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SEGALEN, Victor
Mis à jour le 16 avril 2010
(14 janvier 1878, Brest – 1919, forêt du Huelgoat)
Auteur(s) de la notice :
ELISSEEFF Danielle
Profession ou activité principale
Médecin de marine
Autres activités
Voyageur, écrivain, poète, archéologue, musicien
Sujets d’étude
La civilisation chinoise
Carrière
1896 : début de ses études médicales à l’hôpital maritime de Brest
1897 : concours d’entrée et admission à l’École de santé navale de Bordeaux (suit en cela les traces de son grand-oncle Pierre-Charles Cras et de son oncle Émile Lossouarn ; aurait souhaité devenir officier de marine, mais cela lui est impossible car il est myope)
1899 : première rencontre de Joris-Karl Huysmans
1901 : rencontre à Paris de Joris-Karl Huysmans, Catulle Mendès, Remy de Gourmont, personnalités du Mercure de France
1902 : soutenance, le 24 janvier, d’une thèse bientôt publiée (Bordeaux, Cadoret) sous le titre de Cliniciens ès lettres [titre universitaire : « L’Observation médicale chez les écrivains naturalistes »] ; expérience de l’opium ; rencontre du poète Saint-Pol-Roux ; stage à l’hôpital maritime de Saint-Mandrier de Toulon
1902 : embarquement, au Havre, sur la Touraine en partance pour Tahiti
1903 : arrivée à Papeete ; reçoit l’affectation de médecin-major sur l’aviso-transport Durance ; pèlerinage aux Marquises, où Gauguin est mort le 8 mai précédent ; achat d’œuvres de Gauguin ; séjour à San Francisco afin de traiter les suites d’une typhoïde
1905 : retour à Toulon où se trouve Claude Farrère ; rencontre du peintre Georges-Daniel de Monfreid ; le 3 juin, mariage avec Yvonne Hébert, fille d’un médecin brestois ; rencontre d’Augusto Gilbert de Voisins, par l’intermédiaire de Claude Farrère
1907 : collaboration avec Debussy sur une œuvre musicale : Orphée-Roi
1908 : initiation à la langue et à la civilisation chinoises (cours d’Arnold Vissière aux Langues orientales et d’Édouard Chavannes au Collège de France), sur la suggestion d’Henri Manceron, afin de postuler au poste d’élève-interprète, ce qui lui permettra de se rendre en Chine, destination très prisée à l’époque
1909 : départ pour la Chine
Août 1909-janvier 1910 : première expédition archéologique avec Gilbert de Voisins, selon le parcours défini par Édouard Chavannes ; à Chongqing, Jean Lartigue, EV sur la canonnière Doudart de Lagrée, se joint à l‘expédition ; au cours de l’année, installation à Pékin, rejoint par sa femme et son fils
1911 : mission humanitaire et médicale à Shanhaiguan pour combattre la peste qui sévit dans la région ; nomination au poste de médecin-major de deuxième classe à l’Imperial Medical College de Tianjin
1912 : parution de Stèles
1912 –1913 : soigne le général Yuan Shikai
1914 : deuxième expédition archéologique, qui reçoit le nom de « mission Ségalen-Voisins-Lartigue »
1915-1916 : retour en Europe pour cause de « Grande Guerre », mais, en mauvaise santé, ne peut rejoindre le front
1917 : nouvelle mission en Chine, à la demande du ministère de la Guerre, afin de recruter de la main-d’œuvre chinoise ; troisième expédition archéologique
1918 : service à l’hôpital maritime de Brest, afin de lutter contre l’épidémie de grippe espagnole ; surmenage, dépression, hospitalisation à Brest, puis convalescence en Algérie chez Charles de Polignac
1919 : séjour, toujours de convalescence, à Huelgoat
21 mai 1919 : quitte son hôtel pour une excursion
23 mai 1919 : son épouse découvre son corps dans la forêt, un exemplaire d’Hamlet à ses côtés ; il porte à la jambe une blessure profonde et un garrot sommaire qui n’a pas empêché l’hémorragie ; nul ne sait s’il s’agit d’un accident ou d’un suicide
Étude critique
Victor Segalen, qui explora tant de mondes et expérimenta tant de champs d’activité, tenta aussi de fonder une vision nouvelle de l’art chinois ; il la voulait très éloignée de celle qui prévalait alors en Europe, fondée, depuis le XVIe siècle, sur l’observation d’objets divers (des céramiques, des laques) qu’importaient les Compagnies des Indes. Segalen, qui allait toujours vers le plus éloigné, dans le temps et l’espace, et le plus authentique, s’est enthousiasmé pour une science nouvelle : la recherche archéologique, ce qui le conduisit à mener, sur le sol chinois, des travaux de repérage extrêmement utiles et nouveaux à l’époque. Ils constituent l’une des bases de son œuvre.
