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DU SEIGNEUR, Jehan
Mis à jour le 28 janvier 2009
(23 juin 1808, Paris – 6 mars 1866, Paris) Pseudonyme de DUSEIGNEUR, Jean Bernard
Auteur(s) de la notice : PIGEON-MEOT Anne
Profession ou activité principale
Sculpteur
Autres activités
Historien de l’art
Sujets d’étude
Sculpture française, sculpture du Moyen Âge, biographies d’artistes, peintres et sculpteurs du XVIIe au XIXe siècle
Carrière
1830-1833 : reçoit le « Petit Cénacle » dans son atelier rue de Vaugirard, réunion des « Jeunes-France », artistes du mouvement romantique
1831 : fait sa première apparition au Salon avec Roland furieux
1834 : épouse Charlotte Éléonore Biffe ; devient le beau-frère de Paul Lacroix dit le Bibliophile Jacob ; conservateur à la bibliothèque de l’Arsenal, marié à Apolline Biffe
1839 : participe à la fondation de la Société de saint Jean l’évangéliste (future confrérie de saint Jean constituée en 1872, rendue célèbre par Maurice Denis), dirigée par le père Lacordaire : y exerce les fonctions de trésorier
1842 : projette l’ouverture d’une école de sculpture chrétienne
1843-1846 : conçoit et réalise l’ensemble du programme de décoration de l’église Notre-Dame-de-Bonsecours à Rouen
1850 : rédige son premier Essai sur la vie et les ouvrages du sculpteur Antoine Coysevox
1851 : participe à la publication Le Moyen Âge et la Renaissance de Paul Lacroix et Ferdinand Seré en rédigeant le chapitre consacré à la sculpture
1852 : recueille ses « Notes et Observations pour servir de complément au tableau historique de la sculpture française » dans l’Histoire de la sculpture française de Émeric-David
1855-1865 : collabore étroitement à la Revue universelle des arts
1865 : directeur de la Revue universelle des arts
Étude critique
L’activité du sculpteur Jean Bernard Duseigneur, en tant qu’historien de l’art, se situe dans le prolongement des études menées par son illustre prédécesseur, Jean-Baptiste Seroux d’Agincourt, dans son ouvrage Histoire de l’art par les monuments depuis sa décadence au IVe siècle jusqu’à son renouvellement au XVIe siècle, ayant pour but, selon les termes de Quatremère de Quincy, de « jeter un pont sur les abîmes du Moyen Âge ». L’approche de Duseigneur est cependant nouvelle. Contrairement à bon nombre de ses contemporains, qui persistent à considérer le Moyen Âge comme une période néfaste pour l’art, c’est au contraire à la Renaissance que Duseigneur associe la notion de décadence. Il défend ainsi les valeurs romantiques mises en avant par François René de Chateaubriand, dès 1802, dans le Génie du christianisme, et reprises par l’ensemble du mouvement romantique avec à sa tête Victor Hugo dont la Préface de Cromwell est le manifeste. Fortement lié au mouvement romantique dans sa jeunesse, il ouvre, dès 1830, son atelier de la rue de Vaugirard aux réunions du « Petit Cénacle », appelé ainsi en hommage au « Cénacle » romantique de Victor Hugo. Duseigneur y côtoie d’autres jeunes artistes épris de liberté comme Théophile Gautier, Gérard de Nerval, Pétrus Borel, Célestin Nanteuil, Augustus Mac-Keat (de son vrai nom Auguste Maquet), Philothée O’Neddy (de son vrai nom Théophile Dondey), Napoléon Tom, Alphonse Brot, Jules Vabre, Joseph Bouchardy ou Auguste Préault. Duseigneur participe avec ses comparses à la bataille d’Hernani. Son Roland furieux, emblème du romantisme en sculpture, est surnommé par Théophile Thoré-Bürger « la Préface de Cromwell de la sculpture ».
