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BENOÎT, Camille
Mis à jour le 4 novembre 2008
(8 décembre 1851, Roanne – 1er juillet 1923, Paris)
Autrice de la notice : Blandine Landau, étudiante en histoire de l’art, intervenante pédagogique à l’École du Louvre
Profession ou activité principale
Musicologue, compositeur, conservateur-adjoint de musée
Autres activités
Critique, historien de l’art, membre de la Commission de restauration des peintures des musées nationaux
Sujets d’étude
Wagner, les primitifs français, flamands et hollandais
Carrière
1882-1891 : publie des traductions et analyses d’œuvres de Wagner, notamment de Motifs typiques des Maîtres-Chanteurs de Nuremberg (1888), et une traduction de Faust (1891)
1888 : entre au musée du Louvre comme attaché à la conservation des peintures et des dessins
1889 : son Prélude pour les Noces corinthiennes, poème dramatique inspiré d’Anatole France, est joué pour la première fois
1894 : nommé conservateur adjoint au département des peintures du musée du Louvre
1892-1909 : effectue onze missions à travers l’Europe pour l’administration des Beaux-Arts (catalogage d’œuvres, étude d’achats éventuels)
1899-1904 : parution d’articles dans la Gazette des Beaux-Arts, la Chronique des Beaux-arts, la Revue de l’art ancien et moderne, les Monuments Piot et la Revue de Paris
1904 : fait partie du comité d’organisation de l’exposition sur les primitifs français
Avant 1918 : rédige un catalogue des tableaux de l’école flamande du musée du Louvre, non publié
1918 : devenant aveugle, fait valoir ses droits à la retraite et fait don d’une partie de ses collections au musée du Louvre (don suivi d’autres, au musée de Roanne notamment)
Ordre de la Couronne de Roumanie (1899) ; chevalier de la Légion d’honneur (1922)
Étude critique
Lorsqu’en 1902 Georges Hulin de Loo écrivit son Catalogue critique de l’exposition de tableaux flamands des XIVe, XVe et XVIe siècles tenue à Bruges, peu d’historiens français furent à ses yeux dignes d’être cités ou remerciés pour leurs recherches. Il prit pourtant le soin de mentionner Camille Benoît, notamment pour ses travaux sur Jean Perréal et le Maître de Moulins. À cette date, Benoît avait déjà publié l’essentiel des études qu’il consacra aux primitifs entre la fin du XIXe et le début du XXe siècle, trouvant un aboutissement dans la présentation au public que constitua l’exposition de 1904. Mais cette activité d’historien de l’art n’occupa finalement que les dernières années de sa vie.
Compositeur et critique musical, il fut l’un des principaux élèves de César Franck, dont les plus célèbres furent ses camarades Vincent d’Indy et Ernest Chausson. Son goût pour la musique se manifesta également dans les multiples traductions et publications qu’il mena à bien sur Richard Wagner, participant du culte qui se développa après la mort du compositeur en 1883. Après s’être rendu au premier festival de Bayreuth, sa fascination pour Wagner l’amena à fréquenter les cercles de ses admirateurs, parmi lesquels celui représenté en 1885 par Fantin-Latour dans son tableau Autour du piano (d’ailleurs surnommé « Les Wagnéristes » par le public du Salon). Même en poste au musée du Louvre, il conserva un rôle au sein des milieux musicaux français, à la Société nationale de musique notamment.
Parallèlement, Benoît constitua peu à peu une belle collection de dessins et tableaux, et s’il dut à ses activités musicales sa nomination à l’Académie des beaux-arts, ce fut surtout pour son goût pour la peinture ancienne et grâce à l’amitié d’Henry Roujon qu’il entra au musée du Louvre en 1888 comme attaché à la conservation des peintures et des dessins. Rien ne semblait pourtant l’avoir préparé à cette carrière. À la différence d’un Paul Durrieu, rien dans sa formation (essentiellement musicale et éloignée de l’École des chartes) ou sa situation personnelle (bien modeste comparée à la plupart de ses collègues du Louvre, comme le soulignera son ami Paul Jamot) ne présageait d’un intérêt si vif pour l’étude des œuvres récemment remises en valeur des primitifs français et flamands.
