Informations sur l’INHA, ses actualités, les domaines et programmes de recherche, l’offre de services et les publications de l’INHA.
SAINT-PAUL, Anthyme
Mis à jour le 16 avril 2010
(26 avril 1843, Montréjeau – 27 novembre 1911, Paris)
Auteur(s) de la notice : MARGO Florence
Profession ou activité principale
Archéologue, collaborateur des éditions Hachette
Autres activités
Critique, historien de l’art
Sujets d’étude
Architecture médiévale, art des Comminges, architecture religieuse contemporaine.
Carrière
1859 : fait paraître son premier article dans le Bulletin monumental
1861-1862 : passe une année au grand séminaire de la rue du Taur à Toulouse
1862 : renonce au sacerdoce pour se consacrer à l’archéologie
1877 : prend en charge l’Annuaire de l’archéologue français ; collabore régulièrement aux Guides Joanne, après leur rachat par les éditions Hachette
Étude critique
En « ennemi de la résistance systématique aussi bien que de l’acquiescement banal et aveugle », selon ses propres termes, François Anthyme Saint-Paul participe pleinement au renouveau des études monumentales dans la seconde moitié du siècle. C’est un homme de terrain, doté d’un regard curieux et exigeant, qui exerça très tôt une activité d’analyse et de critique fondée sur ses propres observations et enrichie de la confrontation avec ses pairs. Du Second Empire à la veille de la Grande Guerre, ses études se nourrissent de données matérielles, de vérifications des recherches antérieures, d’argumentaires méticuleusement construits. Reprochant régulièrement à ses détracteurs de ne pas lire suffisamment attentivement ses textes, il se veut scrupuleux, construit ses critiques point par point et à l’occasion remet en question ses propres opinions. Par exemple, à propos de l’inclinato capite, il céda devant le raisonnement de Robert de Lasteyrie.
Lorsque ce jeune érudit de seize ans soumet son premier article sur les châteaux du Comminges au Bulletin monumental d’Arcisse de Caumont en 1859, il montre déjà son attachement à l’objet archéologique, en plus de celui à sa région d’origine, le Sud-Ouest, qui demeurera tout au long de sa vie le terrain privilégié de ses études. Il en détaille les particularités, en souligne les structures, y forge des hypothèses. Cette démarche exigeante et pragmatique, avide de questionnement, le démarque ainsi d’autres érudits locaux. Loin de se cantonner aux richesses locales du Sud-Ouest, ses recherches le portèrent en divers points du territoire. Par ses écrits, il participa activement à plusieurs des grands débats de cette fin de siècle : sur les origines du style gothique et le nom même qu’il convient de donner à cette architecture ou sur le devenir de l’architecture religieuse contemporaine, entre autres choses. Son plaidoyer pour donner à l’art roman, alors parent pauvre des études médiévales, sa pleine valeur est particulièrement attachant. À l’heure où des architectes comme Édouard Corroyer retenaient encore pour ce style les propos de Jules Quicherat, « l’architecture romane est celle qui a cessé d’être romaine, quoiqu’elle tienne beaucoup du romain, et qui n’est pas encore gothique, quoiqu’elle ait déjà quelque chose de gothique » (Revue archéologique, t. VIII, 1851, p. 145-158), Anthyme Saint-Paul livra une critique vive de cette définition. Cette architecture n’était pas, selon lui, décadente, mais au contraire pleinement aboutie. Certes, de même que Quicherat, il jugeait que la voûte et l’arcature n’étaient pas adaptées à la basilique romaine, structure la mieux adaptée aux grands rassemblements, mais malheureusement conçue pour l’entablement. Et de ce problème il faisait la cause première de l’évolution de l’architecture médiévale. Par ailleurs, il prenait le contrepoint de la vision générale en affirmant que cette recherche d’une adéquation entre le couvrement de pierre, expression la plus sûre de la romanité, et la basilique avait conduit, non à défigurer l’architecture romaine, mais à en permettre l’aboutissement logique. D’après lui, l’architecture romane obéissait aux mêmes principes que l’architecture romaine qui, sans le carcan contradictoire de l’esthétique grecque, se trouvait enfin épurée. La structure intime de l’architecture romaine résidant finalement pour lui dans l’arc plein cintre et non dans l’architrave, la voûte n’en était alors que l’expression logique. Avec ce souci pour les structures architecturales, Anthyme Saint-Paul prit part à la discussion sur le nombre d’écoles à recenser pour l’architecture romane. Fidèle à ses principes, il pausa comme préalable à toute définition la nécessité d’un criterium. Sa réflexion se porta ainsi sur une période précise, en l’occurrence le XIIe siècle, et les spécificités de chacune des écoles furent avant tout recherchées dans la distribution et les éléments organiques, les comparaisons au niveau de la sculpture n’étant que secondaires.