Certes, pour qui se réfère aux découvertes et aux avancées récentes, l’étude qu’il en propose a perdu de son intérêt scientifique. En revanche, le regard du poète sur les civilisations extra-européennes, sa très grande sensibilité, son souci constant de se libérer d’une tradition occidentale jugée étouffante, ainsi que la valeur d’évocation de son écriture magnifique, ont donné une longue et large portée à ces textes, bâtis à partir d’une expérience directe des pays et des civilisations concernés. Segalen n’hésite jamais, de plus, à donner son avis, soupeser l’esprit des pièces qu’il décrit ; il en apprécie la valeur selon son jugement qu’il exprime sans remords et, peu à peu, construit son raisonnement qui est d’abord celui d’un critique d’art engagé, passionné, inscrit dans son temps, à la manière de Baudelaire.
Pour mieux comprendre sa démarche, il faut revenir au point de départ, au moteur qui pousse le jeune médecin qu’il était à découvrir, expérimenter, tenter de comprendre les civilisations d’un monde que les communications commencent à unifier. Le point essentiel est peut-être celui-ci : il n’est pas question pour lui de s’enfermer dans l’expérimentation d’une seule discipline, mais de rechercher et multiplier des expériences nouvelles, apportant des réponses aux interrogations existentielles qui le hantent.
Ces dernières le taraudent, en effet, depuis son plus jeune âge et devaient nourrir toute sa vie des formes plus ou moins profondes d’angoisse qui ne cessèrent de le tenailler. Aux yeux de ses proches et de ses médecins, cette angoisse allait même bien au-delà de l’inquiétude ordinaire. Elle le plongea, au moins par trois fois, dès ses jeunes années, dans un état dépressif grave : d’abord en 1893, l’année de ses quinze ans (il ne supporte pas le collège où ses parents l’ont inscrit après son échec à la première partie du baccalauréat) ; puis en 1900, à vingt-deux ans (il vient de découvrir Joris-Karl Huysmans et se rebelle contre la religiosité, qu’il juge étriquée, de sa famille) ; et enfin en 1918, un an avant sa mort (à quarante et un ans), en plein épuisement physique et moral.
Il n’est un secret pour personne que le petit Victor, enfant « tardillon » de parents qui, craignant pour sa santé, le couvent à l’extrême, étouffa dès l’adolescence dans un milieu familial par ailleurs savant, plein d’attentions et de bonnes intentions. Certains évoquent aussi la longue série des drames domestiques qui semblent avoir ponctué son enfance, entre la mort des grands-parents et la disparition en mer, réelle ou redoutée, de proches dont, selon la tradition bretonne de l’époque, les femmes portent déjà le deuil avant même que l’irréparable se soit produit.
C’est sans doute pourquoi le jeune homme a, dès sa jeunesse, tant besoin d’écrire ; pourquoi aussi le thème de la décadence et de la destruction nourrit d’entrée de jeu tous ses textes. C’est de même pour s’opposer aux cadres trop protecteurs de son enfance qu’il attaque si violemment, dès son arrivée en Polynésie, l’action des missionnaires, et, d’une manière plus générale, celle de toute religion prêchée et imposée comme une « révélation ». Il se désespère en constatant dans quelle large mesure les prédicateurs chrétiens, protestants et catholiques confondus, ont détruit la culture orale des Polynésiens ; mais de cette fureur créatrice naîtra son envie et même l’urgence d’écrire. Marie Dollé (Victor Segalen, voyageur et visionnaire, Mauricette Berne, p. 63) exprime élégamment que « dans la disparition de la parole immémoriale, [il] trouve l’émergence de son écriture ».
Ce parti pris anti-clérical et, au-delà, anti-religieux n’est pas anodin : il lui donne la force d’agir certes, mais lui ferme aussi définitivement les yeux sur la vitalité et la pérennité, sous des formes diverses, de tout message religieux. Segalen se désintéresse ainsi d’un phénomène très à la mode en son temps : l’enseignement bouddhique et l’art qui en découle. Il faut néanmoins reconnaître au contestataire de bonnes raisons. Cette attitude iconoclaste, nourrie de considérations propres à l’histoire européenne de l’époque, traduit un agacement légitime contre la vogue qui sévissait alors pour l’art extrême-oriental en Occident et tendait à le réduire dans son ensemble à la seule expression des notions religieuses bouddhiques.
