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SOULIÉ, Eudore
Mis à jour le 13 janvier 2009
(1er décembre 1817, Toulouse – 29 mai 1876, Versailles)
Auteur(s) de la notice :
CANTARUTTI Stéphanie
Profession ou activité principale
Conservateur de musée
Autres activités
Historien de l’art
Sujets d’étude
Histoire de France, château de Versailles
Carrière
1838 : commis au musée du Louvre
1848 : nommé par Philippe-Auguste Jeanron conservateur-adjoint de la chalcographie du musée du Louvre ; participe à la création du Conservatoire des musées et en devient le secrétaire
1850 : nommé conservateur-adjoint du musée de Versailles
1867 : nommé conservateur en titre du musée de Versailles
1906-1907 : son gendre, le célèbre dramaturge Victorien Sardou, devient le premier président de la Société des amis de Versailles
Chevalier de l’ordre impérial de la Légion d’honneur (1855) ; chevalier de l’ordre de la couronne de chêne des Pays-Bas (1861)
Étude critique
Grâce à son père, bibliothécaire à l’Arsenal à Paris et directeur du journal La Quotidienne, Eudore Soulié devient en 1838 commis au musée du Louvre, sous la direction d’Alphonse de Cailleux. Il y fait la connaissance du jeune Philippe de Chennevières. Leur goût commun pour la recherche les conduit à travailler aux anciens inventaires et aux raretés de la bibliothèque du musée. Le résultat des différentes recherches menées par Soulié dès cette époque sera publié sous la forme de plusieurs contributions par les Archives de l’art français, publication collégiale inaugurée en 1851, sous la direction de Chennevières. L’entregent de son père le conduit à rencontrer à l’Arsenal de grandes figures du romantisme, dont Charles Nodier, Victor Hugo, Alexandre Dumas ou encore le baron Taylor. Il fréquente aussi l’atelier du peintre Célestin Nanteuil et devient un fervent admirateur de la jeune école de peinture.
Alors qu’Alfred Jeanron est placé à la tête des musées nationaux, Soulié est nommé conservateur de la chalcographie du Louvre, le 24 mars 1848. Il sera, en raison de la baisse des crédits accordés aux musées, rétrogradé au rang de conservateur-adjoint, sous la direction de Frédéric Villot, le 1er décembre 1848. Jeanron décide de faire de la chalcographie un département indépendant et dynamique, qui puisse répondre à une volonté de large diffusion des collections du Louvre par le biais de planches gravées. Aucun catalogue n’ayant été réalisé depuis 1808 et aucun inventaire n’ayant répertorié les nouvelles acquisitions du département depuis 1842, Jeanron propose d’établir un nouveau catalogue de la chalcographie. En 1849, Villot lui remet le manuscrit, en grande partie rédigé par Soulié. En décembre 1849, le comte de Nieuwerkerke est placé à la tête de la direction générale des musées nationaux par Louis-Napoléon Bonaparte. Fin courtisan, le comte va se révéler un allié puissant pour le soutien des projets de Soulié à Versailles.
