Anonyme, Camille Jullian au temple de Champlieu (Oise), 27 juillet 1902, photographie, Bordeaux, archives municipales, fonds Camille Jullian © archives municipales de Bordeaux, cliché B. Rakotomanga.

Auteur(s) de la notice :

JOCKEY Philippe

Profession ou activité principale

Historien, philologue, archéologue, professeur d’université, professeur au Collège de France

Autres activités
Historien de la littérature

Sujets d’étude
Histoire et épigraphie de la Rome antique, histoire et archéologie de la Gaule celtique et romaine, histoire régionale et urbaine (Bordeaux, des origines à la fin du XIXe siècle)

Carrière
1864-1877 : bachelier ès lettres ; études au lycée de Marseille ; premier prix au Concours général
1877 : élève à l’École normale supérieure (15e rang) : il y suit les cours de Vidal de La Blache et de Fustel de Coulanges
1880 : agrégé d’histoire et de géographie (1e rang)
1880-1882 : membre de l’École française de Rome
1883 : grâce à une bourse, séjour d’un an à l’université de Berlin, où il suit les enseignements de Théodore Mommsen, le grand historien de la Rome antique, épigraphiste hors pair, père du Corpus Inscriptionum Latinarum
1883 : il publie sa thèse complémentaire, De protectoribus et domesticis augustorum
1883 : début de sa carrière universitaire à Bordeaux
1883-1885 : chargé d’un cours complémentaire d’histoire ancienne et d’Antiquité grecque et latine à la faculté des lettres de Bordeaux
1884 : docteur ès lettres ; publie cette même année sa thèse principale, Les transformations politiques de l’Italie sous les empereurs romains, 43 av. J.-C. – 330 après J.-C.
1885-1886 : suppléant du cours d’Antiquités grecque et latine dans cette même université
1887-1890 : chargé d’un cours d’histoire romaine et d’Antiquité latine
1891 : obtient la chaire de professeur d’histoire de Bordeaux et du sud-ouest de la France à la faculté des lettres de Bordeaux
1905-1930 : professeur d’histoire et d’Antiquité nationales au Collège de France
1908 : entre à l’Académie des inscriptions et belles-lettres
3 avril 1924 : élu à l’Académie française au fauteuil de Jean Aicard
1893-1908 : participe à la rédaction d’un bulletin historique publié par la Revue historique ; collabore en outre à des entreprises aussi vastes que le Dictionnaire des antiquités grecques et romaines de Charles Daremberg et René Saglio (publié entre 1877 et 1909) ; contributions au Journal des Débats, à la revue Foi et vie, aux Nouvelles littéraires, à la Revue bleue, à la Revue critique, à la Revue de France, à la Revue de Paris, ou encore à la Revue internationale de l’enseignement

Étude critique

On pourrait s’étonner de la présence de Camille Jullian dans ce dictionnaire des historiens de l’art. Épigraphiste de formation, devenu archéologue au fil des ans, ne fut-il pas – et ne reste-t-il pas aujourd’hui encore – d’abord et avant tout le grand historien français de la Gaule ? Ses successeurs au Collège de France et jusqu’au détenteur actuel de la chaire d’antiquités nationales ne se définirent-ils pas eux aussi avant tout comme archéologues ? Jullian n’a-t-il pas donné, à la fin des années 1970 encore, son nom à un important centre de recherche du sud-est de la France où l’archéologie prédomine très largement ? En réalité, c’est bien un historien de l’art que l’on peut reconnaître en Jullian, mais dans une acception un peu particulière.

La carrière de Jullian aurait pu, au vu de son parcours d’excellence, se limiter à celle d’un universitaire de renom, éminent spécialiste de la Rome antique. Une excellence toute républicaine, d’ailleurs, fruit des plus prestigieux concours qui le conduisirent successivement, après une première place au Concours général, à l’École normale supérieure (1877) puis à l’École française de Rome où il demeura deux ans (1880-1882).

