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VILLOT, Frédéric
Mis à jour le 28 janvier 2009(31 octobre 1809, Liège – 27 mai 1875, Paris)
Auteur(s) de la notice :
D’ANTIN Cécile
Profession ou activité principale
Conservateur de musée
Autres activités
Historien de l’art, collectionneur, artiste
Sujets d’étude
Histoire de la peinture, histoire des collections du musée du Louvre
Carrière
1833-1834 : séjour en Italie et plus particulièrement à Venise
1842 : fondateur avec Eugène Piot de la revue Le Cabinet de l’amateur et de l’antiquaire
24 mars 1848 – mars 1861 : conservateur du département des Peintures du musée du Louvre
Mars 1861 : nommé secrétaire général des musées
1867 : nommé vice-président du Conservatoire des musées
5 septembre 1870 – 5 février 1874 : président du Conservatoire des musées
Membre résidant de la Société nationale des antiquaires de France (1849) ; officier de la Légion d’honneur (1861) ; membre fondateur de la Société de l’histoire de l’art français (1875).
Étude critique
« Villot était l’homme de toutes les grammaires : traités théoriques, traités techniques sur la musique, sur le grec, le moderne et l’ancien, sur tous les dialectes de l’Italie, sur les procédés les plus divers de peinture, de gravure, d’orfèvrerie, de fonte et de ciselure, il les avait tous dans sa riche bibliothèque, et mieux encore dans sa cervelle. […] C’était, je le répète, un érudit, un curieux, il connaissait bien l’histoire de l’art ; il l’avait fouillée dans ses détails beaucoup plus qu’on ne le faisait en ce temps-là. » Cette appréciation tirée des Souvenirs de Philippe de Chennevières nous donne un aperçu de l’étendue des connaissances de Frédéric Villot en histoire de l’art. Collectionneur et artiste (il réalisa notamment de nombreuses gravures d’interprétation, d’après ses peintres préférés – plus particulièrement Véronèse, Titien, le Tintoret – et s’initia avec Eugène Delacroix à la gravure à l’eau-forte), Villot ne cessa, tout au long de sa vie, d’approfondir les sujets qui le passionnaient, aussi éclectiques que la peinture vénitienne (il fut ébloui par Véronèse lors d’un voyage en Italie en 1833-1834), la langue grecque (il traduisit le Memnon de Voltaire en grec ancien), les civilisations chinoises et japonaises (les frères Goncourt, dans leur Journal, décrivent Villot fréquentant assidûment la Porte chinoise, célèbre magasin de japonaiseries installé rue de Rivoli).
D’un milieu social aisé, Villot put consacrer du temps à des travaux de recherche en histoire de l’art, notamment au sein de la revue Le Cabinet de l’amateur et de l’antiquaire qu’il avait fondée en 1842 avec Eugène Piot et Théophile Gautier. Cette revue d’art érudite, dans laquelle étaient publiés des documents originaux et des études monographiques, parut en quatre volumes de 1842 à 1846. En 1844, Villot y publia des articles sur les graveurs Valentin Lefebvre et Pierre-Paul Prud’hon : en plus du catalogue des œuvres de ces artistes, il se livrait à des réflexions sur l’histoire de la gravure et formulait des critiques à l’encontre de l’accrochage et des restaurations des peintures du musée du Louvre, joignant ainsi sa voix aux nombreux amateurs qui déploraient la mauvaise gestion du musée. Artiste médiocre mais engagé dans le mouvement romantique aux côtés de son ami Eugène Delacroix, Villot lutta également contre l’extrême sévérité du jury qui présidait au Salon officiel. Peu avant la révolution de 1848, il participa avec Athanase Louis Clément de Ris et le peintre Fernand Boissard à la rédaction d’une brochure publiée de façon anonyme, intitulée De l’Exposition et du jury. Les auteurs y retraçaient l’histoire du Salon et des mauvaises conditions de son installation au Palais du Louvre et demandaient que les artistes eux-mêmes élisent leurs pairs à la tête de l’organisation de cette exposition.
Grâce à cet engagement aux côtés des artistes et à ses travaux en histoire de l’art, Villot fut nommé conservateur des peintures du musée du Louvre lors de la révolution de 1848. Prenant à cœur sa fonction, il voulut offrir aux visiteurs du musée les premiers catalogues raisonnés des peintures du Louvre. Ce n’est en effet qu’à partir de l’administration de Philippe-Auguste Jeanron, directeur du musée du Louvre de 1848 à 1849, que le catalogue fut considéré comme une mission du musée. Depuis 1816, le seul catalogue dont disposaient les visiteurs au département des Peintures du musée était la Notice des tableaux exposés dans le musée, publiée chez Vinchon. Cette modeste publication fut rééditée à plusieurs reprises et sans améliorations jusqu’en 1847. Les renseignements fournis dans ce catalogue étaient fort succincts : nom de l’auteur, lieu et date de sa naissance, titre du tableau et ses dimensions. Les attributions figurant dans ce catalogue avaient été sévèrement critiquées par Gustav Friedrich Waagen, le célèbre historien d’art allemand, dans les années 1830. Ces critiques avaient été reprises par nombre d’érudits, dont Théophile Thoré-Bürger et Clément de Ris, qui par voie de presse réclamaient depuis une quinzaine d’années un catalogue raisonné répondant à leur attente principale, celle de comprendre les attributions des tableaux. Villot élabora donc les premiers catalogues raisonnés des peintures du musée, dont les notices apportaient la preuve de l’attribution d’un tableau par l’indication de son historique et par la biographie de l’artiste.