Segalen, lui, ne comprend rien à l’iconographie qui l’illustre ; elle ne parle pas à sa sensibilité et il n’hésite pas à le dire. Les années ne feront qu’affirmer ses convictions ; il s’en ouvrira même sans ambages à un journaliste du Temps (l’article paraît le 22 juin 1914) : Segalen avoue ne ressentir aucune émotion devant les célèbres sculptures rupestres de Longmen (au Henan, en Chine), et le bouddhisme, selon lui, n’a apporté à l’art et à la pensée chinoise que « dégradation ». Il persistera, en 1917, lors d’une conférence faite à Shanghai devant les membres de la Royal Asiatic Society : il y affirmera que l’art bouddhique est « opposé au réel génie chinois ». Il lui appartient, en corollaire, de définir ce dernier, et tel est bien le sens des inventaires archéologiques auquel il consacre une partie importante de son temps et de son énergie, poussé par un très grand sinologue, Édouard Chavannes (1865-1918) dont il suit les cours au Collège de France.
C’est en effet dans cet enseignement qu’il trouve, depuis une dizaine d’années, des exemples admirables de ce qu’est, pour lui, le « génie chinois » dont il rêve, une sorte de génie infiniment puissant et infiniment raisonnable, voire pragmatique. Car, en suivant les cours de Chavannes au Collège de France, Segalen a découvert l’archéologie de terrain dont les avancées toutes récentes sont en train, partout, de révolutionner la perception du monde.
Segalen, cependant, fait ses choix. Il ne montre, par exemple, aucune attirance pour les bronzes et les jades antiques dont les caractéristiques et la beauté sauvage, à travers les collections Cernuschi et Guimet à Paris, se diffusent en Occident. Il éprouve en revanche une extrême fascination pour les estampages de bas-reliefs anciens que son maître montre et commente, de leçon en leçon. Devant ces relevés de parois qui ornaient autrefois des tombes antiques, Segalen admire le graphisme épuré, en « ombres chinoises », la vitalité du trait qui rebondit en rythmes savants. Il y voit un art absolument original, sur lequel la « pollution » occidentale qu’il dénonçait tant en Polynésie, ni aucune autre, n’a pu s’exercer.
Or Chavannes, qui après avoir lui-même effectué en Chine un long séjour, avait établi une liste de sites anciens (du IIe siècle avant notre ère au milieu du Ier millénaire), à partir des données mentionnées dans les Mémoires historiques : la première des histoires dynastiques chinoises, remontant au IIe siècle avant notre ère, et dont Chavannes consacrait une partie de sa vie (1895-1905) à traduire plusieurs chapitres. L’auteur des Mémoires historiques, Sima Qian, évoquait en effet, au fil des biographies fort documentées qui remplissent toute une section de son ouvrage, des tombes, des stèles, des sculptures marquant l’espace funéraire, des monuments votifs – autant de sites antérieurs ou indépendants de l’évolution bouddhique. Chavannes aurait aimé une nouvelle fois se rendre sur les lieux afin de tenter un repérage des vestiges correspondant à de tels monuments et vérifier s’ils étaient toujours visibles en surface. Mais, convaincu qu’il ne pourrait plus le faire lui-même, le savant en confie la mission à Segalen ; néanmoins, il supervisera de Paris l’avancement des travaux.
Trois missions en découlent. La première (août 1909-janvier 1910) conduit Segalen et son ami Augusto Gilbert de Voisins sur l’itinéraire que son maître a conçu ; celui-ci les mène de Pékin à Chengdu puis Chongqing (Sichuan) en passant par Xi’an (Shaanxi). Rendue à Chongqing, sur le Yangzi, l’expédition embarque pour descendre les rapides, puis se laisse glisser sur le fleuve jusqu’à Shanghai où les deux hommes retrouveront les concessions étrangères. Ils y parviennent en février 1910. Trois ans plus tard, en 1913, Gilbert de Voisins en publie à Paris le compte rendu sous ce titre : Écrit en Chine.
La seconde mission rassemble les deux amis auquel s’adjoint un officier de marine. Ce dernier, Jean Lartigue, est un membre de l’escadre d’Extrême-Orient ; Segalen et Gilbert de Voisins l’ont rencontré lors de leur longue descente du Yangzi, de Chongqing à Shanghai. De novembre 1913 à janvier 1914, les trois hommes sillonnent le bassin du fleuve Jaune, puis gagnent une nouvelle fois le Sichuan. Mais c’est là que, le 10 août 1914, ils apprennent la déclaration de guerre. Tous doivent rentrer en France afin de rejoindre leur affectation.
Une troisième et dernière expédition a lieu, malgré les circonstances, en 1917. Segalen, écarté des combats pour cause de santé fragile, revient en Chine organiser, à la demande du gouvernement, la venue en France d’ouvriers chinois, afin de remplacer dans les usines les combattants toujours maintenus sur le front.