C’est sans doute influencé par ses contacts outre-Rhin (« c’est de l’étranger que les leçons nous sont venues », de Wauters, Bode, Friedländer, de l’exposition de 1902, dira-t-il en 1903) et par ses voyages d’étude (l’administration des Beaux-Arts l’envoie en mission à travers l’Europe dès 1892, notamment pour vérifier l’opportunité d’acquérir des œuvres de « primitifs ») que Camille Benoît met au point dès 1899 un « programme d’études et d’essais » destiné à parfaire la connaissance d’un ensemble de noms et d’œuvres encore confus, surtout dans les milieux français. Esthètes et historiens de l’art y vouent alors depuis plus d’un demi-siècle un intérêt tout particulier aux primitifs italiens, mais l’art français du XVe siècle et a fortiori celui des écoles du Nord restent dans l’ombre, ce que Benoît considère comme une injustice « historique » et « esthétique ». Sa motivation pour changer cet état de fait est claire : « C’est notre strict et impérieux devoir de Français : l’histoire de notre art national, aux époques précitées, se trouve en rapport constant et étroit avec l’art néerlandais. »
C’est ce rapport qui va justifier aussi bien ses études que les acquisitions d’œuvres flamandes faites par le Louvre à cette époque, peu comprises des amateurs. Il va d’ailleurs à plusieurs reprises insister sur la nécessité de détacher les questions scientifiques des jugements de valeurs, du snobisme et du « vandalisme mercantile ». Il ne souhaite pas dans sa démarche bénéficier d’un effet de mode, mais favoriser une étude scientifique, rationnelle et si possible détachée de l’intérêt des collectionneurs. Ses motivations à poursuivre cette étude sont claires : l’émulation générale et la recherche des sources de l’art français (démarche qu’il partage alors avec ses collègues du Comité d’organisation de l’exposition des primitifs français en 1904). Il promeut pour cela deux voies principales : faciliter le contact direct avec des œuvres jusqu’alors ignorées et inciter les chercheurs à se pencher sur les archives anciennes. L’insistance sur la nécessité de rendre ces œuvres visibles s’illustre notamment lors de l’étude qu’il consacre au Retable du Parlement de Paris en 1901, soustrait « à l’admiration, à l’étude des connaisseurs […]. Il est inimaginable qu’on doive se heurter à de telles et si longues résistances, à des refus d’esprit si borné, quand il s’agit d’élucider tant de points de première importance dans l’histoire difficile, et si obscure encore, de l’art national de ce pays ». Car c’est bien ce que cherche à faire Benoît, luttant contre une indifférence qui lui est sans doute rendue plus sensible par comparaison avec l’état de la recherche à l’étranger. C’est peut-être d’ailleurs ce qui l’incite à recommander aux chercheurs de se référer aux inventaires anciens, dont la lecture « souvent ingrate et décevante, réserve parfois au chercheur des dédommagements ».
Concernant sa démarche dans l’établissement des attributions, il la compare à celle d’un Lavoisier séparant les différents éléments de l’air, visant à établir une classification que d’autres pourront préciser par leurs travaux. « Sous des appellations définies, mais non toujours définitives, indirectes encore et provisoires en attendant d’être, ou non, authentiques et généralement admises […], nous embrassons des éléments apparentés de fort près, à coup sûr, mais provenant souvent d’auteurs distincts : rivaux et voisins, maîtres et élèves, imitateurs, copistes, et même plagiaires. Il est fatal qu’il en soit ainsi. À ces synthèses trop larges, de nouvelles analyses succèderont, serrant davantage le problème. Des distillations plus subtiles arriveront à réduire peu à peu à sa quintessence chaque liqueur substantielle extraite du résidu des temps passés. » Cette fascination omniprésente pour les sciences – que l’on retrouve dans son pseudonyme de Balthazar Claës, héros passionné de chimie de la Recherche de l’absolu de Balzac – se manifeste d’ailleurs aussi dans le regard qu’il porte sur le travail des restaurateurs, reconnaissant la valeur d’un travail « de médecin » mené en accord avec le respect des œuvres pour leur sauvegarde (à l’opposé du jugement notamment de Friedländer).
Outre l’organisation de l’exposition sur les primitifs français en 1904, la rédaction du Catalogue des tableaux de l’école flamande et finalement le don en 1918 des œuvres de sa collection au musée du Louvre, ce sont surtout ses articles qui, comme l’écrit Jamot en 1923, « débrouillèrent plusieurs problèmes [et] font encore, sur bien des points, autorité ». Après cinq ans d’études, alors que les écoles flamandes et françaises du XVe siècle ont triomphé à Bruges et Paris, Benoît est parvenu à distinguer progressivement azote et oxygène en se penchant avec attention sur les primitifs français et les écoles septentrionales.
Principales publications
Ouvrages et catalogues d’expositions
- Lettres inédites en France de Richard Wagner. Paris, 1882.
- Richard Wagner. Souvenirs traduits de l’allemand pour la première fois par Camille Benoit. Paris : G. Charpentier, 1884.
- Musiciens poètes et philosophes : aperçus et jugements, précédés de lettres inédites en France et traduits de l’allemand pour la première fois. Paris : G. Charpentier, 1887.
- Les Motifs typiques des Maîtres-Chanteurs de Nuremberg, comédie musicale par Richard Wagner : étude pour servir de guide à travers la partition, précédée d’une notice sur l’œuvre poétique. Paris : Schott, 1888.