Affirmant la continuité des styles roman et gothique, Anthyme Saint-Paul considère ce dernier comme la manifestation du progrès par des réponses techniques apportées à la dichotomie plan basilical – couvrement de pierre. Sa conception de l’histoire monumentale reposant en premier lieu sur une analyse des techniques, les styles successifs sont considérés comme autant de réponses à des problèmes constructifs, chaque fois mieux adaptées. À la suite Eugène Viollet-le-Duc qu’il n’hésite pas, par ailleurs, à attaquer sur bien des points, il écarte de son argumentaire « caprices des constructeurs » et « goûts instinctifs des populations », pour ne retenir que la soumission de l’architecture à de « rigoureuses lois » qui en régissent les évolutions. Cette vision qui se veut pragmatique ne réussit pourtant pas à se dégager de tout positivisme. L’épanouissement du style serait une finalité intrinsèque qui pousse les techniques à évoluer, donnant ainsi aux structures les accents d’une vie autonome qui évoque indubitablement ce que sera la « vie des formes » d’Henri Focillon. L’art gothique, en tant que réponse du progrès architectural, se définit essentiellement, pour Anthyme Saint-Paul, grâce à ses composantes architectoniques, arc brisé, croisée d’ogives et arc-boutant, tous les trois associés, les modénatures et la sculpture n’étant que secondaires. Il s’accorde ainsi à la définition de l’art gothique prônée par Félix de Verneilh qui amène à considérer l’abbaye de Saint-Denis comme le premier édifice gothique. Tous deux sont alors à l’opposé d’Eugène Lefèvre-Pontalis et des chartistes et récusent par là même les théories selon lesquelles l’art gothique serait un art laïc. Enfin, le débat sur l’origine du gothique entraîna Anthyme Saint-Paul sur la question de la terminologie. Considérant que le terme « gothique » faisait par trop référence à l’Allemagne et laissait entrevoir l’hypothèse d’une origine germanique, Anthyme Saint-Paul proposait de conformer la terminologie à l’histoire et suggérait l’appellation d’« architecture gallicane ». Si les arguments d’Anthyme Saint-Paul se teintent d’un nationalisme franc, comme souvent en cette fin de siècle, il est toutefois aux antipodes d’un nationalisme exacerbé à la Maurras dont les préférences artistiques iront sans conteste au néoclassicisme. Après avoir reproché au Dictionnaire de Viollet-le-Duc son peu d’éloquence pour mettre en lumière le génie de l’art médiéval, il développa avec ténacité sa vision d’une France artistique, véritable terre d’inspiration, contenant tout le substrat nécessaire au développement des courants novateurs de l’architecture médiévale, les influences ne pouvant être que des aveux de faiblesse. À Camille Enlart qui analysait le style flamboyant français comme une influence de l’Angleterre, il répondait qu’« on emprunte que lorsqu’on est pauvre ». Partant, Anthyme Saint-Paul plaida pour l’émergence d’une architecture chrétienne nationale et originale, dans les nouveaux chantiers religieux, une architecture aussi novatrice que l’avait été celle du Moyen Âge, mais bien distincte de cette dernière. Il critiqua ainsi sévèrement, et à plusieurs reprises, les œuvres contemporaines qui se contentaient de réécrire les modèles passés et affirmait une égale virulence pour tous les styles architecturaux se déclinant sur le préfixe « néo ».
Florence Margo
Principales publications
Ouvrages et catalogues d’expositions
- Les Écoles d’architecture du XIIe siècle. Tours, 1877.
- Annuaire de l’archéologue français. Paris, Tours : s. n., 1re année, 1877 ; 2e année, 1878 ; 3e année, 1879.
- Histoire monumentale de la France. Paris : Hachette, 1883 ; nouv. éd. refondue, 1911.
