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FROEHNER, Wilhelm
Mis à jour le 13 janvier 2009
(17 août 1834, Karlsruhe – 22 mai 1925, Paris)
Auteur(s) de la notice : HELLMANN Marie-Christine
Profession ou activité principale
Rédacteur de catalogues d’antiquités
Autres activités
Philologue et archéologue, collectionneur
Sujets d’étude
Art, archéologie et numismatique de la Grèce, des mondes romain et byzantin, du Haut Moyen Âge et de la Renaissance, philologie et épigraphie grecque et romaine
Carrière
1859 : après divers articles philologiques (en allemand) et sa « Dissertation » de doctorat, fait paraître, toujours en allemand, ses deux premiers grands ouvrages archéologiques, des catalogues de collections d’antiquités ; la même année, s’installe à Paris
1862-1863 : entré comme attaché au département des Antiques du musée du Louvre, se rend vite indispensable à Napoléon III, qu’il aide à écrire une Histoire de Jules César
1867 : nommé conservateur adjoint au musée du Louvre
1870 : nommé conservateur des objets d’art des résidences impériales, toujours avec un bureau au Louvre ; après la défaite de Sedan, dénoncé calomnieusement comme « espion prussien » par des conservateurs du Louvre jaloux de sa carrière, brièvement emprisonné, avant de faire un service dans la garde nationale – son poste au Louvre est supprimé
1871-1919 : rédacteur de catalogues d’antiquités, pour des collectionneurs ou pour des ventes
1897 : rédige un testament, modifié par la suite, afin de léguer à la bibliothèque et aux archives de la ville de Weimar ses nombreux volumes, des manuscrits grecs et des papyri, sa correspondance, les carnets (en écriture gothique) de son journal, et au Cabinet des médailles de la Bibliothèque nationale de Paris sa collection personnelle d’objets inventoriés dans des carnets, en permettant à la comtesse de Béarn d’en soustraire quelques pièces
Naturalisé français par décret impérial spécial (1866) ; chevalier de la Légion d’honneur (1868) ; membre de la Société française de numismatique ; membre de l’Académie de Berlin
Étude critique
Parmi ceux que l’on appelait naguère des « antiquaires », c’est-à-dire des archéologues qui, sans nécessairement faire des fouilles, connaissaient bien les antiquités, Wilhelm (dit Christian-Guillaume) Froehner occupe une place à part en Europe : par sa collection aussi originale que sa personnalité et par « l’arabesque bizarre de [sa] destinée », une expression de Jean Babelon dans le beau portrait – toutefois entaché d’inexactitudes et de fausses rumeurs – qu’il en dressa (Archéonumis, 5, 1973, p. 2-9). Dans ses Souvenirs (Paris, 1934, t. I), l’historien Gustave Schlumberger, qui partageait son goût pour les déjeuners fins autant que pour les objets byzantins, ne cache pas son admiration pour l’érudition et la mémoire exceptionnelles de cet « homme aigri par ses infortunes en grande partie imméritées, qui vivait très isolé et travaillait sans cesse, parlait de Goethe et de Wagner avec le même savoir universel que pour les graveurs de médailles de Syracuse ou des médaillons des empereurs romains ».
S’il avait légué sa collection au Cabinet des médailles de Paris (enregistrement : le 18 décembre 1929, n° 12702 du registre Y), ce n’était pas seulement afin que le conservateur en chef, fils de son ami Ernest Babelon, veille à sa publication progressive, c’était aussi pour prendre sa revanche. Car cet homme orgueilleux et conscient de sa valeur accumula très tôt les inimitiés, au point d’être empêché de faire la carrière qu’il espérait, mais, alors que ses faibles revenus ne lui permirent de constituer qu’une collection de petits objets, de tessons et de fragments, souvent en matériaux modestes, il savait qu’elle allait voisiner avec les prestigieux ensembles des nobles, des rois et des églises de France. Pour ses papiers personnels, le calcul était tout aussi bon : les voilà rangés, à Weimar, aux côtés des archives de Goethe, Schiller et Nietzsche.
