Auteur(s) de la notice : COURTOIS Stéphanie (de)

Profession ou activité principale

Architecte paysagiste

Autres activités
Botaniste, auteur horticole et théoricien

Sujets d’étude
Art des jardins, histoire des jardins, horticulture, flores étrangères et indigènes, urbanisme

Carrière
1860 : embauché au Service des promenades et plantations de la Ville de Paris pour diriger le Fleuriste de la Muette
1863 : dirige les plantations du parc des Buttes-Chaumont, créé à Paris par Jean-Pierre Barillet-Deschamps
1868 : remporte le concours pour le parc de Sefton à Liverpool et se lance comme architecte paysagiste indépendant
1870-1882 : rédacteur en chef de la revue belge L’Illustration horticole
1879 : publie un traité, L’Art des jardins. Traité général de la composition des parcs et jardins
1882-1906 : devient rédacteur en chef de la Revue horticole ; publie à ce titre de nombreux articles et rédige des chroniques
1892 : s’associe à son fils René-Édouard André ; est élu à la Société nationale d’agriculture de France
1892-1905 : nommé professeur d’architecture des jardins et des serres à l’École nationale d’horticulture de Versailles
28 octobre 1905 : cesse son activité après avoir été frappé d’une attaque

1889 : chevalier de la Légion d’honneur
1903 : officier de la Légion d’honneur ; nombreuses décorations étrangères

Étude critique

C’est comme architecte paysagiste, botaniste et théoricien qu’Édouard André est aujourd’hui connu, mais son apport théorique sur l’histoire des jardins et plus encore la façon dont sa pratique a été enrichie par sa réflexion sur l’histoire permettent de le compter également parmi les historiens de l’art. Édouard André a créé plus de deux cents parcs et jardins dans toute la France, en Europe et même en Amérique du Sud. Son traité théorique, Traité général de la composition des parcs et jardins, paru en 1879 après près de vingt ans de maturation, a été largement répandu et a contribué à former de nombreuses générations de paysagistes, autant que de propriétaires et amateurs. Formé à Paris auprès d’Adolphe Alphand, Édouard André a participé au profond renouvellement des jardins et de l’horticulture qu’a connu la France entre 1860 et 1900, et a été à l’origine d’un nouveau style de jardins, le style mixte, qui sera largement adopté en France comme à l’étranger où la France jouit d’un grand prestige en matière de création de jardins. Il est donc intéressant d’étudier son rapport à l’histoire et la place de celle-ci dans sa pratique de paysagiste, comme Monique Mosser a pu le faire dans un important article.

André n’a jamais pensé faire œuvre d’historien en tant que tel et tient à se démarquer d’autres réflexions sur l’art des jardins, comme Les Jardins paru en 1867, qu’il décrit ainsi : « histoire illustrée des jardins, œuvre littéraire due à la plume élégante de M. Mangin » (L’Art des jardins. Traité général de la composition des parcs et jardins, 1879, p. V). Son propre objectif est d’offrir un « traité didactique de la composition des jardins », mais la connaissance de l’histoire lui semble si essentielle qu’il ne réserve pas moins d’un quart de son volumineux traité à un « Essai historique » (L’Art des jardins. Traité général de la composition des parcs et jardins, 1879, p. V). De même, lorsque, après 1892, il enseigne l’art des jardins à l’École d’horticulture de Versailles, il fonde son cours sur la connaissance des grands modèles de jardins anciens, s’appuyant notamment sur une série de plans de jardins historiques comme le jardin de Pline ou celui d’Ermenonville. Selon lui, un paysagiste ne peut satisfaire la commande d’un nouvel espace sans connaître les grandes réalisations et les techniques de ses prédécesseurs. Il s’agit d’offrir comme une bibliothèque idéale qui permettrait de choisir un style, autant que d’inviter les paysagistes à réfléchir sur leur propre pratique ; les temps anciens représentent à la fois un modèle – les jardins de Le Nôtre en premier lieu – et un repoussoir, lorsqu’il s’agit par exemple de parler de la période précédant immédiatement son temps, décrite comme une période de transition, avec un « style de la plus libre fantaisie et le goût le plus discutable » (L’Art des jardins. Traité général de la composition des parcs et jardins, 1879, p. 86). André souligne combien la période dans laquelle il vit offre une « voie toute nouvelle à l’art et la science des jardins », avec tous les progrès accomplis et la circulation des idées, des plantes et des hommes, plaçant de facto les concepteurs devant leurs responsabilités.