En 1850, Soulié est nommé à la tête du château de Versailles, poste qu’il occupera jusqu’à sa mort. Il entame à dessein une correspondance très suivie avec Nieuwerkerke et l’informe de toutes les difficultés survenant à Versailles, ainsi que de la progression de ses recherches et des travaux menés au château. Il est aussi invité aux célèbres « soirées du Louvre » qui réunissent, dans les appartements de Nieuwerkerke au Louvre, les artistes en vue, les hommes politiques et les fonctionnaires de l’administration des musées. Grâce à la confiance renouvelée de Nieuwerkerke, Soulié parvient à œuvrer pour la conservation et la connaissance du musée, même s’il reste très conscient du caractère éminemment politique du lieu. En effet, Napoléon III veut, à l’image des souverains précédents, laisser son empreinte à Versailles. Il veut faire du palais un véritable pôle d’attraction pour le public en dehors de la capitale. Pour ce faire, le prince-président inaugure le 5 juillet 1849 la gare ferroviaire de Versailles, qui servira à faciliter l’accès au château des futurs visiteurs et à le rapprocher ainsi de l’orbite de Paris. Le musée de Versailles bénéficie également à la même époque d’une grande politique de commandes, décidée par l’Empereur, essentiellement composées de portraits peints ou sculptés représentant des morts valeureux contemporains. Napoléon III poursuit en cela à Versailles le dessein de Louis-Philippe qui en 1837 avait installé à Versailles un musée consacré « à toutes les gloires de la France ». La mission de Soulié consiste alors à faire face aux envois réguliers des œuvres et à les insérer dans la muséographie du musée. Soucieux de préserver l’harmonie des salles d’exposition ainsi que la pédagogie du discours, Soulié s’efforce de résister aux pressions politiques. Bien qu’il reste aujourd’hui très peu de traces de l’aménagement des salles du musée réalisé par Soulié, nous savons qu’il cherchait à compléter les collections historiques, ainsi qu’à étendre l’implantation du musée au sein du palais. En 1851 par exemple, Soulié tente d’acquérir un ensemble d’œuvres provenant de la collection privée de Louis-Philippe, dispersée au profit de la liquidation de l’ancienne liste civile. Il se montre tout particulièrement intéressé par un ensemble de toiles primitivement destinées au musée de Versailles et tente de faire-valoir, en vain, la cohérence historique d’une telle acquisition. Pour Soulié, les parties les plus intéressantes du musée sont les parties historiques de l’ancienne résidence royale, c’est-à-dire les grands appartements et leurs dépendances. Malheureusement, sa volonté d’aménager ces espaces se trouve contrecarrée par de nombreuses difficultés financières. L’acquisition d’œuvres historiques ou l’entretien des œuvres ne sont pas jugés prioritaires et ce, alors que le château a été longuement délaissé.
Soulié résiste à l’implantation à Versailles d’un musée « des villes et des communes de France » (idée issue du courant du « socialisme municipal » de l’époque), et plaide en 1864, sans succès, pour la création d’une « salle des mémoires ». Il imagine replacer Versailles sur l’échiquier des anciennes résidences royales et restituer cet esprit et cette atmosphère du « bel esprit français » du Grand Siècle et du siècle de Louis XV avec notamment des portraits de personnalités du temps. Son objectif est de rendre sensible l’histoire du château et de ses collections et explique son intérêt pour le genre du portrait, qui a la faculté de suggérer le mode de vie ou d’illustrer des événements historiques, dans un palais vidé de la plupart de ses collections historiques. De fait, et malgré ses efforts, aucune œuvre majeure n’entrera à Versailles sous sa direction. Il se heurte également à une autre difficulté : aucun travail de catalogage des collections n’a encore été établi lorsqu’il prend la tête du musée. Après un travail gigantesque de recherches et de collecte d’informations, le premier catalogue du musée de Versailles paraît en 1854 et ses rééditions successives témoignent de l’intérêt renouvelé du public pour l’histoire du château et de ses collections. Soulié se montre particulièrement attentif à l’histoire de la collection de sculptures du musée (et notamment celles du parc) ainsi qu’à leur conservation et il entreprend pour Versailles les premières restaurations de sculptures à vocation scientifique. Le 4 septembre 1870, l’emprisonnement de Napoléon III à Sedan, puis la chute du Second Empire font disparaître Nieuwerkerke de la scène politique. Privé de son oreille attentive, Soulié envisage l’avenir de Versailles avec anxiété. S’il est reconduit dans ses fonctions, la guerre et l’occupation progressive du château par l’armée prussienne vont considérablement amoindrir ses efforts. L’ambulance prussienne annexe peu à peu les espaces du musée et Soulié tente d’agir afin d’éviter vols et déprédations. Seule une partie des collections est effectivement évacuée du palais et la situation devient critique. Isolé de la capitale, Soulié assiste, impuissant, à la mise à bas de ses efforts. Le départ des troupes prussiennes, en février 1871, ne met pas un coup d’arrêt à l’agonie du château. Alors que Soulié tente de plaider l’urgence de la refonte complète de la gestion du palais, associée à une plus grande autonomie de moyens, l’Assemblée nationale prend possession du château. De santé fragile, durement éprouvé par les événements récents, Soulié tente sans succès de préserver une dernière fois la cohérence du musée. Après sa mort, en 1876, plusieurs grands historiens de l’art, tels que Pierre de Nolhac, Gaston Brière ou Gérald Van der Kemp poursuivront son œuvre.
Stéphanie Cantarutti
Principales publications
Ouvrages et catalogues d’expositions
- Catalogue des tableaux du Louvre. s. l., 1847.
