Auteur(s) de la notice :

TIMBERT Arnaud

Profession ou activité principale

Fonctionnaire des contributions indirectes

Autres activités
Peintre, dessinateur, archéologue, historien de l’art

Sujets d’étude
Histoire, archéologie et histoire de l’art picard au Moyen Âge

Carrière
1838 : médaille de bronze au concours des Antiquités nationales pour la monographie de la cathédrale de Beauvais
1845 : médaille d’or de la Société française pour la conservation des monuments
1847 : médaille d’or de la Société des antiquaires de la Morinie pour le Recueil d’inscriptions du Nord de la France
1853 : prix Labourt pour l’Encyclopédie monumentale de la Picardie
1860 : second prix au concours des Sociétés savantes de la Sorbonne pour le Répertoire archéologique

Chevalier de l’ordre de Saint-Grégoire-le-Grand (1839) ; Chevalier de l’ordre des palmes académiques (1864)

Étude critique

Dès 1821, Emmanuel Woillez s’intéresse à l’étude des monuments religieux du Midi, commence à les dessiner et à prendre des notes. En 1840, il devient correspondant du ministère de l’Instruction publique pour les travaux historiques. Il est, peu après son arrivée en Picardie, nommé administrateur du musée des Beaux-Arts d’Amiens, à l’occasion de son rattachement à la Commission du musée instituée le 25 janvier 1841 pour la collecte des œuvres et des objets archéologiques puis, après sa retraite à Compiègne, en 1865, il fait partie de la conservation du musée Vivenel, pour lequel il rédige le catalogue. Il est associé à la Commission, créée lors de la séance du 17 mai 1841 de la Société des antiquaires de Picardie, pour sauver, par le dessin, les derniers vestiges de l’ancienne cité de Beauvais, conservant ainsi la mémoire de monuments ou d’objets aujourd’hui disparus, tels que la porte romane du palais épiscopal de Beauvais ou le « Cromlech » du parc aux loups de Cuise-la-Motte. En 1843, Emmanuel Woillez est sollicité par le préfet pour donner un rapport sur la mise en couleur des sculptures restaurées du tour du chœur de la cathédrale d’Amiens, demande à laquelle il répond le 14 février 1843 avec une étonnante précocité sur la réflexion documentaire et méthodologique inhérente à la restauration des monuments historiques. Il reconnaît, en effet, l’opportunité des travaux à exécuter pour mettre en harmonie de couleurs les parties neuves avec les anciennes, mais repousse les propositions qui tendaient à faire adopter la peinture complète de ces bas-reliefs tout en demandant qu’au préalable un travail graphique complet soit dressé, pour conserver les traces des travaux et ainsi distinguer les adjonctions modernes des parties anciennes. Dans le même ordre, par une « Lettre relative à la restauration de l’hôtel de ville de Saint-Quentin » adressée à Arcisse de Caumont en 1851, il dénonce la médiocrité des travaux engagés sur ce monument et réussit à les faire condamner par la Société française d’archéologie. Le 5 juillet 1853, il reçoit le prix Labourt pour son Encyclopédie monumentale de la Picardie, restée à l’état manuscrit. Membre de plusieurs Sociétés archéologiques, dont la Société académique de l’Oise, la Société des antiquaires de la Morinie et de la Société des antiquaires de Normandie, il participe plus particulièrement aux activités de la Société des antiquaires de Picardie. Il y rend compte des découvertes archéologiques de Guérinville, de Verneuil, au lieu-dit de Tremblaye, et de Champlieu. Il est, par ailleurs, l’un des membres fondateurs de la Société historique de Compiègne, en août 1868, avant d’en devenir le président, de 1870 jusqu’à sa mort.

