Informations sur l’INHA, ses actualités, les domaines et programmes de recherche, l’offre de services et les publications de l’INHA.
La Plume 1889-1899. Une revue « Pour l’art »
Au cours des deux dernières décennies du XIXe siècle, l’une des plus importantes mutations que connaît la vie artistique en France est la perte d’influence des institutions artistiques officielles, et notamment du Salon, ce qui entraîne la multiplication d’initiatives indépendantes (galeries, nouveaux salons, revues…) qui vont assurer une large diffusion aux multiples tendances artistiques voyant le jour à l’époque. Le rôle joué alors par la presse est particulièrement important. Nombreuses sont, en effet, les « petites revues » – comme on les appelle à l’époque – qui ouvrent leur colonnes aux jeunes artistes inconnus du grand public. Si la Revue Blanche des frères Natanson est l’une des plus célèbres, on a parfois tendance à oublier que plusieurs autres partagèrent à peu près les mêmes préoccupations : Le Mercure de France, L’Ermitage, La Critique, La Revue des Arts décoratifs…– toutes se proclamant plus ou moins d’avant-garde. L’une d’entre elles occupe une place remarquable à plusieurs égards et demeure mal connue : La Plume.
Créée par Léon Deschamps en 1889, La Plume accorde aux arts visuels une place prépondérante dès ses premiers numéros. Publiant régulièrement des illustrations, des articles critiques, des comptes rendus d’expositions et des études sur les arts, elle devient progressivement un véritable organe de diffusion et de promotion des avant-gardes. À la différence des frères Natanson qui privilégient les nabis, Deschamps ne se soucie guère des écoles, de sorte qu’il est impossible de définir précisément quelle fut l’esthétique défendue par La Plume dans les années 1890. Fidèle à la ligne de conduite énoncée lors de sa création, la revue revendique un éclectisme qui assure avant tout la défense et la promotion de jeunes artistes issus d’horizons divers.
Les nombreux numéros spéciaux consacrés à des artistes ou à des courants artistiques peu connus à l’époque témoignent de cet intérêt – et l’on peut citer Eugène Grasset et Alfons Mucha, dont la notoriété doit beaucoup aux efforts déployés par La Plume. Concrétisation de cet élan en faveur des arts visuels, les expositions du Salon des Cent, organisées de 1894 à 1900, vont également contribuer efficacement à faire connaître plusieurs artistes. Véritable émanation de l’esprit libre et avant-gardiste de La Plume, le Salon des Cent s’inscrit dans la lignée des expositions et salons indépendants, sans jury ni médailles, qui se multiplient à la fin du XIXe siècle. Peintures, estampes, sculptures, dessins… il proposait aux visiteurs, sans aucun parti pris apparent et dans un même espace, les œuvres d’artistes reconnus et de jeunes talents. Il connut très vite un succès qui dépassa le cadre de La Plume et devint un lieu d’exposition très couru.
Passionné par l’art de l’affiche, Deschamps s’adresse à des artistes pour créer l’affiche de chaque Salon des Cent, et c’est à sa demande que Toulouse-Lautrec, Mucha, Jossot et Grasset réalisent quelques-unes de leurs plus belles créations dans ce domaine. La Plume joua d’ailleurs un rôle fondamental dans la reconnaissance de l’affiche illustrée comme forme d’art à part entière, en lui consacrant des numéros spéciaux, des articles et des expositions, et en organisant des ventes pour les collectionneurs.
Une exposition sur La Plume s’imposait donc, avec pour but de faire redécouvrir une revue injustement méconnue aujourd’hui, et de mettre en évidence son originalité et son audace dans la défense des avant-gardes artistiques des années 1890. Elle permettra aussi de montrer quelques belles pièces tirées des riches collections Jacques-Doucet de la bibliothèque de l’INHA, notamment un album de dessins originaux publiés dans La Plume et le remarquable ensemble d’affiches du Salon des Cent qu’elles conservent.