Pourtant, au terme de ces toutes premières années de formation, on observe un premier écart par rapport à cette trajectoire professionnelle « classique ». Jullian se rend en effet, le temps d’une année (1882), à l’université de Berlin, et ce en dépit d’un contexte international des plus tendus entre les deux pays. C’est qu’il souhaite y suivre l’enseignement du grand épigraphiste de la Rome antique qu’était alors Théodore Mommsen, chargé par l’Académie de Berlin de la réalisation de cet outil de travail exceptionnel qu’allait être et que demeure aujourd’hui encore le Corpus Inscriptionum Latinarum. Au contact de ce savant hors pair, Jullian acquiert méthode, savoir et compétence en matière d’épigraphie latine. Cette ultime étape de formation le conduit ensuite fort logiquement, dès son retour en France, à soutenir thèses principale et complémentaire, bientôt publiées entre 1883 et 1884. Les charges de cours s’enchaînent ensuite à la faculté des lettres de Bordeaux où il est alors nommé.

La singularité de son parcours intellectuel s’y manifeste d’emblée. Sans délaisser ses enseignements principaux, Jullian pose très tôt, en effet, les bases épistémologiques d’une histoire régionale, qui prendra, fonctions obligent, Bordeaux comme objet initial d’étude. En une décennie seulement, l’étude régionale conduite par Jullian va affirmer sa pleine légitimité. Les publications qui en ponctuent le développement accompagnent aussi la maturation intellectuelle du projet. Ce dernier est dans un premier temps circonscrit à l’étude de l’épigraphie locale, sanctionnée par une série d’ouvrages qui se succèdent rapidement (Étude d’épigraphie bordelaise ; Les Bordelais dans l’armée romaine ; Notes concernant les inscriptions de Bordeaux extraites des papiers de M. de Lamontagne 1884 ; Histoire d’une inscription, 1886 [lecture faite à la société archéologique de Bordeaux le 12 nov. 1886] ; Archives municipales de Bordeaux ; Inscriptions romaines de Bordeaux, 1887-1890). Dès 1891, il obtient la chaire de professeur d’histoire de Bordeaux et du sud-ouest de la France à la faculté des lettres de Bordeaux, toujours.

Mais l’originalité de la démarche de l’historien ne se limite pas à cette seule enquête épigraphique. L’élargissement progressif du champ chronologique aux temps antérieurs et postérieurs à la domination romaine de la Gaule constitue en effet un second élément original. Un tel objet, déjà moderne dans sa définition même, est également conçu dans le temps long, au point qu’en 1895, l’un de ses ouvrages aura pour titre Histoire de Bordeaux depuis les origines jusqu’en 1895. À cela s’ajoute la place nouvelle que Jullian accorde à une discipline-clef, alors en plein essor, la géographie humaine.

Incarnée par Paul Vidal de la Blache (1845-1918), dont Jullian avait suivi l’enseignement durant sa scolarité de normalien, la géographie historique constitue l’un des fondements de la naissance d’une histoire de la Gaule qui trouvera en Jullian son premier grand historien. Elle fera dès lors partie de son socle épistémologique. L’historien le rappellera d’ailleurs, dans son étude diachronique De la Gaule à la France. Nos origines historiques (1920) : « Je ne séparerai pas l’étude du sol ou de la matière et celle de l’âme ou de la société. L’historien ne fera jamais qu’une œuvre incomplète ou mutilée s’il analyse les institutions ou les mœurs humaines à l’écart ou en dehors de la terre sur laquelle elles se développées et qui pour une part les a déterminées. » (p. 9-10). Ce propos, qui pourrait n’être que banal aujourd’hui, représentait encore, à l’époque, une petite révolution épistémologique.

Autre nouveauté remarquable, l’histoire selon Jullian ne saurait se fonder exclusivement sur l’analyse des seuls textes. Les sources qui permettent de retracer l’histoire de la Gaule antique intégreront non seulement l’épigraphie ou la géographie humaine, mais encore l’archéologie. Dès 1885 paraissent « Les antiquités de Bordeaux », dans la Revue archéologique, justement, créée en 1844. Le fait est moins anodin qu’il n’y paraît aujourd’hui. Au XIXe siècle, histoire et archéologie, longtemps, n’ont pas fait si bon ménage, notamment en France, la première ne considérant l’autre que comme son auxiliaire parmi plusieurs. Ce n’est que dans le dernier tiers du XIXe siècle que la situation de l’archéologie évolue.