À partir de 1833, les réunions du « Petit Cénacle » cessent dans l’atelier de Duseigneur. Au contact du philosophe néo-catholique, Philippe Joseph Benjamin Buchez, Duseigneur affirme son goût pour le XIIIe siècle, époque privilégiée où règne selon lui le modèle le plus sûr de l’expression et de la diffusion de la foi par la sculpture. L’ensemble de son activité se tourne alors principalement vers le mouvement chrétien. La Société de saint Jean l’évangéliste à laquelle il collabore, est ouverte exclusivement aux artistes de profession de foi catholique. Elle se veut active dans le renouveau du mouvement chrétien. L’art est alors vecteur de l’idée même de spiritualité, avec désintéressement de la part des artistes et pour la seule gloire de Dieu. Son projet de création d’une école de sculpture chrétienne participe de la même idéologie. Il est salué dans un article de L’Univers par Louis Veuillot, qui, en accord avec le comte de Montalembert, voit dans l’entreprise de Duseigneur un moyen d’action supplémentaire pour dynamiser le mouvement chrétien en pleine reconstruction. Associé à l’architecte Victor Gay, lui-même sociétaire de la Société de saint Jean l’évangéliste en qualité de secrétaire, Duseigneur propose un programme de formation constitué de trois types d’enseignements complémentaires : des leçons pratiques de sculpture et de dessin, un cours d’anatomie dirigé par un médecin des hôpitaux de Paris et un cours théorique traitant de l’histoire de l’art par les monuments, depuis les catacombes de Rome jusqu’au pontificat de Jules II j’ai supprimé la maj et l’italique, ce n’est pas un titre d’œuvre dispensé par Duseigneur, Gay étant son collaborateur lors des cours sur l’architecture. Outre cet engagement actif dans la formation d’élèves pour diffuser la statuaire chrétienne dans son esprit d’origine issu du Moyen Âge, Duseigneur fait également de son œuvre plastique le vecteur de cette idéologie. Théophile Thoré-Bürger disait de lui qu’il avait quelque chose des maîtres d’œuvre du Moyen Âge. Le programme de décoration de l’église Notre-Dame-de-Bonsecours à Rouen est probablement l’exemple le plus abouti de la diffusion de la foi à travers son art.
Spécialiste en matière de sculpture pour la période médiévale, il collabore à la somme codirigée par Paul Lacroix et Ferdinand Seré, Le Moyen Âge et la Renaissance. Cette importante publication en cinq volumes a pour ambition de retracer l’histoire des mœurs et des usages, des sciences et des lettres, des arts et des beaux-arts, de cette période encore méconnue au cours du XIXe siècle. Duseigneur est entouré d’auteurs illustres tels qu’Alfred Michiels ou Prosper Mérimée. Il est chargé de rédiger le chapitre « Sculpture » de cette publication érudite. Ce même chapitre sera remodelé quelques années plus tard, par les soins de Paul Lacroix, pour les besoins d’une publication plus concise exclusivement consacrée aux arts, Les Arts au Moyen Âge et à l’époque de la Renaissance. À partir des années 1850, Jean Duseigneur et son beau-frère Paul Lacroix ne cesseront plus de collaborer. Lorsque Lacroix décide, en 1853, d’éditer l’ouvrage de Toussaint-Bernard Émeric-David consacré à l’Histoire de la sculpture française, rédigé dès 1817 et resté à l’état de manuscrit, il fait naturellement appel à Duseigneur pour vérifier et réactualiser l’état historique des connaissances sur la sculpture française. Lacroix considère alors le sculpteur, compte tenu de son niveau d’érudition dans ce domaine, comme le plus apte à remplir cette mission. Duseigneur est une personnalité active et travailleuse. Le journal de ses travaux reflète cette activité incessante. Il mène de front son métier de sculpteur et son activité d’érudit. Le praticien et l’intellectuel se côtoient ; lorsqu’il prend la plume, Duseigneur n’oublie jamais qu’il est statuaire.