Il en profite pour poursuivre et même étendre ses investigations, repérages et inventaires de monuments anciens. En s’appuyant sur des travaux chinois et la lecture de rapports occidentaux (notamment ceux du Père Gaillard), il décide ainsi de se rendre à Nankin afin d’y observer les vestiges de tombeaux des empereurs d’une dynastie ayant régné en Chine centrale au milieu du Ier millénaire, les Liang (tombeaux datés de 453 à 559). Effectivement, des statues marquant autrefois l’allée funéraire (le « chemin des âmes », shendao) subsistent, perdues au milieu des champs. Segalen effectue un relevé complet des sculptures encore existantes et tente, pour chaque tombe, de dégager la structure générale des lieux.
Ces trois missions formeront la matière d’un livre resté inédit du vivant du poète et publié pour la première fois, sous une forme partielle, seulement en 1972 : Chine : la grande statuaire. Mais cet ouvrage, malgré son titre, n’est pas à proprement parler un travail d’histoire de l’art. Comme le dit Philippe Postel (voir www.victorsegalen.org, consulté le 10 novembre 2007), « Chine : la grande statuaire est une rencontre vécue de l’intérieur avec la tradition esthétique chinoise, que Segalen a su “reconstituer”, grâce à ses connaissances de sinologue, grâce à son intuition d’artiste, grâce aussi à son imagination de poète. Sur un autre plan, l’ouvrage retrace une aventure spirituelle : la visite pas à pas des sites funéraires chinois induit aussi une forme d’apprentissage de la mort et du temps, sensible à la lecture de l’ouvrage ».
Avec le recul du temps, et placés au regard des travaux menés sur une grande échelle depuis un demi-siècle, le mérite du poète et celui du philosophe prennent le pas sur celui du sinologue. Il reste que ce dernier a su attirer l’œil de ses contemporains vers des formes d’art qui leur étaient totalement étrangères. Il a su, surtout, commencer à regarder ces témoignages d’un art « autre » en faisant table rase, dans la mesure du possible, d’une échelle de valeurs qui était la sienne : en tentant de faire abstraction des présupposés de l’art occidental classique. Le mouvement, dans son enthousiasme, a emporté injustement les œuvres qui semblaient, à première vue, procéder davantage d’une synthèse de styles et de modes d’expression divers, importés d’Inde ou d’ailleurs ; dans sa quête du pur « génie chinois », Segalen a ainsi écarté, comme avec véhémence, tout ce qui pouvait aisément se rattacher à des formes de pensée germées dans un cadre étranger à l’Empire ; mais c’était oublier que la civilisation chinoise, comme toutes les autres, est née et s’est enrichie précisément de tels emprunts et échanges.
Il faut donc lire Segalen en le replaçant dans les actions et les combats qu’il menait. Ses textes apportaient, et continuent d’apporter, tout autre chose que les données d’une histoire de l’art ou d’une archéologie également savantes. Ils proposent, avec vigueur et parfois avec violence, une indispensable remise en cause des schémas préétablis, une recherche de l’authenticité, de l’originalité.
Chemin faisant, et puisqu’il refusait les images du bouddhisme sentimental et consolant qui s’était développé en Chine, Segalen rencontra d’abord, et presque uniquement, des sites funéraires, c’est-à-dire la mort : elle était à l’origine de tous les monuments qu’il aimait tant, qui lui inspirèrent ses plus beaux poèmes (Stèles) et qu’il considérait comme uniques et extrêmement « chinois ».
Plus il avançait, néanmoins, plus il se trouvait confronté au premier invariant du monde : la découverte de l’impermanence ; et, paradoxalement, cette idée-là est, aussi, une idée bouddhique.
Danielle Elisseff
Principales publications
La personne, la vie et l’œuvre de Victor Segalen ont fait et font toujours l’objet de très nombreuses recherches et de travaux bibliographique d’une rare ampleur. C’est à ces ouvrages de référence, constituant autant de catalogues de sources, qu’il convient de se reporter :
Ouvrages et catalogues d’expositions
- Œuvres complètes. Paris : R. Laffont, 1995, Henry Bouillier, éd. (« Bouquins »).
Bibliographie critique sélective
- Berne Mauricette, dir. – Victor Segalen, voyageur et visionnaire. Paris : Bibliothèque nationale de France, 1999.
- Dollé Marie et Doumet Christian, dir. – Victor Segalen, numéro spécial du Cahier de l’Herne. Paris : éd de l’Herne, 1998.
Sources identifiées
Paris, Bibliothèque nationale de France, département des Manuscrits
- Les manuscrits de Victor Segalen ont été cédés en 1982 et 1984. Par la suite, une donation avec usufruit a été faite pour la correspondance (de et à Segalen) et les dossiers de travail.
Paris, Bibliothèque nationale de France, département des Estampes et de la Photographie
- Plaques de verre de la mission de 1910.
- Photographies de la mission de 1914 (donation de 1999).
Paris, musée Guimet
- Dons en 2007 des papiers de Jean Lartigue (1886-1940) : fonds BG84372
En complément : Voir la notice dans AGORHA