- Catalogue des planches gravées composant le fonds de la chalcographie et dont les épreuves se vendent dans cet établissement au musée national du Louvre. Notice historique par Frédéric Villot. Paris : Vinchon, 1851.
- Notice des peintures et sculptures, placées dans les appartements et dans les jardins des Palais de Trianon. Paris : Ch. De Mourgues frères, 1852.
- Mémoires inédites sur la vie et les ouvrages des membres de l’Académie royale de peinture et de sculpture. Collab. de Philippe de Chennevières. Paris : J. B. Dumoulin, 1854.
- Notice des peintures et sculptures composant le Musée impérial de Versailles. Première partie. Rez-de-chaussée. Versailles : impr. Montalant-Bougleux, 1854.
- Journal du marquis de Dangeau publié en entier pour la première fois par MM. Eud. Soulié et L. Dussieux, de Chennevières, Mantz, de Montaiglon avec les additions inédites du duc de Saint-Simon publiées par M. Feuillet de Conches. Paris : Firmin-Didot frères, 1854-1860, 19 vol.
- Notice des peintures et sculptures composant le Musée impérial de Versailles. Deuxième partie. Premier et deuxième étages. Versailles : impr. Montalant-Bougleux, 1855.
- Louis XIV, médaillon en cire par Antoine Benoist. Versailles : impr. Montalant-Bougleux, 1856.
- Lettre-circulaire de M. Eudore Soulié, adressée aux notaires de Paris, pour les prier de faire dans leurs études, toutes recherches relatives à Molière. Paris : impr. Dubuisson, 1857.
- Notice du Musée impérial de Versailles. Première partie. Rez-de-chaussée, 2e éd. Paris : Charles de Mourgues frères impr., 1859.
- Notice du Musée impérial de Versailles. Deuxième partie. Premier étage. 2e éd. Paris : Charles de Mourgues frères impr., 1860.
- Mémoires du duc de Luynes sur la cour de Louis XV (1735-1758). Collab. de Louis Dussieux. Paris : Firmin-Didot frères, 1860-1865.
- Notice du Musée impérial de Versailles. Troisième partie. Deuxième étage. Jardins et tables, 2e. éd. Paris : Charles de Mourgues frères impr., 1861. Vol. 1 ; vol. 2 ; vol. 3 ; vol. 4 ; vol. 5 ; vol. 6 ; vol. 7 ; vol. 8 ; vol. 9 ; vol. 10 ; vol. 11 ; vol. 12 ; vol. 13 ; vol. 14 ; vol. 15 ; vol. 16 ; vol. 17.
- Recherches sur Molière et sur sa famille. Paris : L. Hachette, 1863.
- Le Portrait authentique de Mademoiselle de La Vallière. Versailles : impr. Aubert, 1866.
- Rapport sur des recherches relatives à la vie de Molière. Paris : Imprimerie impériale, 1865.
- Molière et sa troupe à Lyon. Lyon : impr. A. Vingtrinier, 1866.
- Journal de Jean Héroard sur l’enfance et la jeunesse de Louis XIII (1601-1628). Collab. d’Éd. de Barthélémy. Paris : Firmin-Didot fils et Cie, 1868, vol. 1 ;vol. 2.
- Le Château de Marly-le-Roy, plan d’ensemble et vue générale d’après Piganiol de La Force, l’abbé Choisy, Eudore Soulié, Fortoul et Victorien Sardou. Paris : Ducher, s. d.
Articles
- « État d’ouvrage fait au pavillon de Luciennes en 1771 par Madame la comtesse du Barry par Félix Lecomte, sculpteur du roi, membre de son Académie royale de peinture et de sculpture ». Archives de l’art français, documents, I, 1851-1852, p. 270-272.
- « Jean Warin de Liège. Son testament communiqué par M. Fossé-Darcosse, annoté par M. Eudore Soulié ». Archives de l’art français, documents, I, 1851-1852, p. 270.
- « Une lettre de 1709 de Charles-François Poerson, directeur de l’École de France à Rome ». Archives de l’art français, documents, II, 1852-1853, p. 150-152.
- L’Illustre Théâtre et la troupe de Molière, correspondance littéraire, IX, 1865, p. 80-82.