En 1849 parut le premier catalogue de Villot, recensant les peintures de l’école italienne. Le programme en était très complet en comparaison des notices proposées auparavant au public et c’est sur cette trame que s’établissent encore aujourd’hui les catalogues d’exposition et de musées. Les renseignements fournis par le catalogue étaient les suivants : nom du maître, date de sa naissance et de sa mort, école à laquelle il est attaché ; biographie sommaire ; numéro d’ordre du tableau ; numéro d’inventaire ; désignation et description du tableau ; dimensions et matières ; grandeur des figures ; origine et provenance du tableau ; ventes dans lesquelles il a figuré et montant de son adjudication, attributions ; estimation sous l’Empire et sous la Restauration ; gravures faites d’après le tableau ; anciennes localisations et emplacement actuel au sein du musée. C’est la première fois que se manifestait un tel objectif d’étude scientifique dans un catalogue : le souci de retracer l’historique du tableau visait à donner les preuves de son attribution. Cette question de l’attribution était en effet fondamentale depuis les travaux de Waagen et elle devait être étayée par des renseignements fiables. En cherchant une plus grande rigueur dans les domaines de l’expertise (l’attribution), de la caractérisation et de l’historiographie (les circonstances de la production, les possesseurs successifs), Villot ambitionnait de fournir aux chercheurs en histoire de l’art un document fiable. En 1855, le conservateur des Peintures avait fini sa tâche et les visiteurs du Louvre eurent à leur disposition, en plus du catalogue de l’école italienne augmenté des tableaux espagnols, le catalogue des écoles du Nord et celui de l’école française. Villot avait également participé au catalogue de la chalcographie du Louvre (1851) et au catalogue des œuvres modernes du musée du Luxembourg (1852). Les conservateurs des musées de province et des musées européens s’inspirèrent très tôt du modèle instauré par Villot pour rédiger leur propre catalogue, adoptant systématiquement le classement par écoles et complétant les informations sur l’historique de chaque tableau.
En mars 1861, Villot dut remettre sa démission pour avoir fait exécuter sur quelques chefs-d’œuvres du Louvre des nettoyages audacieux qui soulevèrent des polémiques dans la presse (notamment au sujet de la restauration des Rubens de la galerie Médicis en 1856 et du Grand Saint Michel de Raphaël en 1859). Il fut alors nommé secrétaire général des musées le 23 mars 1861, poste créé pour lui par le comte de Nieuwerkerke (successeur de Jeanron à la tête du Louvre) et dans lequel Villot se révéla être un parfait administrateur. En 1867, il reçut le titre de vice-président du Conservatoire et celui de président de la même instance en 1870. Sa mauvaise santé fut aggravée par les privations de la Commune et il fut mis à la retraite en 1874. Jusqu’à la fin de sa vie Villot chercha à améliorer les notices de ses catalogues raisonnés, dont le cadre avait fixé définitivement les lois du genre.
Cécile d’Antin, diplômée de l’École du Louvre et de l’université de Paris IV-Sorbonne
Principales publications
Ouvrages et catalogues d’expositions
- De l’exposition et du jury. Paris : Ferdinand Sartorius, 1848.
- Notice des tableaux exposés dans les galeries du musée national du Louvre, écoles d’Italie. Paris : Vinchon, 1849, 212 p.
- Notice des peintures, sculptures, gravures et lithographies de l’école moderne de France exposées dans les galeries du musée national du Luxembourg. Paris : Vinchon, 1852, 68 p.
- Notice des tableaux exposés dans les galeries du musée national du Louvre, 1re partie, écoles d’Italie et d’Espagne. 2e éd. Paris : Vinchon, 1852, 277 p.
- Notices des tableaux exposés dans les galeries du musée national du Louvre, 2e partie, écoles allemande, flamande et hollandaise. Paris : Vinchon, 1852, 345 p.
- Notice des tableaux exposés dans les galeries du musée national impérial du Louvre, 3e partie, école française. Paris : Vinchon, 1855, 455 p.
- Hall célèbre miniaturiste du XVIIIe siècle, sa vie, ses œuvres, sa correspondance. Observations sur la technique de la miniature en France et en Angleterre. Paris : impr. Jouaust, 1867, 126 p.
- Collection de dessins originaux de grands maîtres, gravés en fac-similé par Alphonse Leroy avec des textes de MM. F. Reiset et F. Villot, conservateurs du Musée impérial. Paris : Alphonse Leroy graveur, s. d., 68 p.