En même temps, ancrer la pratique paysagère dans une perspective historique et artistique est, à un moment où le métier d’architecte paysagiste se développe en France, une façon pour André d’affirmer son positionnement spécifique, entre ingénieur, horticulteur et artiste. Sa propre connaissance de l’histoire des jardins résulte d’une longue fréquentation des ouvrages théoriques anciens français ou étrangers, qu’il cite régulièrement, comme Pline, Mollet, Androuet du Cerceau, Girardin, Thouin ou encore, parmi les auteurs anglais avec qui il est très familier, Pope, Price… Il a également lu les auteurs qui, avant lui, s’étaient essayés à brosser une histoire des jardins : Arthur Mangin, déjà cité, mais aussi Adolphe Alphand qui réserve dans son ouvrage paru en 1868, Les Monuments de Paris, une partie à l’histoire des jardins. Parmi les auteurs étrangers, il cite l’Anglais John Claudius Loudon et son importante Encyclopedia of Gardening parue en 1822 et traduite en 1830 en français, ou encore l’auteur allemand Gustav Meyer qui a publié un traité, Theorie der Gartenkunst, auquel il emprunte plusieurs gravures… Il faut cependant indiquer qu’André est très bref dans son essai historique, brossant une histoire par touches, sans longs développements mais en citant et datant les principaux acteurs et parcs ; il n’accorde pas non plus une très grande place à l’illustration. Il s’agit probablement pour lui de se démarquer de ses prédécesseurs français qui ne sont pas paysagistes et de souligner que l’expérience pratique domine à ses yeux. Il fait donc des commentaires plus longs sur les jardins historiques qu’il a lui-même visités, puisqu’il a très tôt voyagé dans toute l’Europe pour élargir son expérience et ouvrir « le champ de ses vues artistiques » (L’Art des jardins. Traité général de la composition des parcs et jardins, 1879, p. VI). C’est sa force que d’avoir visité de très nombreux pays et lieux, d’avoir pu ajouter aux traditionnels chapitres sur les jardins romains des éléments sur les jardins danois ou polonais. Ce sont donc, à défaut d’analyses historiques élaborées à partir d’archives inédites, des considérations avec une visée opératoire. Il revendique cette approche comme la plus utile à son propos : « Je trouve qu’on a trop souvent traité l’histoire des jardins du point de vue poétique, pittoresque, anecdotique et trop rarement du point de vue technique et descriptif. Dans un ouvrage comme celui-ci, il faut accorder plus de place aux faits qu’aux hommes, à l’œuvre qu’à l’ouvrier » (L’Art des jardins. Traité général de la composition des parcs et jardins, 1879, p. 38). C’est pourquoi il rajoute à la fin du traité, probablement peu de temps avant de le faire paraître, un appendice avec les principaux parcs étrangers « anciens et actuels ».

L’intérêt pour l’histoire des jardins a été croissant tout au long du XIXe siècle et doit se lire en parallèle avec le développement de la conscience du patrimoine. André cite d’ailleurs longuement Ludovic Vitet, qui œuvrera pour le service des Monuments historiques, et qui invite à accorder le jardin au style de l’habitation (L’Art des jardins. Traité général de la composition des parcs et jardins, 1879, p. 152). Un des sujets qui se présentent de plus en plus souvent à la fin du XIXe siècle est en effet la restauration de jardins anciens, à laquelle André réserve un paragraphe dans sa liste des différents styles de jardins, ajoutant « qu’il n’est pas de talent trop grand pour l’envisager dans son ensemble et dans ses détails » (L’Art des jardins. Traité général de la composition des parcs et jardins, 1879, p. 198). Il a eu plusieurs occasions d’intervenir dans des parcs historiques, comme en 1886 à Weldam (Pays-Bas), où il s’est livré à une réinvention de parterres de broderie hollandais en partant des modèles de parterres du XVIIe siècle, tout en créant des perspectives paysagères dans les parties éloignées. Lorsqu’un paysagiste est appelé dans une propriété, il lui faut en effet avoir « le secret de discerner le style qui doit encadrer les habitations si elles ne procèdent pas nettement d’une époque déterminée », d’où la nécessité de bien connaître le répertoire ancien.