L’institution, par un décret de Napoléon III (8 mars 1863), du musée des Antiquités nationales de Saint-Germain-en-Laye, inauguré par l’empereur lui-même en 1867, a joué un rôle positif incontestable, en modifiant le rapport des historiens à l’archéologie. Son premier règlement, définissant ses missions (« Le musée de Saint-Germain a pour but de centraliser tous les documents relatifs à l’histoire des races qui ont occupé le territoire de la Gaule depuis les temps les plus reculés jusqu’au règne de Charlemagne ») ouvrait le champ aux recherches les plus larges, en amont comme en aval des siècles romains de la Gaule. L’intuition, alors, de Jullian est de placer au cœur de la construction de son discours historique les sources matérielles, produites en nombre toujours important par une archéologie nationale alors en plein essor, sous l’impulsion des pouvoirs politiques successifs.

Aux « antiquités nationales » que ces derniers encouragent non sans arrière-pensées, Jullian ajoute un nouveau volet, celui des « antiquités régionales ». L’émancipation du cadre classique – tant du point de vue chronologique que thématique – qu’il opère à cette occasion se reconnaît dans trois ouvrages, publiés coup sur coup en 1892 et 1893 puis en 1895 : Gallia, tableau sommaire de la Gaule sous la domination romaine ; Ausone et Bordeaux. Études sur les derniers temps de la Gaule romaine ; Histoire de Bordeaux depuis les origines jusqu’en 1895. Le choix du temps long, déjà signalé, s’accompagne ici de la volonté de prendre en compte cette histoire régionale aux marges mêmes de la « domination romaine », en traitant de ses « derniers temps ». Si ceux-ci peuvent encore être retracés à l’aide des sources « traditionnelles » de l’historien de l’Antiquité, l’histoire préromaine de Bordeaux, en revanche, doit nécessairement faire appel d’abord et avant tout aux realia.

Cet affranchissement des frontières les plus traditionnelles se reconnaît aussi dans la position qu’adopte Jullian en faveur de l’orientalisme, en cette fin de XIXe siècle. Quoique moins connue, elle n’en est pas moins révélatrice de son ouverture d’esprit. Dans L’Orientalisme à Bordeaux (Bordeaux, 1897), on trouve, à côté de l’éloge de l’enseignement de l’hébreu, dont il déplore le déclin, la célébration de l’étude de l’Égypte et des égyptologues. Plus généralement, l’abandon relatif par la France de l’étude des langues et cultures orientales lui inspire, comme à tous ceux qui « s’intéressent à l’avenir de la science française », le regret que, écrit-il encore, « l’érudition allemande, patronnée par son gouvernement, [veuille] faire pour l’orientalisme ce qu’elle a fait pour l’épigraphie classique » (L’Orientalisme à Bordeaux, 1897, p. 20).

Plus fondamentale, encore, l’inversion radicale de perspective qu’il opère à l’égard de l’histoire des relations entre Rome et la Gaule. L’indépendance de cette dernière est posée comme un défi relevable par l’historien. La Gaule est moins, dès lors, une province de l’Empire parmi d’autres que Rome ne devient, sous la plume de l’historien, un épisode – à bien des égards malheureux – dans l’histoire si longue et si riche des Gaulois. L’histoire de ces derniers ne doit plus être jugée avec le seul regard des Commentarii de Bello Gallico de César. Quant au prétendu « génie latin », supposé tout excuser, Jullian lui règle son compte, avec quelque provocation : « “Faiblesse du génie latin” : qu’on ne me parle plus du “génie latin”, qu’on ne fasse pas de la France l’élève et l’héritière de ce génie. Elle est autre chose, elle vaut mieux. Le génie latin n’a pas transformé la nature et le tempérament des hommes de Gaule. Ce qu’ils étaient comme race, ils le sont restés […] » (De la Gaule à la France. Nos origines historiques, 1922, p. 172).