- La Grande Messe en si mineur de Jean-Sébastien Bach. Paris : Imprimeries de l’art, 1891.
- Œuvres de J. W. Goethe. Traduction nouvelle par Camille Benoit, préf. par Anatole. France. Paris : Imprimerie A. Lemerre, 1891.
Articles
- « Le Triptyque d’Oultremont et Jan Mostaert ». Gazette des Beaux-Arts, 1899, XXI, 3e période, p. 265-279 et 369-380.
- « Les Écoles de peintures dites primitives dans les Pays-Bas (XVe et XVIe siècles) ». Chronique des arts et de la curiosité, 1899, p. 47-48.
- « Nouveaux Portraits du XVIe siècle au Louvre ». Chronique des arts et de la curiosité, 1899, p. 48.
- « Corneille de Lyon et les portraits des cours royales de France au XVIe siècle ». Chronique des arts et de la curiosité, 1899, p. 56.
- « La Peinture primitive des Pays Bas au Louvre : La Chute des réprouvés attribuée à Jérôme Bosch ». Chronique des arts et de la curiosité, 1899, t. XV, IV, p. 132-133.
- « Le Panneau de la Chute des réprouvés et le Jugement dernier de Bouts ». Chronique des arts et de la curiosité, 1899, p. 143-144.
- « Les Peintres primitifs des Pays-Bas : I. Le Jugement dernier de Louvain ; II. Un Jan van Eyck à Paris au XVIIe siècle ; III. Kolin de Koter et le Maître de Mérode-Flémalle ». Chronique des arts et de la curiosité, 1899, p. 150-152, 152, 160-161.
- « La Peinture française à la fin du XVe siècle ». Gazette des Beaux-Arts, 1901, XXVI, 3e période, p. 89-101, 318-332, 368-380.
- « La Peinture française à la fin du XVe siècle ». Gazette des Beaux-Arts, 1902, XXVII, 3e période, p. 65-76 et 239-251.
- « Un chef d’œuvre de la peinture hollandaise du XVe siècle au musée du Louvre : La résurrection de Lazare par Gérard de Haarlem ». Chronique des arts et de la curiosité, 1902, p. 139-140.
- « Quelques remarques à propos de la peinture primitive en France et en Hollande ». Chronique des arts et de la curiosité, 1902, p. 181.
- « La Résurrection de Lazare par Gérard de Harlem ». Monuments et mémoires (Fondation Eugène Piot), t. IX, 1902, p. 73-94.
- « L’École néerlandaise primitive au Louvre ». Chronique des arts et de la curiosité, 1903, p. 2-3.
- « La Peinture néerlandaise primitive au Louvre et autour du Louvre ». Chronique des arts et de la curiosité, 1903, p. 104-106 et 152-153.
- « Les Primitifs français : la peinture du XVe siècle ». La Revue de Paris, 1er mai 1904, p. 189-214.
Bibliographie critique sélective
- Hulin de Loo Georges. – Catalogue critique de l’exposition de tableaux flamands des XIVe, XVe et XVIe siècles tenue à Bruges en 1902. Gand : A. Siffer, 1902.
- Jamot Paul. – « Camille Benoît ». Gazette des Beaux-Arts, juillet-août 1923, p. 81-88.
- Jamot Paul. – « À propos d’un primitif français prêté par le musée d’Amsterdam au Louvre qui lui envoie en échange un primitif hollandais, quelques considérations sur l’art français et l’art flamand vers le milieu du XVe siècle ». Revue de l’art ancien et moderne, Paris, LII, 1927, p. 155-162.
- Scailliérez Cécile. – « Camille Benoît ». In Les Donateurs du Louvre. Paris, 1989.
- Landau Blandine. – « Un homme, une collection : Camille Benoît (1851-1923) ». Revue du Louvre et des musées de France, décembre 2007, p. 86-93.
Sources identifiées
Paris, Archives départementales
- Table des déclarations de succession
- DQ8 2383, no19 p. 24.
- Déclaration de succession du 5e bureau
- Registre DQ7 30125 (dates extrêmes : 24 janvier – 18 février 1924) et DQ7 30130 (dates extrêmes : 2 juin – 24 juin 1924).
Paris, Archives des conservateurs
- O 30 242. Lettres envoyées par Benoît lors de ses missions à l’étranger pour le compte des musées nationaux, états de service, manuscrit de son Catalogue des tableaux de l’école flamande
Paris, archives des Musées nationaux
- Fonds P8
- Cote 1918- 12 août. Nom du dossier : Camille Benoît. Acceptation du don des œuvres de sa collection par la commission du musée du Louvre.
Paris, Archives nationales
- Dossier de la Légion d’honneur
- Cote L0181003, François Camille Benoît, né le 7 décembre 1851 à Roanne.