Il n’est pas fortuit que le XIXe siècle voie en même temps le développement de l’intérêt pour l’histoire des jardins et une réflexion grandissante sur ce qu’est le style national, en France comme dans d’autres pays. Brent Elliott a montré que le rôle assigné à l’histoire avait évolué au cours du siècle : s’il s’agissait auparavant de prouver la supériorité du style en vigueur par rapport aux styles passés, la connaissance des sociétés et des jardins créés permet de dépasser la dualité « bon goût/mauvais goût » et amène progressivement à « une certaine relativité des styles qui, chacun à leur manière, répondent à des circonstances exceptionnelles » (Brent Elliot, Victorian gardens, Londres, 1986, p. 54). C’est ce style mixte ou composite qu’a imaginé Édouard André et qui, selon lui, représente l’avenir de l’art des jardins : les abords des palais seront traités dans le style géométrique qui passera graduellement à un style naturel en s’éloignant de la demeure. Si de nombreux essais lui paraissent peu probants, notamment en Angleterre, il invite à trouver le génie propre de la France pour réinventer un art qui ne soit pas un simple mariage de deux styles hétéroclites.

L’histoire est donc le socle de la pratique du paysagiste ; André se fait historien de l’art pour fonder sa théorie sur les jardins modernes, écrivant sans doute au fur et à mesure de ses lectures, de manière un peu hétéroclite, tour à tour détaillée ou brève, lyrique ou factuelle. Il mêle les considérations historiques et les remarques trahissant les débats de ses contemporains, ou reprend parfois des éléments incertains mais qui servent son propos, comme la prétendue invention du jardin paysager par le Français Dufresny plutôt que par les Anglais… La preuve de cette intime imbrication entre histoire et théorie est la structure de l’essai historique, qui comprend aussi bien les trois chapitres proprement historiques que des parties sur l’esthétique ou sur les principes généraux de la composition des jardins. Il se termine par un bref tableau des différents types de jardins, qui montre la diversité des réponses qu’un paysagiste doit pouvoir apporter aux commandes qui lui sont adressées, en connaissant les réalisations de ses prédécesseurs, mais avec la volonté de faire progresser son art, « cette aimable manifestation de l’esprit humain ».

Stéphanie de Courtois, historienne de l’art

Principales publications

Ouvrages et catalogues d’expositions

  • Le Bon Jardinier. Nouvelle encyclopédie horticole. Éd. revue par Édouard André. Paris : Librairie agricole de la Maison rustique, 1862.
  • Les Plantes de terre de bruyère : description, histoire et culture des rhododendrons, azalées, camélias, bruyères, épacris, etc. et des principaux genres d’arbres, arbustes, arbrisseaux et plantes vivaces de plein air ou de serre que l’on cultive en terre de bruyère. Paris : Librairie agricole de la Maison rustique, 1864.
  • Les Plantes à feuillage ornemental : description, histoire, culture et distribution des plantes à belles feuilles. Paris : Jules Rothschild, 1866.
  • Un mois en Russie : notes de voyage d’un membre du jury à l’Exposition internationale d’horticulture de Saint-Pétersbourg. Paris : Victor Masson et fils, 1870.
  • L’Art des jardins. Traité général de la composition des parcs et jardins. Ouvrage accompagné de 11 planches en chromolithographie et de 520 fig. dans le texte. Paris : G. Masson, 1879 ; 2e éd. Marseille : Jeanne Laffitte, 1983.
  • Bromeliaceae Andreanae. Description et histoire des broméliacées récoltées dans la Colombie, l’Ecuador et le Venezuela, par Éd. André, rédacteur en chef de la Revue, ancien voyageur botanique du Gouvernement français en Amérique du Sud. Paris : Librairie agricole de la Maison rustique ; G. Masson, s. d. [1889].
  • Le Potager de Versailles. L’École nationale d’horticulture. Paris : Librairie horticole de la Maison rustique, 1890.

Collaboration d’ouvrage

  • Rivière Auguste, André Édouard et Roze Ernest, dir. – Les Fougères : choix des espèces les plus remarquables pour la décoration des serres, parcs, jardins et salons, précédé de leur histoire botanique et horticole. Paris : Jules Rothschild, 1867.