- Architecture et Catholicisme, la puissance créatrice du génie chrétien et français dans la formation des styles au Moyen Âge. Paris : Bloud, 1905.
- L’Architecture française et la Guerre de Cent ans. Paris : É. Lechevalier, 1910.
Articles
- « Coup d’œil sur quelques châteaux de l’ancien comté de Comminges, des XIIe et XIIIe siècles ». Bulletin monumental, 1859, XXV, p. 643-647.
- « Notice sur le château de Salies-sur-Salat ». Bulletin monumental, 1861 XXVII, p. 185-199.
- « Notice sur le château d’Aurignac ». Bulletin monumental, 1862, XXVIII, p. 566-573.
- « Notice historique et monumentale sur Saint-Lizier » et « Notice sur quatre anciens monuments pyrénéens [pont de Saint-Lizier, château de Cérizols, château de Marignac, ancienne chapelle de Saint-André à Burgalays, vue du château de Cérizols] ». Bulletin monumental, 1863, XXIX, p. 560-577, 657-667.
- « Excursion archéologique dans le pays de Comminges ». Bulletin monumental, 1865, XXXI, p. 135-151.
- « Une excursion archéologique en Bigorre ». Bulletin monumental, 1866, XXXII, p. 705-752.
- « Notices et Observations comparatives sur les églises des environs de Paris ». Bulletin monumental, 1868, XXXII, p. 705-752.
- « L’Église du Vœu-National à Montmartre ». Bulletin monumental, 1874, XL, p. 618-632.
- « Le Présent et l’Avenir de l’architecture chrétienne ». Bulletin monumental, 1875, XLI, p. 293-334, 493-529, 685-721.
- « Simples Mémoires sur l’origine du style ogival ». Bulletin monumental, 1875, XLI, p. 5-23.
- « Le Cas de la cathédrale d’Évreux. Histoire et critique de sa restauration par M. Darcy ». Bulletin monumental, 1876, XLII, p. 545-584.
- « L’Archéologie nationale au salon de 1876 » et « L’Archéologie nationale au salon de 1877 ». Bulletin monumental, 1877, XLIII, n°s 2, 4, p. 125-155, 305-328.
- « Sur l’architecture religieuse dans l’arrondissement de Senlis ». In Congrès archéologique de France, 1877, p. 246-268.
- « De l’origine des clochers ». Bulletin de la Société de Saint-Jean pour l’encouragement de l’art chrétien, 1878, p. 330.
- « Viollet-le-Duc et son système archéologique ». Bulletin monumental, 1880, XLVI, p. 409-463, 716-778 ; 1878, XLIV, p. 5-54, 187-234, 349-417, 445-504.
- « De la position des clochers et de leur forme ». Revue de l’art chrétien, 1880, XXVI, p. 49 et 409 ; 1881, XXVII, p. 435.
- « Le Cas de la cathédrale de Reims ». Bulletin monumental, 1881, XLVII, p. 689-699.
- « Le Carnet d’un archéologue ». Bulletin monumental, 1883, XLIX, p. 532-562.
- « La Renaissance en France [à propos du récent ouvrage publié sous ce titre] ». Bulletin monumental, 1884, L, p.237 et 529.
- « Notes sur l’architecture dans le Comminges du troisième au XVe siècle ». Revue de Comminges, 1887, p. 1-32.
- « La Renaissance en Bretagne ». Congrès archéologique de France. Nantes, 1887, p. 189-206.
- « L’Architecture romane d’après M. Corroyer ». Bulletin monumental, 1888, LIV, p. 163-188.
- « Réponse de M. A. Saint-Paul à M. de Dion ». Bulletin monumental, 1889, LV, p. 38-42.
- « L’Art gothique ». Bulletin monumental, 1890, LVI, p. 342-362.
- « Périgueux et Angers ». Bulletin monumental, 1891, LVII, p. 189-192,321-349.
- « Bibliographie : L’architecture romane dans l’ancien diocèse de Mâcon, par M. J. de Virey, 1892 ». Bulletin monumental, 1891-1892, LVII, p. 398-402.
- « L’Innommée ». Bulletin monumental, 1893, LVIII, p. 411-432.
- « La Transition ». Revue de l’art chrétien, 1894, 4e série, XII, p. 470-482 ; XIII, p. 1-20,97-107.
- « L’Architecture gothique ou ogivale ». Bulletin monumental, 1894, p. 5-19.