Bibliographie critique sélective
- Chennevières-Pointel Charles-Philippe (de). – Recherches sur la vie et les ouvrages de quelques peintres provinciaux de l’ancienne France. Paris : Dumoulin, 1847, p. 151-201.
- Gautier Théophile. – « Les Soirées du Louvre ». L’Artiste, t. III, 5e livraison, 31 janvier 1858.
- Champfleury Jules. – Les Peintres de la réalité sous Louis XIII. Les frères Le Nain. Paris : impr. Saint-Claye, 1862, p. 4, 48, 81, 110 et 125.
- Nieuwerkerke Alfred-Émilien. – Rapport de M. le comte de Nieuwerkerke sur les travaux de remaniements et d’accroissement réalisés depuis 1849 dans les Musées impériaux. Paris : Didier, 1863.
- Bouquet F. – « Nouveaux Documents pour l’histoire du théâtre de Rouen, dus à M. Eudore Soulié ». Bulletin de la Commission des antiquités de la Seine-Maritime. Rouen, 1865, p. 301-311.
- Nieuwerkerke Alfred-Émilien. – Rapport de M. le comte de Nieuwerkerke sur la situation des Musées impériaux pendant le règne de S. M. Napoléon III (1855-1868). Paris : Charles de Mourgues frères, 1869.
- Brière Gaston. – « Rectifications et Additions au catalogue du musée français de Versailles par Eudore Soulié ». Bulletin historique de la Société de l’histoire de l’art français. Paris, 1911, n° 9.
- Angoulvent Paul-Joseph. – La Chalcographie du Louvre, histoire et description des collections. Paris : musées nationaux, 1926.
- Chennevières-Pointel Charles-Philippe (de). – Souvenirs d’un directeur des Beaux-Arts. Paris : Athéna, 1979 [reprise intégrale des textes publiés en feuilleton dans la revue L’Artiste de 1883 à 1889].
- Gaethgens Thomas. – Versailles, de la résidence royale au musée historique. Paris, 1984.
- Gaethgens Thomas. – « Le Musée historique de Versailles ». Les Lieux de mémoire, t. II. Paris, 1986, vol. 3, p. 143-168.
- Chambure Marie (de), Martin Chrystel. – Frédéric Villot conservateur des peintures au musée du Louvre 1848-1861. Paris : École du Louvre, 1991.
- Goldschmidt Fernande. – Nieuwerkerke, le bel Émilien. Prestigieux directeur du Louvre sous Napoléon III. Paris : Art international publishers, 1997.
- Sabatier Gérard. – Versailles ou la Figure du roi. Paris : Albin Michel, 1999.
- Le Comte de Nieuwerkerke, art et pouvoir sous Napoléon III, [catalogue de l’exposition], Compiègne, Musée national du château, 6 octobre 2000-8 janvier 2001. Paris : Réunion des musées nationaux, 2000.
- Rousseau Madeleine. – La Vie et l’Œuvre de Philippe-Auguste Jeanron, peintre, écrivain, directeur des musées nationaux, 1808-1877. Paris : Réunion des musées nationaux, 2000.
- Cantarutti Stéphanie. – Eudore Soulié, conservateur du musée de Versailles (1850-1876), mémoire de muséologie, École du Louvre, 2000-2001.
Sources identifiées
Paris, archives du musée du Louvre
- Dossier personnel d’Eudore Soulié, O 30 42
- Série V0
- Série V2 1849-1876
- Série V3
- Série V23
- Série V34
- Série * 1 BB 8 à 23 (procès-verbaux du Conservatoire des musées nationaux)
Paris, bibliothèque centrale des Musées nationaux
- Cahiers de soirées. Listes des invités aux soirées du comte de Nieuwerkerke, Ms 128
- Réceptions. Listes des invités aux soirées du comte de Nieuwerkerke, Ms 129 (1 à 3)
Paris, bibliothèque de l’INHA-collections Jacques Doucet
- Fonds Brière, boîte 4.10
Paris, bibliothèque de l’Institut de France
- Manuscrits de la bibliothèque de l’Institut de France, MS 1809 (lettres adressées ou communiquées à Charles Blanc)
Versailles, archives du château de Versailles
- SADV 1875/4 : lettre d’Eudore Soulié relative à la suppression du lanternon de la chapelle sous Louis XV adressée à Questel, architecte du château, 27 janvier 1873
En complément : Voir la notice dans AGORHA