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BAUCHAL, Charles
Mis à jour le 17 décembre 2008
(1 janvier 1814 – octobre 1888, Paris)
Auteur(s) de la notice : HAMON Françoise
Profession ou activité principale
Employé à la Caisse des dépôts et consignations
Autres activités
Historien amateur, membre de la Société de l’histoire de Paris
Sujets d’étude
Biographies d’architectes français
Carrière
1841 : entre comme employé à la Caisse des dépôts et consignations
1861 : sous-chef de bureau à la Caisse des dépôts et consignations
1868 : chef de bureau à la Caisse des dépôts et consignations
1874 : chevalier de la Légion d’honneur
Étude critique
Joseph Charles Bauchal occupe une place particulière dans l’historiographie de l’architecture française : il est l’auteur d’un ouvrage de référence extrêmement utilisé depuis plus de cent vingt années par les historiens, mais reste totalement méconnu en tant qu’historien. Les informations sur sa personnalité sont plus que maigres, quasi inexistantes. Le dossier de décoration de la Légion d’honneur qui lui a été décernée en 1874 « sur proposition du ministre de la Guerre » est vide, hors trois lignes signalant ses nominations successives à des postes administratifs à la Caisse des dépôts et consignations, institution qui accueillait des personnalités honorablement recommandées. Ses publications, postérieures à sa décoration, ne sont évidemment pas mentionnées dans le dossier. Étant donné son âge, sa décoration de 1874 ne peut avoir été obtenue sur les champs de bataille de la guerre prussienne. Le mystère reste ainsi complet sur cette personnalité laborieuse et discrète. Il faut donc se reporter à ses travaux et publications pour reconstituer cette figure typique de l’érudition du XIXe siècle, imaginer un gestionnaire disposant de temps libre pour hanter les bibliothèques, pour dépouiller et exploiter les publications de son temps, exhumer des archives et profitant de sa retraite, pour participer discrètement aux activités de la société savante parisienne ; enfin, pour publier tardivement son fichier biographique des architectes français.
Dans les deux opuscules de 1882 Notre-Dame et ses premiers architectes et Le Louvre et les Tuileries, ses premières publications, Bauchal soumet son travail à l’avis des lecteurs. La notice consacrée à Notre-Dame de Paris précise : « Ces notices sont extraites d’un travail plus important, afin de soumettre immédiatement au jugement du public les faits nouveaux qui y sont mis en lumière, ainsi que les conséquences qui en ont été déduites par l’auteur. » En tête de la monographie relative au Louvre et aux Tuileries, l’avis au lecteur va plus loin encore : « Certaines parties du Louvre étant selon moi attribuées à tort à des architectes qui n’ont pu contribuer à leur construction ou qui ont dû y participer seulement comme entrepreneurs, je me suis décidé à publier ces pages extraites d’un ouvrage plus important afin de livrer plus tôt à la discussion les raisons sur lesquelles j’appuie mon opinion. » L’historien amateur prend la précaution de présenter son travail de mise au point et de le soumettre au débat ; il semble que le débat n’ait pas eu lieu et ces opuscules n’ont eu aucun écho. Il s’agissait en fait de compilation ou plutôt de recoupement avec des publications érudites récentes ou anciennes.
Le Nouveau Dictionnaire publié en 1887 et si constamment utilisé depuis son impression (il reste introuvable dans le commerce du livre d’occasion) reprend les mêmes principes et méthodes. L’auteur s’y présente comme un travailleur modeste, chevalier de la Légion d’honneur et membre de la Société de l’histoire de Paris. De même que le travail sur le Louvre et les Tuileries édités par Morel, principal producteur d’ouvrages sur l’architecture, le Dictionnaire est publié chez un éditeur spécialisé, André Daly, le fils de César Daly, fondateur de la Revue générale de l’architecture et des travaux publics.
Le dictionnaire de Bauchal se divise en deux parties : la première couvre la période « depuis les premiers siècles de la chrétienté jusqu’à la fin du XVIIIe siècle ». La seconde est consacrée aux artistes « décédés ou présumés tels de 1801 à 1885 », date de la mise sous presse du Nouveau Dictionnaire. Cette division reprend celle qu’avait déjà utilisée le prédécesseur de Bauchal, Adolphe Lance, qui avait publié en 1873 les deux volumes du Dictionnaire des architectes français, premier du genre en France. Lance était un constructeur et restaurateur qui avait des principes et des opinions sur ses collègues et dont les notices sur les architectes de son siècle pouvaient être marquées par le parti pris.
Au contraire, le travail méthodique de Bauchal s’écarte de toute prise de position. Bauchal ne se veut pas un critique mais un véritable historien qui enregistre des participations aux chantiers des monuments de la France.
La préface est révélatrice des différents objectifs qu’il poursuit : il s’agit d’abord d’exploiter la masse de nouvelles connaissances que l’érudition et l’archéologie ont fait récemment émerger et il donne de très nombreuses références aux publications des Archives de l’art français. Il fait ainsi passer le nombre des architectes « français » de mille six cents, chiffre que n’atteint pas le dictionnaire de Lance, à cinq mille six cents. Il précise qu’il a consulté les répertoires et dépouillements qui ont été publiés, mais il se plaint de la mauvaise organisation des archives en France, au niveau national comme local, qu’il a eu grand mal à consulter. Chaque notice est suivie d’une bibliographie à jour constituée de revues érudites nationales et provinciales, de publications récentes, mais aussi de biographies universelles. Les descriptions et histoires des villes (Sauval notamment), les guides anciens, les comptes des Bâtiments du roi récemment édités constituent ses sources principales.
