale, 1897, p. 53, 55.
  • Reinach Salomon. – « Notice biographique ». In Études d’archéologie et d’art. Paris : Firmin Didot, 1888, p. I-XVI.
  • Homolle Théophile. – « Rayet Paul-Daniel-Olivier » (extrait du Mémorial de l’Association des anciens élèves de l’École normale pour 1888). Paris : imprimerie de Cerf, [s. d.], p. 1-7.
  • Radet Georges. – L’Histoire et l’Œuvre de l’École française d’Athènes. Paris : A. Fontemoing, 1901.
  • Mollard-Besques Simone. – Catalogue raisonné des figurines et reliefs en terre cuite grecs étrusques et romains. I. Époques préhellénique, géométrique, archaïque et classique. Paris : Éditions des musées nationaux, 1954, p. vii.
  • Dawson Warren R. et Uphill Éric P. – Who was who in Egyptology. Londres : The Egypt exploration society, 1970, p. 350.
  • Bulletin de correspondance hellénique. Numéro spécial « Cent cinquantenaire 1846-1996 ». 1996-1, vol. 120, p. 196, 275 et 376.
  • Duchêne Hervé et Straboni Christian. – La Conquête de l’archéologie moderne, l’histoire de l’École française d’Athènes de 1846 à 1914. Athènes : École française d’Athènes, 1996 (CD-Rom).
  • Gran-Aymerich Ève. – Dictionnaire biographique d’archéologie 1798-1945. Paris : Centre national de la recherche scientifique, 2001, p. 565-567.

Sources identifiées

Athènes, archives de l’École française d’archéologie

  • Cote Delphes 1-1 : lettre à Théophile Homolle datée du 20 mai 1873

Paris, Archives nationales

  • Cote de la série F17 contenant les documents relatifs à Olivier Rayet
  • 3001 : 8 pièces datant de 1873 : mission au British Museum pour l’étude des monuments d’Asie Mineure ; 6 pièces datant de 1874 : exploration en Asie Mineure, dans la région de Priène et du Mont Mycale ; 6 pièces de 1877 : demande de mission à Athènes – photos des œuvres antiques ; 11 pièces de 1881 : mission dans plusieurs musées européens
  • 3209 : 1 pièce intitulée « M. Rayet »

Paris, bibliothèque de l’Institut de France

  • Collection de Rayet : estampages d’inscriptions grecques, classés par Théophile Homolle (objets 89-90)

Paris, École pratique des hautes études, archives de la IVe section, centre Albert-Châtelet

  • Dossier administratif de Rayet