Emmanuel Woillez a rédigé plus d’une vingtaine d’articles ou d’ouvrages parmi lesquels plusieurs sont d’intérêt pour l’histoire de l’histoire de l’art, notamment sa Description de la cathédrale de Beauvais (1838), qui s’impose comme la première monographie de qualité d’un monument gothique après celle de Sulpice Boisserée sur la cathédrale de Cologne (1823) et annonce le travail de Ludovic Vitet sur la cathédrale de Noyon (1845). Dans ce volume, Emmanuel Woillez inaugure en effet une démarche méthodique et définit les grands temps de la monographie d’architecture en débutant son étude par une analyse rigoureuse des textes intéressants la construction et ses commanditaires avant de décrire le monument de l’extérieur vers l’intérieur et de l’occident vers l’orient, selon une démarche qui sera retenue par Eugène Lefèvre-Pontalis lorsqu’il s’agira d’imposer des règles strictes à la monographie [Bulletin monumental, 1906, p. 453-482]. Si sa description est encore dépendante d’un vocabulaire imprécis et n’aborde que les grandes articulations du monument, elle ne se limite pas aux seules formes, mais traite également de la structure par un long développement sur « les barres de fer » qui étrésillonnent les arcs-boutants ainsi que sur l’emploi abondant du plomb comme liant. Ces descriptions sont accompagnées, fait nouveau et riche d’avenir, par des planches en fin d’ouvrage qui s’imposent par leur qualité. La même année 1838, il produit une notice « historique et descriptive » sur la Basse-Œuvre de la cathédrale. Elle lui permet de rejeter définitivement les datations antérieures au Ve siècle et déploie son argumentaire, à la faveur d’illustration dans le texte, favorisant un dialogue constant entre l’image et la démonstration. Dès 1849-1850, il propose une vision élargie de l’architecture médiévale à un contexte régional, en estimant que : « L’histoire de l’architecture religieuse, en France, ne sera complète, que lorsque chaque province aura été explorée isolément, en subordonnant aux faits historiques les différentes phases des styles ou des caractères architectoniques. » Aussi s’interroge-t-il « sur les causes auxquelles on doit attribuer le grand nombre de monuments religieux, élevés du XIIe au XVe siècle, dans les provinces situées au nord de la Loire ; comparativement au petit nombre de ces monuments, construits pendant la même période, dans les provinces au sud de ce fleuve ». Tout en insistant sur la nécessaire réhabilitation de l’architecture gothique du XIIe siècle, alors encore relativement méconnue, il répond à cette question en attribuant cette réalité aux encouragements que l’architecture reçut, dès l’origine de la monarchie, en Normandie, en Picardie, en Ile-de-France et dans l’Orléanais ; aux ressources dont le clergé pouvait disposer ; à la participation qu’il prit aux travaux et à la direction qu’il imprima aux œuvres architectoniques. Au-delà des formes, il compare les voûtements, les types d’appareil, les portails dans leur structure, les supports dans leur mise en œuvre. Il passe ainsi, parmi d’autres critères, ces derniers en revue dans chaque région de la France offrant un panorama complet et extraordinairement érudit, citant les voyages de Prosper Mérimée et faisant des références à Viollet-le-Duc, tout en déployant un appareil critique rigoureux. Il s’autorise ainsi la première analyse synthétique du paysage architectural religieux médiéval français.

Plusieurs études et recherches d’Emmanuel Woillez, encore à l’état de manuscrit ou perdues, sont à mentionner, notamment son « Mémoires archéologique, descriptif et historique sur les principales constructions civiles des arrondissements de Compiègne et de Senlis (Noyonnais et partie du Valois) et sur les anciens édifices importants dont il reste des vestiges des temps reculés jusqu’à la fin du XVIIe siècle ». Ce travail fut déposé et favorablement reçu le 14 juin 1853 à la Société des antiquaires de Picardie. C’est néanmoins à son Encyclopédie monumentale de Picardie qu’il dut le prix Labourt la même année. Dans ce travail, inachevé, il rassembla des plans et des dessins concernant l’histoire, l’architecture et les arts de l’ancienne Picardie, comprenant cinquante-trois pièces classées sous les rubriques suivantes : 1. Géographie historique, 2. Archéologie militaire, 3. Archéologie civile, 4. Archéologie religieuse, 5. Épigraphie monumentale, 6. Antiquités celtiques et romaines, 7. Meubles, ustensiles, etc. Parmi les monuments les plus importants figurent ceux du département de l’Oise, comme la cathédrale et l’église de Saint-Étienne de Beauvais, l’église de Saint-Germer-de-Fly, les ruines de Pierrefonds, les châteaux de Compiègne et de Chantilly, les cathédrales de Noyon et de Senlis, les restes de l’abbaye d’Ourscamp. Dans la première division, relative à la géographie historique, se trouve, sous le n° 9, la Carte monumentale et historique du département de l’Oise résumant, pour chaque localité, à l’aide de signes spéciaux et d’une légende synoptique, tous les faits historiques et l’indication des monuments antiques et modernes qui la concernent. Aussi trouve-t-on sur cette carte, indépendamment des étymologies, des limites politiques anciennes et modernes et des circonscriptions religieuses, un précis de tous les événements mémorables religieux, civils et militaires, scientifiques et littéraires intéressant les diverses localités, ainsi que la liste des personnages célèbres qu’elles ont produits.

On comprend ainsi qu’Emmanuel Woillez fut le plus qualifié pour réaliser le Répertoire archéologique de la Picardie. Ce volume est précédé d’une bibliographie exhaustive des articles et ouvrages sur les monuments de la région. Il traite des arrondissements de Beauvais, Clermont, Compiègne, Senlis. Chaque ville et village fait l’objet d’une notice rassemblant toutes les données historiques, archéologiques et architecturales connues. Ce travail, certainement le plus abouti d’Emmanuel Woillez, outre le fait qu’il reste un ouvrage scientifique de premier ordre, en ce qu’il a favorisé la mémoire de données aujourd’hui détruites, annonce également les grandes entreprises du même genre menées quelques décennies plus tard dans les régions voisines.

