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Du fragment
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Tout fragment d’œuvre est émouvant en lui-même en ce qu’il témoigne d’une unité disparue, à laquelle il permet de rêver, tout en invitant à méditer sur le passage du temps. Un torse, une main, un pied, prennent ainsi, séparés, un sens qu’ils n’avaient sans doute pas quand ils n’étaient qu’une partie d’une œuvre complète. Aussi bien un fragment n’est-il pas seulement le résultat d’une destruction ou d’une mutilation : comme l’observe ici Pierre Pachet dans Du bon usage des fragments grecs, il pose la question de la survivance et de l’interprétation des œuvres d’art à travers le temps. De cette question, Auguste Rodin s’est sans doute avisé en découvrant les ressources expressives du fragment. Dans Étreindre sans bras et tenir sans mains. Rodin et la figure partielle, Antoinette Le Normand-Romain cherche à comprendre la volonté du sculpteur de laisser inachevées certaines de ses œuvres, conçues dès lors comme des fragments. En quoi celles-ci peuvent-elles cependant être perçues comme des œuvres à part entière ? Rilke avait noté à leur propos : « Il ne leur manque rien de nécessaire. On est devant elles comme devant un tout achevé et qui n’admet aucun complément. »