Dès 1855, il prend part à l’élaboration de la Revue universelle des arts, revue franco-belge fondée conjointement par Paul Lacroix à Paris et Marie-Camille Marsuzi de Aguirre à Bruxelles. Il participe à la rédaction des chroniques et donne régulièrement des articles biographiques sur les sculpteurs contemporains récemment décédés. Il vérifie et annote les notices rééditées par la revue et consacrées aux artistes du XVIIIe siècle. Sa première notice biographique, consacrée au sculpteur Antoine Coysevox, rédigée en 1850, est publiée dans la revue dès le premier numéro. Cette première notice intitulée par son auteur Essai sur la vie et les ouvrages du sculpteur Ant. Coyzevox [sic] (1850), est la forme la plus achevée d’écrit biographique produit par Duseigneur. Elle témoigne de sa démarche scientifique et de sa méthode. Il apporte un souci constant au détail et cite systématiquement ses sources bibliographiques. La structure de sa première notice est sensiblement identique à celle adoptée pour toutes celles qu’il rédigera par la suite ou sur lesquelles il interviendra a posteriori. Cette volonté d’harmonisation de la forme rappelle le travail exécuté par les rédacteurs des premiers dictionnaires d’artistes. Elle est également représentative de la démarche de systématisation propre au XIXe siècle entreprise par Charles Blanc. Duseigneur avait du reste en projet la rédaction d’une Histoire des sculpteurs pour faire suite à la publication de Charles Blanc, consacrée à l’Histoire des peintres (1861-1876). Sa mort subite survenue à l’âge de 58 ans, des suites d’une congestion cérébrale, arrêta net le projet et la parution de la Revue universelle des arts dont il était devenu le directeur un an plus tôt. Il laisse pour héritiers sa fille Marie et son fils Maurice, peintre, critique d’art et architecte qui fera beaucoup pour la conservation des œuvres de son père. Les « Notes et Observations pour servir de complément au tableau historique de la sculpture française » dans l’Histoire de la sculpture française par Émeric-David restent à ce jour la participation la plus connue de Jean Duseigneur dans le domaine de l’histoire de l’art.
Anne Pigeon-Méot, diplômée de l’École du Louvre
Principales publications
Ouvrages et catalogues d’expositions
- « Sculpture ». In Paul Lacroix et Ferdinand Seré, Le Moyen Âge et la Renaissance. Paris, 1850, t. V, 36 p., 28 pl.
- Essai sur la vie et les ouvrages du sculpteur Antoine Coysevox, 1850.
- « Notes et Observations pour servir de complément au tableau historique de la sculpture française ». In Toussaint-Bernard Émeric-David, Histoire de la sculpture française. Paris, 1853, p. 289-326.
- « Sculpture ». In Paul Lacroix, Les Arts au Moyen Âge et à l’époque de la Renaissance. Paris, 1869, 33 p.
Articles
- « Coyzevox et ses ouvrages [sic] ». Revue universelle des arts, 1855, n° I, p. 32-49.
- « Correspondance. Quelques notes sur François Rude » (additif à la notice nécrologique de la dernière chronique de la revue, même numéro, p. 164). Revue universelle des arts, 1855-1856, n° II, p. 215-218.
- « Nécrologie. Abel de Pujol ». Revue universelle des arts, 1861-1862, n° XIV, p. 137-141.
- « Jean de Bay, statuaire ». Revue universelle des arts, 1862, n° XV, p. 265-268.
- « Nécrologie. Toussaint (Christophe-François-Armand), statuaire, mort à Paris, le 24 mai 1862 ». Revue universelle des arts, 1862, n° XV, p. 335-336.
- « Nécrologie. Raggi (Nicolas-Bernard), statuaire, mort à Paris, le 24 mai 1862 ». Revue universelle des arts, 1862, n° XV, p. 336-338.
- « Nécrologie. Petitot (Louis-Messidor-Lebon), statuaire, membre de l’Institut, mort à Paris, le 1er juin 1862 ». Revue universelle des arts, 1862, n° XV, p. 338-341.
- « Notice historique sur la vie et les ouvrages de Pajou (Augustin), sculpteur, par Joachim Le Breton, de l’Institut » (liste des ouvrages de Pajou extrait du Pausanias français de Chaussard, publié en 1806, notes, rectifications et additions par Duseigneur). Revue universelle des arts, 1862-1863, n° XVI, p. 124-135.
- « Additions à la notice précédente » (notice sur J.-M. Vien, par Chaussard). Revue universelle des arts, 1863, n° XVII, p. 34-39.
- « Appendice » (à la notice historique sur Vincent, peintre d’histoire, par Chaussard). Revue universelle des arts, 1863, n° XVII, p. 49-54.
- « Nécrologie. Desboeufs, Laitié et Valois, statuaires ». Revue universelle des arts, 1863, n° XVII, p. 62-67.
- « Notice historique, sur Pierre Julien. Appendice à la notice précédente (sur la vie et les ouvrages de Pierre Julien, statuaire, par Joachim Le Breton, secrétaire perpétuel de la classe des beaux-arts de l’Institut) ». Revue universelle des arts, 1863, n° XVII, p. 186-188.
- « Appendice à la notice d’Horace Vernet, ses tableaux et ses lithographies » (notice sur Horace Vernet par Sainte-Beuve). Revue universelle des arts, 1863, n° XVII, p. 343-357.