- « Les Monuments d’Orléans ». Congrès archéologique de France. Orléans, 1894, p. 154-161.
- « Bibliographie : Nouveaux documents pour l’histoire de la création des résidences royales du bord de Loire, par Jospeh de Croÿ, 1894 » ; « Bibliographie : Origine française de l’art gothique en Italie, par C. Enlart, Paris, 1894 ». Bulletin monumental, 1894, LIX, p. 297-300, 554-558.
- « La Question de Saint-Front de Périgueux ». Bulletin monumental, 1895, LX, p. 5-28.
- « Bibliographie : Art et archéologie dans le département de la Loire, par Félix et Noël Thiollier, in-8 ». Revue de l’art chrétien, 1898, XVI, p. 484-486.
- « Note archéologique sur Saint-Sernin de Toulouse ». Bulletin archéologique du ministère, 1899, p. 396-413.
- « Le Congrès des Sociétés savantes à Saint-Bertrand et à Valcabrère ». Revue de Comminges, 1899, XIV, p. 200-210.
- « Arreau et Sarrancolin ». Revue de Comminges, 1899 et 1900, XIV et XV, p. 68-70,39.
- « Cent ans d’archéologie médiévale ». Revue de Comminges, 1900, XV, p. 1-13,49-59.
- « Promenade archéologique dans le Comminges ». Revue de Comminges, 1900, XV, p. 141-150,227-237.
- « Le Château de Valmirande en Comminges ». Revue de Comminges, 1901, XVI, p. 112-118.
- « L’Abbaye de Bonnefont, conférence donnée à Saint-Gaudens le 11 juin 1901 ». Revue de Comminges, 1901, XVI, p. 166-185.
- « L’Archéologie du Moyen Âge et ses méthodes ». Revue de l’art chrétien, 1905, XXIII, p. 156,233-244.
- « Les Irrégularités de plan dans les églises ». Bulletin monumental, 1906, LXX, p. 129-155.
- « La Cathédrale de Reims au XIIIe siècle ». Bulletin monumental, 1906, LXX, p. 288-328.
- « Les Origines du gothique flamboyant en France ». Bulletin monumental, 1906, LXX, p. 483-510.
- « Bibliographie, un nouveau livre sur l’art chrétien : Histoire de l’art depuis les premiers siècles chrétiens jusqu’à nos jours, par A. Michel, t. I, Paris, Colin, 1905. ». Revue de l’art chrétien, 1906, p. 145-157.
- « Précocités artistiques à Saint-Bertrand-de-Comminges ». Revue de Comminges, 1907, XXII, p. 158-161.
- « Bibliographie : Précis d’archéologie du Moyen Âge, par M. J.-A. Brutails, Toulouse, Privat, in 8°. ». Revue de l’art chrétien, 1908, p. 273.
- « Bibliographie : Mélanges par M. Joseph Bertelé, in 8°, 1906. ». Revue de l’art chrétien, 1908, p. 273-274.
- « Bibliographie : Histoire de l’art depuis les premiers siècles jusqu’à nos jours, sous la direction de A. Michel, t. II, Paris, Colin. ». Revue de l’art chrétien, 1908, p. 274-275.
- « Les Coupures et les Formules de l’archéologie médiévale ». Revue de l’art chrétien, 1911.
Bibliographie critique sélective
- Dion Adolphe (comte de). – « Lettre à M. Anthyme Saint-Paul sur l’architecture romane ». In Bulletin monumental, 1888, LIV, p. 551-555.
- Lasteyrie Robert-Charles (comte de). – « L’Architecture gothique ». In Bulletin monumental, 1893, LVIII, p. 523-537.
- Enlart Camille. – « L’Origine anglaise du style flamboyant ». In Bulletin monumental, 1906, LXX, p. 511-523 ; 1910, LXXIV, p. 125-147.
- Lefèvre-Pontalis Eugène. – « Nécrologie : Anthyme Saint-Paul ». In Bulletin monumental, 1911, LXXV, p. 568-570.
- Lahondès Jules (de). – « Notice sur Anthyme Saint-Paul membre honoraire ». In Bulletin de la Société archéologique du Midi de la France, 1911, série 2, n° 40, p. 265-275.
Sources identifiées
Pas de sources recensées à ce jour
En complément : Voir la notice dans AGORHA