Travail des mains et de l’esprit ? Travail des mains seules ? Une telle distinction ne fonde-t-elle pas la hiérarchie que nous établissons inconsciemment lorsque nous choisissons entre ces deux mots : artisan, artiste ? Ces deux vocables cousins mais dont l’un est le parent pauvre, dérivent d’un troisième, le mot art, et c’est de lui qu’il faut partir. Art signifie tout simplement : savoir-faire, une certaine habileté dans la mise en œuvre des pratiques par quoi l’homme assure sa prise sur le monde. Par art, on entend aussi ces pratiques, l’ensemble des savoirs, des procédés, des recettes, transmis de génération en génération […]. La délimitation entre les arts libéraux et les arts mécaniques prend assise en effet sur de très vieilles attitudes mentales, alliant la noblesse à l’oisiveté, réputant le travail manuel « servile », indigne de l’homme de qualité, sur d’autres aussi, manichéennes, qui, voyant dans le charnel la part maudite de l’univers, tournait le dos à la matière, la redoutait, la condamnait, s’évertuant à dégager à toute force le spirituel du corporel […]. La promotion de ceux qui n’étaient au départ que des tâcherons s’opéra cependant, très lente, à la faveur de la croissance économique éblouissante qui remplit le XIIe siècle européen. […] L’homme ne fut plus si fortement convié à se détourner du corporel, mais appelé au contraire à coopérer de ses mains, à l’œuvre du créateur. Cette avancée vers l’optimisme, le renforcement des puissances laïques l’accompagnait. L’Église perdait progressivement le monopole des grandes entreprises artistiques ; lorsqu’elle en dirigeait encore, elle bridait moins étroitement l’initiative des travailleurs attelés à l’exécution de ses plans. […] Gagnant de l’indépendance, leur intervention gagna du prix. Enfin la notion de beauté formelle, chargée de sa propre valeur, digne * d’être admirée pour soi, et non plus seulement pour ce qu’elle signifie, se déplaça progressivement depuis les œuvres littéraires vers celles qui s’incarnaient dans la pierre, le métal et les pigments colorés […]. Maîtres d’œuvre, coordonnant l’activité de multiples métiers, les architectes, salués « docteurs ès pierres », se faufilèrent ainsi dans les rangs des maîtres de l’université.

Georges Duby

Éclairage

La richesse du patrimoine architectural français et les multiples opérations de restauration sur le territoire sont autant de pistes permettant d’étudier les actions menées par les artisans et leurs multiples savoir-faire. Le plan « cathédrales » de la région Centre-Val de Loire, amorcé en 2009, permet de suivre les travaux engagés à la cathédrale de Tours, puis à celle de Chartres, avec la restauration du transept sud et des vitraux du haut chœur de cette dernière. Pour le patrimoine contemporain, la villa Cavrois de Robert Mallet-Stevens est un bon exemple de collaboration des métiers d’arts dans un chantier de restauration. Cette restauration est d’autant plus remarquable que la villa est un exemple d’œuvre d’art totale, l’expression d’une maîtrise pleine et entière du projet par Mallet-Stevens du jardin à la décoration intérieure et au mobilier. Abandonnée dans les années 1990, totalement délabrée, un travail de restauration de la villa, a été mené à partir de 2003, au plus près de sa forme originale, par de nombreux corps de métiers liés à l’artisanat d’art et au bâtiment. Extrêmement bien documentée, tant par les propos et archives de son architecte que par les photographies d’époque, la restauration de la villa permet de visualiser et de comprendre tous les enjeux à l’œuvre dans la conception, la réalisation et la revalorisation d’un monument.

 

Les ressources :

Présentation en ligne du patrimoine monumental emblématique de la région Centre-Val de Loire

Présentation de la villa et un documentaire sur le chantier de restauration de la villa Cavrois