- « Théophile Bra, statuaire ». Revue universelle des arts, 1863-1864, n° XVIII, p. 97-102.
- « Appendice à la notice sur M. de Bay père » (par Daban). Revue universelle des arts, 1863-1864, n° XVIII, p. 244-246.
- « Appendice à la notice de P. Chaussard sur L. David ». Revue universelle des arts, 1863-1864, n° XVIII, p. 359-369.
- « Husson (Honoré-Jean-Aristide), statuaire ». Revue universelle des arts, 1865, n° XXI, p. 221-224.
- « Œuvres de Thorvaldsen » (additions à la notice de H. P. Holst sur Albert Thorvaldsen, sa vie et son œuvre). Revue universelle des arts, 1865-1866, n° XXII, p. 22-38.
- « Journal des travaux de Jean Duseigneur ». Revue universelle des arts, 1866, n° XXIII, p. 94-110.
- « Le Vandalisme révolutionnaire ». Revue universelle des arts, 1866, n° XXIII, p. 124-126.
Bibliographie critique sélective
- Veuillot Louis. – « École de sculpture chrétienne ». L’Univers, 25 février 1842.
- Lacroix Paul. – « Notice nécrologique ». Revue universelle des arts, 1865-1866, n° XXII, p. 428.
- Lacroix Paul et Marsuzi de Aguirre Marie-Camille. – « Hommage Jean Duseigneur ». Revue universelle des arts, 1866, n° XXIII, p. 62-93.
- Auvray Louis. – Revue artistique et littéraire, 1866, t. X, septième année, p. 129-130.
- Larousse Pierre. – Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle. Paris, 1870, t. VI.
- Gautier Théophile. – Histoire du romantisme. Paris : Charpentier, 1874, p. 2-33.
- Jullien Adolphe. – Le Romantisme et l’Éditeur Renduel. Paris : Fasquelle, 1897.
- Tourneux Maurice. – Table générale de la Revue universelle des arts. Chartres, 1908.
- Roger (abbé). – Essai historique sur la Société de saint Jean l’évangéliste. Paris : Société de saint Jean l’évangéliste, 1913.
- Lami Stanislas. – Dictionnaire des sculpteurs de l’école française au XIXe siècle. Paris : H. Champion, 1916, t. II, p. 271-279.
- Gautier, Théophile, l’art et l’artiste. Actes du colloque international, Montpellier, université Paul-Valéry, septembre 1982. [organisé par la Société Théophile Gautier]. Montpellier : Société Théophile Gautier, t. II, p. 225.
- Ubersfeld Anne. – Théophile Gautier. Paris : Stock, 1992, p. 33-41.
- Benoist Luc. – La Sculpture romantique. Préf. d’Isabelle Leroy-Jay Lemaistre. Paris : Gallimard, 1994.
- Auguste Préault, sculpteur romantique, 1809-1879, [catalogue de l’exposition], Paris-Blois-Amsterdam. Paris : Gallimard, Réunion des musées nationaux, 1997.
- Pigeon-Méot Anne. – L’Œuvre d’historien d’art du sculpteur Jean Duseigneur (1808-1866). Mémoire de muséologie, École du Louvre, 2004.
Sources identifiées
Paris, archives des Musées nationaux
- Salon de 1833 : le groupe sculpté Une larme pour une goutte d’eau, préalablement refusé, est admis au Salon (KK27-KK49)
- Correspondance : lettre de Paul Lacroix, du 10 juin 1862 : le Bibliophile Jacob attire l’attention sur son beau-frère Duseigneur, qui a demandé qu’on lui confie l’entretien des marbres de Versailles (série S5)
Paris, bibliothèque de l’Arsenal
- Correspondance : brouillon de lettre autographe de Paul Lacroix où il sollicite pour Duseigneur la place du statuaire chargé de l’entretien des statues du parc de Versailles restée vacante depuis le décès de Beaumont (fonds Lacroix, brouillons de lettres [22-1], lettre n° 47 [MS 13427])
Paris, bibliothèque de l’INHA-collections Jacques Doucet
- Correspondance : lettre autographe de Duseigneur, du 24 juin 1855, à Monsieur Frédéric Villot, conservateur des peintures du musée du Louvre (« Autographes d’artistes », cart. 60, V, 4 [mf. BXLVII : 38625-38627])
En complément : Voir la notice dans AGORHA