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Une Africaine au Louvre en 1800. La place du modèle
Quelle est cette femme figurant sur le Portrait d’une femme noire réalisée en 1800 par Marie-Guilhemine Benoist (1768-1826) ? Qui se cache derrière cette présence en gloire presque qui s’impose par sa beauté souveraine sur ce tableau pourtant réalisé par une artiste dont l’engagement politique en ferait plutôt une partisane des royalistes esclavagistes, à la différence du républicain Girodet, son prédécesseur qui, avant elle, avait réalisé le portrait de Jean-Baptiste Belley, premier député noir de France ? C’est en opérant un déplacement radical du point de vue et de la méthode qu’Anne Lafont, historienne de l’art spécialisée dans la représentation des Noir.e.s, propose une nouvelle « lecture » de ce tableau. Se détournant des intentions de son auteure, sondant à la fois la généalogie des portraits de personnes de couleur et l’histoire des femmes noires affranchies, mais surtout s’interrogeant sur le processus de fabrication d’un portrait, Anne Lafont échafaude l’hypothèse que l’histoire de cette femme pourrait s’apparenter à celles des signares et ou des Créoles placées, esclaves qui ont conquis leur affranchissement par des jeux d’alliance. Ainsi cette méditation sur l’art du portrait devient-elle elle-même l’écriture d’un portrait.
Historienne de l’art, Anne Lafont a été responsable du domaine Historiographie artistique puis rédactrice en chef de la revue Perspective à l’Institut national d’histoire de l’art. Ses premières recherches ont porté sur l’art des XVIIIe et XIXe siècles et notamment sur l’imagination picturale des nouveaux citoyens, les Noirs, à l’échelle des révolutions atlantiques. Depuis 2017, elle est directrice d’études à l’École des hautes études en sciences sociales. Ses recherches s’orientent désormais vers l’histoire de l’art et les créolités et, d’une manière générale, les arts et les cultures de l’Atlantique noir. Elle a dirigé 1740, un abrégé du monde. Savoirs et collections autour de Dezallier d’Argenville (INHA / Fage, 2012) et, avec Mechthild Fend et Melissa Hyde, Plumes et Pinceaux. Discours de femmes sur l’art en Europe (1750-1850) (INHA / Les Presses du réel, 2012). Elle est l’auteure de L’Art et la Race. L’Africain (tout) contre l’œil des Lumières (Les Presses du réel, 2019).