Les contacts anciennement établis avec les Grecs auraient dû – dans ce monde gallo-grec meilleur dont Jullian rêvait – déplacer le centre de gravité d’une histoire de la Gaule vers l’hellénisme et ses valeurs. Jullian reviendra souvent sur cette occasion manquée, lui, le Marseillais de naissance, pétri d’une culture classique qui donne sa place alors au grec ancien tout autant qu’au latin. Le premier volume de sa monumentale Histoire de la Gaule aura pour sous-titre Les Invasions gauloises et la colonisation grecque. La fondation de sa ville natale par les Grecs, en 600 av. J.-C., lui permettra à plusieurs reprises d’évoquer les liens unissant Grecs et Gaulois : « D’une alliance spontanée entre la nature gauloise et l’éducation hellénique, l’histoire était en droit d’attendre une civilisation nouvelle, originale et charmante. Rome ne le permit pas. » (De la Gaule à la France. Nos origines historiques, p. 152). Il reviendra sur cette « Grèce, modèle des Arvernes » dans l’étude qu’il publie en 1900 Vercingétorix (p. 15).

Affranchie de sa seule vraie tutelle historiquement attestée, Rome, la Gaule peut dès lors se constituer en objet d’étude indépendant, comme Bordeaux, son prototype en matière épistémologique, l’avait été sur le seul plan régional.

L’histoire de la Gaule, aboutissement logique de cette trajectoire intellectuelle exceptionnelle, va trouver son plein développement dans les vingt-huit années de l’enseignement dispensé par Camille Jullian au Collège de France, de 1905 à sa mort en 1933. Loin de s’y enfermer étroitement, l’historien y donnera toute la mesure de sa « curiosité universelle » (A. Grenier, Camille Jullian. Un demi-siècle de science historique et de progrès français, 1880-1933, 1944, p. 4), tout en développant parallèlement de nouveaux objets d’étude et d’enseignement, étendus à l’Antiquité tardive et au Moyen Âge, ou demeurés jusqu’à aujourd’hui moins connus du grand public, tels que l’histoire de la banlieue parisienne (Au seuil de notre histoire, II, p. 286-287).

Au cours de ces années privilégiées, l’historien par excellence de la Gaule que Jullian est devenu expose plus systématiquement qu’il ne l’avait jamais fait auparavant sa conception de l’histoire. Celle-ci fait désormais toute sa place à cette vaste période : la Préhistoire. Il faut y inclure la Protohistoire, période définie justement comme « au seuil de notre histoire ». Celle-ci a trouvé son historien en Alexandre Bertrand (1820-1902), directeur du musée de Saint-Germain (1867-1902). Archéologue et professeur à l’École du Louvre, il inaugure l’enseignement des antiquités nationales (Archéologie celtique et gauloise, la Gaule avant les Gaulois, 1884). Jullian lui rend d’ailleurs hommage dans le discours programmatique que représente sa Leçon d’ouverture lue au Collège de France (7 décembre 1905) », « La vie et l’étude des monuments français » (Au seuil de notre histoire. Leçons faites au Collège de France, 1930-1931).

Cette première « Leçon » est aussi l’occasion, pour Jullian, de s’affirmer pleinement, dans le même temps, historien de l’art, un « art » entendu comme « savoir-faire », l’ars latin. « Tout monument, quel qu’il soit, si petit qu’il soit, toute chose que l’homme a préparée de sa pensée et façonnée de sa main, tout ce qu’il a posé sur le sol de France, doit trouver sa place dans un chapitre de notre histoire nationale. » (Au seuil de notre histoire, 1930-1931, p. 58). Tout artefact devient dès lors objet d’histoire, sans exclusive : « C’est ce droit à l’histoire que je revendique pour l’étude des silex et des bronzes, des monuments d’avant les textes. » (Au seuil de notre histoire, 1930-1931, p. 54). Cette affirmation le conduit à placer sur le même plan le silex le plus quelconque et le chef-d’œuvre le plus exceptionnel : « Dès l’époque où apparaît sur un morceau de silex la marque de cette pensée et de cette main, l’historien a le devoir d’intervenir. La flèche et le dolmen ont leur beauté et leur grandeur, et peuvent témoigner d’aussi puissants efforts de travail et d’idéal que les chefs-d’œuvre de Phidias. » (Au seuil de notre histoire, 1930-1931, p. 58-59). L’idée d’une égalité de statut entre le moindre vestige et l’auteur ou l’artiste antiques les plus prestigieux est répétée, au fil des textes de cette période, avec une conviction inébranlable.