Articles
- « De la gravure à l’eau-forte ». In L’Artiste. 1834, t. VIII, p. 301-303.
- « Essai d’un catalogue raisonné des gravures et des lithographies exécutées par P.-P. Prud’hon, ou d’après ses compositions, par différents artistes ». Le Cabinet de l’amateur et de l’antiquaire, 1844, t. III, p. 481-519.
- « Valentin Lefebvre, peintre et graveur à l’eau-forte ». Le Cabinet de l’amateur et de l’antiquaire, 1844, t. III, p. 169-177.
- « Notice historique ». In Eudore Soulié. Catalogue des planches gravées composant le fonds de la Chalcographie et dont les épreuves se vendent dans cet établissement au musée national du Louvre. Paris : Vinchon, 1851, 151 p.
- « John Constable ». Revue universelle des arts, 1856, t. IV, p. 289-305.
Bibliographie critique sélective
- Clément de Ris Louis. – « Livret du Musée national (écoles d’Italie) ». L’Artiste, 15 janvier 1850, t. IV, p. 87-90.
- Mantz Paul. – « Lorsque M. Villot… ». L’Artiste, 15 octobre 1850, p. 159.
- Mündler Otto. – Essai d’une analyse critique de la notice des tableaux italiens du musée national du Louvre, accompagné d’observations et de documents relatifs à ces mêmes tableaux. Paris : Firmin Didot, 1850, 228 p.
- Tarral Claudius. – Observations sur le classement actuel des tableaux du Louvre, et analyse critique du nouveau catalogue, 1re lettre. Paris : P. Dupont, 1850, 54 p.
- Tarral Claudius. – Courtes réflexions sur la Galerie des tableaux du Louvre, et analyse critique du nouveau catalogue, 2e lettre. Paris : P. Dupont, 1850, 50 p.
- Brunet Gustave. – « Observations sur les attributions assignées à divers tableaux du musée du Louvre dans le catalogue de M. Villot ». Revue universelle des arts, 1855, t. II, p. 405-418.
- Thoré-Bürger Théophile. – « Révision du catalogue des tableaux du musée de Paris (écoles flamande, allemande et hollandaise) ». L’Artiste, 1858, 17 janvier, p. 37-49 ; 24 janvier, p. 53-58 ; 21 février, p. 129-134 ; 14 mars, p. 171-174 ; 21 mars, p. 197-199 ; 4 avril, p. 230-233 ; 11 avril, p. 247-248.
- Nieuwerkerke Alfred Émilien, comte (de). – Rapport de M. Le comte de Nieuwerkerke sur la situation des Musées impériaux pendant le règne de S. M. Napoléon III (1853-1869). Paris : Mourgues, 1869, 185 p.
- Anonyme. – « Nécrologie, M. Frédéric Villot ». Chronique des arts et de la curiosité, suppl. à la Gazette des Beaux-Arts, 5 juin 1875, n° 23, p. 208.
- Rivière Monique. – « Frédéric Villot, conservateur et administrateur au musée du Louvre ». Mémoire de recherche approfondie, Paris, École du Louvre, 1970, 297 p.
- Chennevières Pointel Charles Philippe (de). – Souvenirs d’un directeur des Beaux-Arts. Paris : Arthena, 1979.
- Georgel Chantal. – « Petite Histoire des livrets de musée ». In [catalogue d’exposition] La Jeunesse des musées. Paris, musée d’Orsay, 7 février – 8 mai 1994. Paris : Réunion des musées nationaux, 1994, p. 207-214.
- Antin Cécile (d’). – « Les Catalogues raisonnés des peintures du musée du Louvre, des prémices d’un genre à l’exemplarité du modèle édifié par Frédéric Villot ». Mémoire de recherche, Paris, École du Louvre, 2005, 185 p.
Sources identifiées
Paris, archives des Musées nationaux
- Procès-verbaux et minutes des séances du Conservatoire (1BB8, 1BB9, 1BB10, 2BB4, 2BB18, 2BB5, 2BB6, 2BB7, 2BB8, 2BB9)
- Dossier de carrière de V. (O 30 122)
- Correspondance de Villot avec Philippe-Auguste Jeanron et le comte Alfred Émilien de Nieuwerkerke (P2, P2C)
Paris, bibliothèque de l’Arsenal
- Trois lettres à Théophile Thoré-Bürger (ms. 7913)
- Lettres à Paul Lacroix au sujet des polémiques soulevées dans la presse par les restaurations (Fonds Lacroix, ms. 9623, carton 17, sous cote 1491)
Paris, bibliothèque de l’INHA-collections Jacques Doucet
- Deux lettres (carton 43)
Paris, Bibliothèque nationale de France, département des Manuscrits
- Lettre à Louis Viardot (NAF 16274, ff. 322-323)
- Lettre d’Eugène Delacroix à Villot (NAF 25128, ff. 95-96)
En complément : Voir la notice dans AGORHA