Froehner était né collectionneur, puisqu’il commença à conserver des monnaies dès l’âge de 9 ans. Vendue discrètement à Gênes en 1909, sans doute parce qu’il avait besoin d’argent, sa collection de monnaies grecques de toutes époques comprenait, en janvier 1905, jusqu’à 6 525 pièces. Il lui restait toutefois des médailles napoléoniennes et des monnaies badoises (car cet indéfectible bonapartiste avait gardé la nostalgie de ses origines), et il n’en continua pas moins d’acheter des monnaies grecques après la vente de 1909. Sa frénésie d’achats lui fit même acquérir des lettres de Victor Hugo et d’Émile Zola. Quant aux boîtes attribuées au Cabinet des médailles, elles contenaient environ 3 450 objets hétéroclites, parfois fort rares : en or et en argent (bagues), en bronze, plomb (tablettes) et cuivre (poids), en verre, ivoire et os (pions), en pierre (stèles, tables iliaques), en terre cuite (figurines, lampes et vases, tessères, sceaux), en bois (icônes et sceaux égyptiens), sans oublier des camées, des intailles, des stucs peints, un tissu copte.
En général dépourvus de valeur artistique, presque tous ces objets étaient inscrits. C’était le fil conducteur de la collection, car Froehner avait été formé tant à la philologie qu’à l’archéologie aux universités de Fribourg-en-Brisgau et de Bonn, lorsque nul ne pouvait contester la supériorité de la science universitaire allemande.
Si ses publications et ses activités savantes permettent de le situer dans la vie scientifique de son temps, en Allemagne (où il garda toujours des relations) aussi bien qu’en France, où il choisit de s’établir (comme tant d’Allemands au XIXe siècle, Paris étant alors la capitale européenne des lettres et des arts), il est nécessaire, pour comprendre qui fut vraiment Froehner, de parcourir les papiers archivés à Weimar. Ce maniaque avait conservé toutes les lettres et tous les billets qu’on lui avait adressés, en y intercalant des tickets de transports en commun ou d’entrée aux thermes de Baden-Baden, pour sa cure annuelle ; en outre il notait presque tous les jours, de 1857 à 1923, une ou plusieurs phrases dans son Tagebuch, de sa fine écriture progressivement dégradée par la cécité. On voit cet arriviste courir les salons parisiens et rechercher les mondanités jusqu’en 1870, mais ensuite il ne fréquenta plus que les salles de vente, leurs marchands de monnaies et d’antiquités, ainsi que les collectionneurs, surtout son amie la comtesse de Béarn (née Béhague), qui subvenait en partie à ses besoins. Ce journal, encore pour la plus grande part inédit, est une mine d’informations sur la société du Second Empire, sur la vie politique et sur le milieu des marchands d’antiquités (souvent immigrés comme Hoffmann, l’indéfectible ami de Froehner) et de leurs clients (en général nobles, ou du moins fortunés).
Si le français de Froehner était devenu quasi parfait peu après son arrivée à Paris et si sa loyauté à l’égard de la France était au-dessus de tout soupçon, même pendant les deux guerres dont il souffrit beaucoup, sa naturalisation par l’Empereur, en remerciements de ses bons services, n’avait pu effacer son éducation et ses goûts profondément allemands : il lisait Goethe chaque jour, et ce fils de musicien ne pouvait se passer d’aller régulièrement au concert, à Paris ou lors de ses fréquents séjours en Allemagne. Il voyagea également à Londres, en Italie et en Pologne (au château de Goluchów), pour rédiger des catalogues ou faire des achats avisés, avant tout pour d’autres. Dans son journal, il signale un grand nombre de publications qui nous auraient autrement échappé, la plupart n’étant pas signées, par prudence.
En laissant de côté les traductions en allemand et les livres ou articles dont on peut juste soupçonner qu’il en fut l’auteur (car il écrivit souvent pour de moins érudits que lui), sa bibliographie, rédigée presque exclusivement en français à partir de 1863, compte plus de 90 monographies – en général des catalogues d’objets, mais aussi des éditions d’inscriptions et un grand ouvrage sur la colonne Trajane – et autant de brefs articles, notules sur une seule page, nécrologies, préfaces, recensions, tables de revues ou d’ouvrages. Une bonne part des articles, parus dans diverses revues (et parfois en deux versions, chez des éditeurs différents), concerne la philologie latine ou commente des inscriptions. Mais il avait l’universalité de l’expert, écrivant sur tout : sur des monnaies ou des médailles, des pierres gravées, des vases, des figurines ou des sculptures, des marques sur verre. D’où ce jugement de Salomon Reinach, qui reconnut l’autorité scientifique de ce « philologue acariâtre (sic) » dans une nécrologie équilibrée : « […] c’était le plus expéditif et aussi le meilleur rédacteur de catalogues qui ait existé au XIXe siècle. Sa science presque universelle de l’Antiquité, sa connaissance peu ordinaire de l’archéologie du Haut Moyen Âge, la sûreté de son savoir bibliographique, son énergie, tout lui permit ses tours de force qui consistent à dresser très rapidement, et presque sans commettre d’erreurs ridicules, de grands catalogues d’objets inédits destinés à des ventes » (Revue archéologique, 22, 1925, p. 140-154). Néanmoins, sa rapidité lui fit publier et même acquérir quelques objets faux, et il crut authentique la tiare de Saïtaphernès, avant de faire assez vite volte-face. Voulant toujours avoir raison, il cultivait aussi un goût immodéré pour la polémique, au point d’avoir commis des pages vétilleuses sur Salammbô de Gustave Flaubert, qui montrent les limites de ce pédant imperméable au style romanesque, car trop occupé à y débusquer de minimes erreurs historiques.