Cette émancipation radicale de la tutelle classique, indispensable pour aborder l’histoire des temps préromains, n’empêchera évidemment pas Jullian de rédiger la somme inégalée que représentent les huit volumes de son Histoire de la Gaule en faisant toute sa place aux données textuelles grecques et latines, en philologue qu’il est demeuré. Mais, comme il le répète lui-même, « de grâce, n’opposons pas les uns aux autres les faits et les idées, le livre et la ruine. L’histoire a besoin de tout ce qui a survécu ; et dans le moindre des fragments elle analyse parfois autant de travail humain et de pensées anciennes que dans la splendeur intacte d’une œuvre éternelle » (Au seuil de notre histoire, 1930-1931).

Historien, Jullian l’est également de sa propre discipline. La publication, en 1913, de ses Extraits des historiens français du XIXe siècle témoigne une nouvelle fois de la modernité de son approche comme de l’étendue de sa curiosité historique. Elle permet aussi de se faire une idée plus précise de ses « mentors », tel Fustel de Coulanges, par exemple.

La rigueur méthodologique justement posée par Jullian dans ces textes fondamentaux trouvera cependant ses limites dans son application à son objet historique même : la Gaule. Jullian est homme de son temps, un temps marqué par une verve patriotique qui ne cesse de s’affirmer après la guerre franco-allemande de 1870. À l’idée de « race », « un mot si vague et si dangereux », il substitue, avec talent, « en son lieu et place » celle de “nation” : nous disons « nation » et nous disons habitudes, religion et langue “nationales” (Au seuil de notre histoire, 1930-1931, p. 184). Convaincu qu’il a, comme historien, une responsabilité dans la défense de celle-ci (« J’ai à moi toute l’histoire de France ! » se serait-il même un jour exclamé devant Albert Grenier, son successeur au Collège de France, qui le rapporte dans sa propre Leçon d’ouverture – (A. Grenier, Camille Jullian. Un demi-siècle de science historique, 1944), il développe une histoire nationale sinon toujours nationaliste, nourrie du mythe gaulois au renforcement duquel il participe.

Vercingétorix en devient la figure de proue. En 1900, il publie Vercingétorix, où le personnage est présenté comme le héros de la résistance gauloise face à l’envahisseur romain. Le portrait physique et moral qu’il en donne ne tient, comme il l’avoue lui-même, qu’en « une ligne de Florus ». Il lui consacre cependant une page d’où ressort la flamboyance du chef gaulois, dans « la splendeur de son corps haut et superbe […] avec cet aspect farouche qui effrayait l’ennemi, droit sur son cheval, vêtu de la tunique aux couleurs bigarrées […] » (Vercingétorix, p. 31). Les historiens sont nombreux à s’être penchés sur la vérité historique du Vercingétorix que Jullian décrit. Mais celui qui, peut-être, en a jugé le mieux est Albert Grenier, son héritier, qui dira avec élégance de son auteur qu’il était « patriote et libéral, soucieux de justice autant que de vérité et qui, à l’occasion, demande au rêve la satisfaction que les faits ne procurent pas à son idéalisme […] » (A. Grenier, Camille Jullian. Un demi-siècle de science historique, 1944, p. 16).

Les écrits patriotiques de Jullian, transcription de conférences tenues entre 1914-1919 et réunis dans le recueil Aimons la France (1920), poussent à l’extrême cette défense et illustration de la nation française : « Il y a deux mille ans, la France s’appelait la Gaule et elle allait jusqu’au Rhin. De ce côté-ci, les Gaulois ; de l’autre, les Germains. L’Alsace à la Gaule, complètement, absolument, voilà le début de l’histoire. » (Aimons la France, 1920, p. 150). Si l’on accepte aujourd’hui de relativiser ses propos d’alors et de les replacer dans un contexte historique bien particulier, demeure alors le profond humanisme de Camille Jullian, synthèse unique qui s’exprime dans ce manifeste d’historien : « À Marathon, ce sont des hommes qui tuent d’autres hommes ; sur l’Acropole, c’est le rocher qui se pare, c’est du marbre que l’on façonne, c’est la nature qui se transforme au gré d’un idéal. » (Au seuil de notre histoire, 1930-1931, p. 58).