Articles

  • « L’Art des jardins en France ». Le Correspondant, 25 juillet 1866.
  • « Histoire et développement de l’art des jardins ». In International Botanical Congress et Armand Thielens, Rapport sur l’exposition internationale d’horticulture de Londres. S. l. : s. n., 1866, p. 78-96.
  • « Les Jardins de Paris ». In About Edmond, André Édouard, Aubryet Xavier, et al., Paris – Guide par les principaux écrivains et artistes de la France. 2e éd. Paris : Librairie internationale, 1867, t. II. « La Vie », p. 1204-1216. Rééd. Paris : Maspero, 1983, préf. et choix de textes de Corinne Verdet, p. 58-70.
  • « L’Amérique équinoxiale (Colombie – Équateur – Pérou) par M. Édouard André, voyageur chargé d’une mission du Gouvernement français. 1875-1876. Texte et dessins inédits ». In Charton Édouard, Le Tour du monde, nouveau journal des voyages. Paris : Hachette, 1877-1883, t. XXXIII à XLVI.
  • « Rapport sur l’art des jardins de M. Ernouf, avec le concours de M. Alphand, 3e édition ». Journal de la Société impériale et centrale d’horticulture de France, 1886, p. 324-328.
  • « Château du Lude et ses parterres ». Revue horticole, 1888, p. 486-492.
  • « Exemples d’ornementation. Plans de jardins et parcs paysagers ». In Vilmorin-Andrieux, Les Fleurs de pleine terre, comprenant la description et la culture des fleurs annuelles, vivaces et bulbeuses de pleine terre, suivies de classements divers indiquant l’emploi de ces plantes et l’époque de leur floraison, de plans de jardins. Paris : Vilmorin-Andrieux et Cie, 1863 ; 4e éd. Paris : Vilmorin-Andrieux et Cie, 1894, p. 1207-1228.
  • « Art des jardins : coup d’œil sur l’art moderne ». Revue horticole, 1900, p. 656-658.

Bibliographie critique sélective

  • Joly Victor-Charles. – « Rapport sur L’Art des jardins. Traité général de la composition des parcs et jardins par M. Édouard André ». Journal de la Société impériale et centrale d’horticulture de France, mai 1879, 3e série, t. I, p. 328-335 ; tiré à part : Paris : imprimerie Donnaud, s. d.
  • Maumené Albert. – « L’Évolution du jardin paysager du XVIIIe au XXe siècles ». La Vie à la campagne : travaux, produits, plaisirs, 15 mars 1911, 6e année, n° 54.
  • Bois Désiré. – « Décès, biographie et obsèques d’Édouard André ». Revue horticole, 1911, p. 485-493.
  • Padilla Victoria. – « Édouard François André : Explorer, Botanist, Gardener, City Planner and Landscape Designer ». Pacific Horticulture, 1984, n° 45 (3), p. 3-7.
  • Hopper-Boom Florence. – « Formally Enclosed by Water. The Gardens of Weldam Castle, Overijseel ». Country Life, 1990.
  • Andersen Phyllis. – « “Mon cher ami” : The Letters of Édouard André to Charles Sprague Sargent ». Arnoldia, 3e trimestre 1994, vol. 54, n° 2, p. 11-19.
  • André Florence. – « Édouard André ». Hommes et plantes, 1995, n° 9, p. 17-19.
  • Durnerin Alain. – « L’École nationale d’horticulture de Versailles et l’architecture des jardins au siècle dernier ». Bulletin de la Société des amis de la région de Rambouillet et de sa forêt, mars 1999, n° 13.
  • Mosser Monique. – « Jardins “fin de siècle” en France : historicisme, symbolisme et modernité ». Revue de l’art, 2000-3, n° 129, p. 41-60.
  • André Florence, Courtois Stéphanie (de), dir. – Édouard André (1840-1911), un paysagiste botaniste sur les chemins du monde. Besançon : Éditions de l’Imprimeur, 2001.
  • Mosser Monique. – « Cette aimable manifestation de l’esprit humain. Édouard André et l’histoire des jardins ». In André Florence et Courtois Stéphanie (de), dir., Édouard André (1840-1911), un paysagiste botaniste sur les chemins du monde. Besançon : Éditions de l’Imprimeur, 2001, p. 13-41.
  • Levêque Isabelle, Sichet Frédéric. – « Le Parc des Buttes-Chaumont, théâtre de la mémoire des ingénieurs du Second Empire ». Jardins de France, Revue de la Société nationale d’horticulture de France, octobre 2002, n° 8, p. 6-11.

Sources identifiées

Versailles, École nationale supérieure du paysage de Versailles

  • plans et dessins

En complément : Voir la notice dans AGORHA