Marie-Christine Hellmann, directeur de recherche au CNRS, UMR 7041, université Paris X-Nanterre
Principales publications
Ouvrages et catalogues d’expositions
- Inscriptiones terrae coctae vasorum intra Alpes, Tissam, Tamesin repertas. Göttingen : Dieterich, 1858, XXX + 86 p.
- Musée du Louvre, les inscriptions grecques. Paris : s. n., 1864 ; nouv. éd., 1865, 356 p.
- Choix de vases grecs inédits de la collection de S. A. I. le Prince Napoléon. Paris : J. Claye, 1867, 48 p.
- Catalogue des sculptures antiques du musée du Louvre. Paris : Musées nationaux, 1869, XV+520 p.
- Deux peintures de vases grecs de la nécropole de Kameiros. Paris : Bauer, 1871, 18 p.
- La Colonne Trajane, d’après le surmoulage exécuté à Rome en 1861-1862. Paris : J. Rothschild, 1872-1874, 220 p., 4 folio.
- Le Crocodile de Nîmes. Paris : Baur et Detaille, 1872, 18 p.
- Mélanges d’épigraphie et d’archéologie, I-X. Paris : Detaille, 1873, 24 p.
- Les Médaillons de l’Empire romain depuis le règne d Auguste jusqu’à Priscus Attale. Paris : Rothschild, 1876, XV + 396 p.
- Anatomie des vases antiques. Paris : Detaille, 1876, 36 p.
- La Verrerie antique ; description de la collection Charvet, suivie d’une Nomenclature des verriers grecs et romains. Paris : J. Charvet, 1879, 140 p.
- Terres cuites d’Asie Mineure. Paris : H. Hoffmann, 1881, 58 p., 40 pl.
- Collection Camille Lécuyer, terres cuites de Tanagra et d’Asie Mineure, Vente. Paris : H. Hoffmann, 1883, 72 p., 30 pl.
- Catalogue of objects of greek Ceramic art. Londres : Printed for the Burlington Fine Arts Club, 1888, 106 p.
- La Collection Tyskiewicz, choix de monuments antiques. Munich : Verlaganstalt für Kunst und Wissenschaft, 1892, 46 p.
- Musée de Marseille, catalogue des antiquités grecques et romaines. Paris : Imprimerie nationale, 1897, XI+380 p.
- Collection Julien Gréau ; verrerie antique, émaillerie et poterie appartenant à M. Pierpont Morgan. Paris : Metropolitan Museum of Art (New York), 1903, 310 p.
- Froehner Wilhelm et al. – La Collection Dutuit, cent planches. Paris : Librairie centrale des Beaux-Arts, 1908.
- Verre antique de la collection Fr. von Gans. Paris : impr. Georges Petit, 1913, 8 p.
Articles
- « Zu Horatius ». Philologus, 12, 1857, p. 196-198.
- « Die Bronze von Antino ». Philologus, 13, 1858, p. 207-208.
- « Römischer Künstlername ». Archäologische Zeitung, 15, 1860, p. 104.
- « Ostraka inédits du Louvre ». Revue archéologique, 12, 1865, p. 30-51.
- « La Vénus d’Antibes ». Revue archéologique, 16, 1867, p. 360-363.
- « Sur une amulette basilidienne inédite du musée Napoléon III ». Bulletin de la Société des antiquaires de Normandie, 1867, p. 217-231.
- « Bulles métriques ». Annuaire de la Société de numismatique, 6, 1882, p. 40-66.