Arnaud Timbert, maître de conférences en histoire de l’art du Moyen Âge, université Charles-de-Gaulle-Lille 3, IRHIS-UMR 8529

Principales publications

Ouvrages et catalogues d’expositions

  • Description de la cathédrale de Beauvais accompagnée du plan, des vues et des détails remarquables du monument et précédée d’un résumé des principaux événements qui s’y rattachent. Paris : Derache, 1838.
  • Épigraphie des monuments du Nord de la France depuis l’époque gallo-romaine jusqu’à la fin du XVe siècle, 1845.
  • Essai sur la vie et sur les ouvrages de l’abbé Dubos de Beauvais, 1849.
  • Carte monumentale et historique du département de l’Oise, 1852.
  • Dictionnaire topographique du département de l’Oise, 1861-1862, 2 vol.
  • Répertoire archéologique du département de l’Oise, rédigé sous les auspices de la Société académique d’archéologie, sciences et arts de ce département. Paris : impr. Impériale, 1862 (« Répertoire archéologique de France »).

Articles

  • « Notices sur les fonts baptismaux de Saint-Venant ». Mémoires de la Société des antiquaires de la Morinie, 1836, t. III, p. 13-16.
  • « Notice historique et descriptive de Notre-Dame de la Basse-Œuvre ». Mémoires de la Société d’archéologie du département de la Somme, 1838, t. I, p. 227-236.
  • « Rapport sur les travaux du comité de Compiègne ». Mémoires de la Société archéologique du département de la Somme, 1841, t. IV, p. 13-16.
  • « Études archéologiques sur les monuments religieux de la Picardie ». Mémoires de la Société des antiquaires de Picardie, 1843, t. VI, p. 13-16.
  • « Atlas archéologique de la Picardie ». Société des antiquaires de Picardie, 1843, t. IV, n. p.
  • « Mémoires sur les causes auxquelles on doit attribuer le grand nombre de monuments religieux, élevés du XIIe au XVe siècle, dans les provinces situées au nord de la Loire ; comparativement au petit nombre de ces monuments, construits pendant la même période, dans les provinces au sud de ce fleuve ». Mémoires de la Société des antiquaires de la Morinie, 1849-1850, t. VIII, p. 3-177.
  • « Mémoires archéologiques, descriptif et historique sur les principales constructions civiles des arrondissements de Compiègne et de Senlis (Noyonnais et partie du Valois) et sur les anciens édifices importants dont il reste des vestiges des temps reculés jusqu’à la fin du XVIIe siècle ». Bulletin de la Société des antiquaires de Picardie, 1853, t. V, p. 41-48.
  • « Album ou Atlas monumental de la Picardie ». Bulletin de la Société des antiquaires de Picardie, 1856, t. VI, p. 12.
  • « Notes sur des sépultures gauloises découvertes près de Verneuil (Oise), au lieudit Le Tremblaye ». Bulletin de la Société historique de Compiègne, t. I, 1870, p.60-70.
  • « Notice sur l’inscription de la grosse cloche du beffroi de l’hôtel de ville de Compiègne ». Revue des Sociétés savantes des départements, 5e série, 1871, t. II, p. 13-16.
  • « Lettre relative à la restauration de l’hôtel de ville de Saint-Quentin ». Congrès archéologique de France, 1851, p. 49-52.

Bibliographie critique sélective

  • Marsy A. (de) [Alexandre-Charles-Arthur, comte]. – « Notice sur M. Emmanuel Woillez, président de la Société ». Bulletin de la Société historique de Compiègne, t. I, 1869-1872, p. 239-244.
  • [Anonyme]. – « Mort de M. Emmanuel Woillez ». Bulletin monumental, 1872, p. 434-435.
  • Bonnet-Laborderie Philippe. – « Emmanuel Woillez, fonctionnaire des contributions indirectes, archéologue et président de la Société historique de Compiègne ». In L’Art roman dans l’Oise et ses environs : actes du colloque de Beauvais, 78 octobre 1995. Beauvais : Gemob, 1997, p. 16-31.

Sources identifiées

Beauvais, archives de la Société académique de l’Oise

  • [Sans cote] : planches destinées à un Atlas des antiquités celtiques, gallo-romaines et romanes et des monuments du Moyen Âge inédits ou peu connus du département de l’Oise pour faire suite au répertoire, 1867, ms
  • [Sans cote] : Études sur les Monuments de Champlieu, notes documents, dissertations, manuscrit inachevé commencé en 1850, avec calques, dessins originaux et reprises de dessins d’Antoine Marneuf, architecte, et de Thiollet, 1867, ms

Compiègne, musée Vivenel

  • [Sans cote] : 140 planches regroupées sous le titre : Suite de l’Atlas des antiquités celtiques, gallo-romaines et des monuments du Moyen Âge du département de l’Oise, t. II, 1870

Compiègne, archives de la Société historique de Compiègne, registre de correspondance

  • Lettre du 24 novembre 1868 d’Emmanuel Woillez à M. le comte Alexandre de Marsy, secrétaire perpétuel de la Société historique de Compiègne
  • Lettre du 22 janvier 1870 d’Emmanuel Woillez à M. le comte Alexandre de Marsy, secrétaire perpétuel de la Société historique de Compiègne