Philippe Jockey

Principales publications

Ouvrages et catalogues d’expositions

Articles

  • « Les Antiquités de Bordeaux ». Revue archéologique, 1885.

Bibliographie critique sélective

  • Baudrillart André. – « Jullian Camille ». In Larousse mensuel illustré, vol. 9, n° 329, juillet 1934, p. 748-749.
  • Cagnat René. – « Notice sur la vie et les travaux de Camille Jullian : lue dans la séance publique annuelle du vendredi 23 novembre 1934 ». Institut de France, Académie des inscriptions et belles-lettres. Paris : Typographie de Firmin-Didot et Cie, 1934, p. 312-324.
  • Courteau Paul. – Camille Jullian à Bordeaux. Bordeaux, 1934.
  • Grenier Albert. – Camille Jullian et les antiquités nationales, leçon d’ouverture du cours d’antiquités nationales au Collège de France. Paris : Boivin, 1936.
  • Grenier Albert. – Camille Jullian : un demi-siècle de science historique et de progrès français, 1880-1933. Paris : A. Michel, 1944.
  • Duval Paul-Marie. – « Vercingétorix, l’histoire et la légende ». Préf. à C. Jullian, Vercingétorix. Rééd. Paris : Hachette, 1963, p. 7.
  • Duval Paul-Marie. – « Bio-bibliographie de Camille Jullian ». In C. Jullian, Vercingétorix. Rééd. Paris : Hachette, 1963, p. 302-305.
  • Motte Olivier. – « Camille Jullian, élève de Mommsen à l’université de Berlin ». Ius Commune, 1980, p. 315-453.
  • Gran-Aymerich Ève. – Naissance de l’archéologie moderne. 1798-1945. Paris, éditions du CNRS, 1988.
  • Charle Christophe, Telkès Ève. – Les Professeurs du Collège de France. Dictionnaire biographique, 1901-1939. Paris : Institut national de recherche pédagogique, éditions du CNRS, 1988.
  • Charle Christophe. – Les Professeurs de la faculté des lettres de Paris. Dictionnaire biographique. Paris : Éditions du CNRS-CNRP, 1985-1986. Vol. 1 : 1809-1908 ; vol. 2 : 1909-1939.
  • Motte Olivier. – Camille Jullian, les années de formation, Rome. Rome : École française de Rome, 1990.
  • Camille Jullian, l’histoire de la Gaule et le nationalisme français : actes du colloque organisé à Lyon le 6 décembre 1988. Mémoires de la Société des amis de Jacob Spon. Lyon : Presses universitaires de Lyon, 1991.
  • Therrien Lyne. – L’Histoire de l’art en France : genèse d’une discipline universitaire. Paris : éditions du CTHS, 1998.
  • Gran-Aymerich Ève. – Dictionnaire biographique d’archéologie. 1798-1945. Paris : éditions du CNRS, 2001.
  • Goudineau Christian. – Le Dossier Vercingétorix. Paris : Actes Sud / Errance, 2001.

Sources identifiées

Bordeaux, archives du Musée municipal

  • B 250

Paris, Archives nationales

  • F 17 23 609
  • 61 AJ 216

Paris, Archives de Paris

  • Archives de l’Enregistrement : déclaration de succession

Paris, Bibliothèque de l’INHA-collections Jacques Doucet

  • Acquisition du legs Brière :
    • n° 2293 : 35 lettres dans un vol., s. l., vers 1940
    • n° 2294 : notes gallo-romaines, s. l., 1927

Paris, Bibliothèque de l’Institut de France

  • Fonds manuscrits de l’Académie française : Mss 5748-5768