La table finale qui donne des noms d’architectes (et de leurs œuvres) par département et par ville présente une dimension statistique relativement neuve, de même l’essai sur les maîtres d’œuvre des rois et de la Ville de Paris.
L’autre objectif que poursuit Bauchal est très révélateur d’un état de l’histoire de l’art : il veut « lutter contre le nationalisme qui attribue aux Français toutes les œuvres importantes en réaction à un italianisme antérieur », cela dans un moment de fort nationalisme qui suit la défaite de 1870. C’est ainsi qu’il ajoute à la cohorte française les artistes de nationalité étrangère qui ont travaillé en France, tels que le Boccador ou pour le XIXe siècle, Hittorf ou Gau. Il prend également en compte les architectes qui ont œuvré dans les zones récemment annexées ou au contraire perdues par la France : Savoie et comté de Nice comme Alsace-Lorraine. Seconde observation : Bauchal choisit d’élargir sa liste du côté des décorateurs et de considérer comme architectes les auteurs de grands mobiliers religieux tel François Anguier, « plus dignes d’être appelés architectes que les constructeurs de marchés ou prisons qui n’ont d’autre mérite que d’être plus ou moins bien appropriés à leur destination ». Son intérêt va aux artistes exerçant des formes d’art multiples : ainsi dans ses notices sur les architectes de Notre-Dame de Paris, il précise que Jean Ravy est « architecte et sculpteur », de même que Lebouteiller. Et dans sa monographie sur le Louvre et les Tuileries, il note méthodiquement que Lescot est architecte et peintre, Jean Goujon architecte et sculpteur, Dupérac architecte, peintre et graveur, Delorme architecte et ingénieur, Palissy céramiste, architecte et hydraulicien, etc. On peut voir là un écho du débat qui se développe alors sur le statut de l’architecture : celui-ci exerce-t-il un art ou une profession ? Doit-il être titulaire d’un diplôme ? On observera également la place importante que Bauchal réserve, pour l’Ancien Régime, aux ingénieurs du roi souvent apparentés ou familialement alliés aux architectes.
Bauchal ajoute à sa préface une indication énigmatique : il donnera, dit-il, « la date des restaurations, importantes pour les républicains ». Le terme pourrait désigner les héritiers de Viollet-le-Duc, mort en 1879 en républicain engagé, élu de la Ville de Paris, et qui s’était entouré d’un cercle de même tendance, qui régnait sur la pratique des restaurations. On ajoutera aussi qu’au cours de l’année 1887 où Bauchal publie son dictionnaire se met en place, non sans mal, la loi de 1887 sur les monuments historiques qui rencontre l’hostilité des royalistes et autres conservateurs, opposés à cette ingérence dans la propriété privée. Peut-être Bauchal considère-t-il que la connaissance des interventions/altérations antérieures, nuisibles à « l’unité de style », permettra aux républicains favorables à la loi de mieux appécier l’authenticité des édifices et de prendre des mesures de protection et de restauration mieux informées.
La lecture des notices met en évidence un autre trait qui est alors fortement marqué de conservatisme politique : l’importance donnée à la transmission familiale et à la notion de dynastie et de continuité dans les charges. Ainsi pour la famille Mansart, pour la famille Gabriel à laquelle Bauchal consacre dix notices ; même chose pour les quatre Beausire, les cinq Biard, les six La Valfenière. On pourrait prolonger longuement la liste. Le débat sur la formation et sur la nécessité d’instaurer un diplôme d’architecte réapparaît ici.
La seconde partie du Nouveau Dictionnaire consacrée aux architectes du XIXe siècle contient des notices volumineuses et généralement bien informées, dont certaines, dit-il, ont été corrigées par les lecteurs ; pourtant l’auteur déplore de n’avoir pu consulter les sources essentielles, les archives du Conseil des bâtiments civils et celles des Monuments historiques déclarées non communicables. Comme Bellier de la Chavignerie dans son dictionnaire, Bauchal exploite donc principalement les présentations au Salon et les concours publics.
Françoise Hamon, Professeur, université Paris IV Sorbonne (histoire du patrimoine)
Principales publications
- Notre-Dame et ses premiers architectes, notices historiques et critiques. Paris : éd. Charanay frères, 1882, 16 p.
- Le Louvre et les Tuileries, précis historique et critique de la construction de ces Palais jusqu’au commencement du XIX siècle. Notices sur les premiers architectes qui ont participé à leur élévation. Paris : Morel, 1882, 78 p.
- Nouveau Dictionnaire biographique et critique des architectes français. Paris : éd. André Daly, 1887.
Articles
- « Documents relatifs à Philibert et Jean Delorme ». Bulletin de la Société de l’histoire de Paris, t. X, 1883, p. 79.
- « Le Boccador, auteur des plans de l’ancien hôtel de ville », Bulletin de la Société de l’histoire de Paris, t. XI, 1884, p. 84-85.
Bibliographie critique sélective
Néant
Sources identifiées
Paris, Archives nationales
- Légion d’honneur, LH 137/53 (9)
En complément : Voir la notice dans AGORHA