Présentation de l’exposition Robert Mallet-Stevens au Centre Pompidou

Ouverture

La tour Eiffel, construite en deux ans et deux mois, à l’occasion de l’Exposition universelle de 1889, fut durant 40 ans le plus haut édifice du monde. Le but était pour la France de montrer sa haute technologie et un savoir-faire sans égal. Les ingénieurs Maurice Koechlin, Émile Nouguier et l’architecte en chef Stephen Sauvestre, de l’entreprise Eiffel, gagnèrent le concours. Deux autres hommes de l’équipe Eiffel vont être déterminants pour mener à bien le chantier : le charpentier Jean Compagnon, suit après son apprentissage les cours du Conservatoire national des arts et métiers et le compagnon charpentier du Devoir de Liberté Eugène Milon à qui est confié le levage de la tour. Rodin est avant tout un sculpteur modeleur. Le modelage est la technique la plus primitive et la plus directe de mise en forme de la terre. Le critique Paul Gsell évoque dans ses souvenirs la formidable dextérité de l’artiste : « ses mains étaient extraordinairement larges avec des doigts fort courts. Il malaxait la glaise avec furie, la roulant en boules, en cylindres, usant à la fois de la paume et de ses ongles, pianotant sur l’argile, la faisant tressaillir sous ses phalanges, tantôt brutal, tantôt caressant, tordant d’un seul coup une jambe, un bras, ou bien effleurant à peine la pulpe d’une lèvre… La terre s’animait sous ses passes magnétiques ». Nombreuses sont ses pièces modelées rapidement qui présentent des empreintes de doigts, de tissu, d’outils divers. Rodin ne cherche pas à dissimuler les déformations, il fait affleurer le matériau brut.

 

Les ressources :

Des fiches pédagogiques La Tour Eiffel et sa construction

Une émission » Sophie Germain et l’élasticité de la matière »

Les animations « Les techniques de la sculpture »

Pistes pédagogiques

1.Imaginer, à partir d’une œuvre observée sur le terrain, une activité avant-après restauration (état, dégradation, techniques et types de restauration) en utilisant les outils numériques de photomontage. Prendre des photos, capturer, modifier des images et réaliser des montages à partir de plusieurs images. Échanger sur les choix et méthodes de transformation d’images et de mutualiser les ressources. Ce travail peut donner lieu à une collaboration et à la médiation de professionnels, notamment à l’occasion de l’opération Levez les yeux.

Ressource : La fiche Je mène un projet avec mes élèves – Arts visuels et Patrimoine

 

2 Étudier la pierre en lien avec les métiers du bijou, de la taille au dessin, de la confection à la vente. Retracer dans un portfolio numérique les différentes étapes de la création d’un bijou fictif.

Ressources :

Une vidéo sur les métiers du bijou

Une exposition « Le bijou dessiné »

 

3 Aborder le chantier d’une cathédrale, dans les grandes étapes de sa construction hier et dans sa restauration aujourd’hui. C’est l’occasion d’un débat sur la notion de patrimoine de classe.

Ressource : Le dossier multimédia « Notre-Dame de Paris, quatre siècles de chantier »

 

4 Observer les gestes, les techniques de la reliure et de la restauration de livres anciens à l’occasion d’une rencontre avec un artisan lors de la journée européenne des Métiers d’art.

Ressource : Le site vers les journées européennes des métiers d’arts

Références au programme

Programme du cycle 3
Connaissances et compétences associées : Dégager d’une œuvre d’art, par l’observation ou l’écoute ses principales caractéristiques techniques et formelles
Identifier des matériaux, y compris sonores, et la manière dont l’artiste leur a donné forme
Programme du cycle 4
Histoire des arts
Thématique 7 : Les arts entre liberté et propagande (1910-1945)
De l’autonomie des formes et des couleurs à la naissance de l’abstraction
Arts Plastiques
Questionnements : La matérialité de l’oeuvre ; l’objet et l’oeuvre
La transformation de la matière
Musique
Connaisances et compétences associées : Explorer, imaginer, créer et produire
Identifier les leviers permettant d’améliorer et/ou modifier le travail de création entrepris
Technologie
Design, innovation et créativité
Imaginer des solutions pour produire des objets et des éléments de programmes informatiques en réponse au besoin

Compétences en histoire des arts
Construire un exposé de quelques minutes sur un petit ensemble d’oeuvres ou une problématique artistique
Attendus de fin cycle en histoire des arts
Rendre compte en termes personnels d’une expérience artistique vécue, soit par la pratique soit comme spectateur
Connaissances et compétences associées
Utiliser un lexique simple mais adapté au domaine artistique concerné, à sa forme et à son matériau, pour aboutir à la description d’une oeuvre dans sa globalité.

Domaine du socle commun de connaissances, de compétences et de culture
Domaine 2 Les méthodes et outils pour apprendre