- « Le Comput digital ». Annuaire de la Société de numismatique, 8, 1884, p. 232-238.
- « Le Mariage de Pan, groupe en terre cuite de la collection de M. Frédéric Spitzer ». Gazette archéologique, 1887, p. 304-305.
- « Les Grands Bronzes de Néron transformés en miroir ». Annuaire de la Société de numismatique, 13, 1889, p. 395-405.
- « Variétés numismatiques ». Annuaire de la Société de numismatique, 14, 1890, p. 469-478.
- « Inscriptions grecques archaïques de la collection du comte Michel Tyszkiewicz ». Revue archéologique, 18, 1891, p. 45-55.
- « Trojanische Vasenbilder ». Jahrbuch des deutschen archäologischen Instituts, 7, 1892, p. 24-31.
- « À quoi ont servi les contorniates ? ». Annuaire de la Société de numismatique, 18, 1894, p. 83-88.
- « Apollon archaïque de la collection Tyszkiewicz ». Monuments Piot, 2, 1895, p. 137-143.
- « Une médaille de Charles VII dans la maison de Goethe à Weimar ». Revue numismatique, 1906, p. 484-489.
- « Philologie monétaire : I. L’alphabet de Sélinonte ; II. Le roi Brigantius ; III. Poésie française (sizain) de 1389, donnant les noms des ateliers royaux ». Revue numismatique, 1907, p. 476-480.
- « Goettergaben ». Archiv für Religionsgeschichte, 1912, p. 380-387.
Bibliographie critique sélective
- Robert Louis. – Collection Froehner I, inscriptions grecques. Paris : Éditions des Bibliothèque nationales, 1936, IX+160 p., 51 pl.
- Lejeune Michel. – Collection Froehner : inscriptions italiques. Paris : Bibliothèque nationale, 1953, 48 p.
- Benoît Fernand. – « La Constitution du musée Borély et les fraudes archéologiques des fouilles de Marseille, suivies de la correspondance de W. Froehner avec Michel Clerc ». Provence historique, 6, 1956, p. 3-22 et 108-122.
- Hellmann Marie-Christine. – Wilhelm Froehner. Paris : Bibliothèque nationale, 1982, 26 p.
- Hellmann Marie-Christine. – « Collection Froehner : balles de fronde grecques ». Bulletin de correspondance hellénique, 106, 1982, p. 75-87.
- Hellmann Marie-Christine. – Lampes antiques de la Bibliothèque nationale I. Collection Froehner. Paris : Bibliothèque nationale, 1985.
- Chauveau Michel, Cuvigny Hélène. – « Les Étiquettes de momie de la collection Froehner ». CRIPEL, 9, 1987, p. 71-80.
- Hellmann Marie-Christine. – « Wilhelm Froehner et Chypre ». Cahiers du Centre d’études chypriotes, cahier 16, Paris, 1991-1992, p. 17-28.
- Bakhoum Soheir, Hellmann Marie-Christine. – « Wilhelm Froehner, le commerce et les collections d’antiquités égyptiennes ». Journal des savants, 1992, p. 155-186.
- Hellmann Marie-Christine. – « Wilhelm Froehner, un collectionneur pas comme les autres ». Anne-France Laurens, Krzysztof Pomian, éd. – L’Anticomanie, la collection d’antiquités aux XVIIIXe et XIXe siècles. Paris : École des hautes études en sciences sociales, 1992. p. 251-264.
- Hellmann Marie-Christine, Masson Olivier. – « Wilhem Froehner numismate ». Revue numismatique, 36, 1994, p. 308-329.
- Hellmann Marie-Christine. – « La Collection Froehner au cabinet des Médailles de Paris ». Dossiers d’archéologie, n° 312 (Vrais ou Faux de l’Antiquité classique), 2006, p. 30-37.
Sources identifiées
Paris, Bibliothèque de l’Institut de France
- Correspondance de Froehner avec Gustave Schlumberger (vol. MS. 4257, lettres de 1880 à 1924)
Paris, Bibliothèque nationale de France, département des Monnaies, médailles et antiques
- 15 carnets d’inventaire de sa collection, rédigés par Froehner lui-même
Weimar, Goethe- und Schiller-Archiv
- 16 carnets manuscrits (Tagebuch) et plusieurs cartons de correspondance
Weimar, Zentralbibliothek der deutschen Klassik
- 325 lettres du collectionneur Alphonse van Branteghem à Froehner (1884-1925)
En complément : Voir la notice dans AGORHA