Analyser une œuvre afin de mieux la comprendre, pour peu qu’elle soit très éloignée de nous dans le temps, nécessite parfois le recours à des spécialistes (physiciens, chimistes, ingénieurs). Aujourd’hui, ces derniers utilisent fréquemment le procédé de datation au carbone 14 qui a largement fait avancer les connaissances en archéologie et paléontologie. Un dialogue avec les disciplines scientifiques permet de renforcer l’approche des arts qui ne sont pas uniquement du domaine des sciences humaines. Environ un millier de portraits dits du Fayoum peuplent aujourd’hui les musées du monde entier, deux mille ans nous séparent d’eux (les plus anciens datent de l’époque de Tibère (37-41 ap. J.-C.), les plus récents du ive siècle. ap. J.-C.). Ils sont les seuls vestiges, avec ceux de Pompéi, d’un corpus considérable de peinture antique. Le laboratoire du Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF) a soumis un de ces portraits à plusieurs types d’analyses parmi lesquelles la micro fluorescence X et la photographie de fluorescence d’ultraviolet.

La radiographie révèle une femme différente, beaucoup plus âgée. Son visage est très allongé, le menton pointu, la lèvre supérieure charnue, les joues creusées. Il est très probable que le peintre a dû s’adapter au souhait de son modèle ou de son commanditair d’avoir une image moins réaliste et plus flatteuse. Le visage a été rajeuni et adouci : le menton a été raccourci, les joues sont devenues pleines, les cernes des yeux moins marqués et le front réduit par une chevelure plus fournie. […] Sur ce Portrait de femme, on identifie principalement une série de pigments minéraux que l’artiste mélangeait afin d’obtenir toute une gamme de nuances lui permettant en particulier de moduler les jeux d’ombre et de lumière du visage : blanc de plomb, ocres et oxydes de fer jaunes et rouges, minium. Du noir organique est parfois associé en quantité variable à ces minéraux pour donner des teintes plus ou moins sombres comme celle du fond gris. Un colorant organique rouge vient compléter la palette chromatique.

Son identification par spectrométrie Raman révèle la présence d’alizarine, substance tinctoriale ayant pour origine probable des caille-laits ou de la garance. L’examen sous lumière ultraviolette induit une fluorescence dans le visible de certains composés minéraux ou organiques et révèle l’emplacement des zones peintes avec ce colorant organique à vive fluorescence rouge : uniquement sur la tunique. L’image obtenue met en évidence les deux bandes sombres des clavi, renfermant du noir organique et un peu de colorant bleu (…).

 

Sylvie Colinart, Marie-France Aubert, Roberta Cortopassi

Éclairage

Les sciences sont associées aux arts pour dater, caractériser les techniques d’exécution et les ateliers de fabrication, l’origine des matériaux naturels, déterminer la provenance et l’authenticité des objets, identifier la nature des altérations et localiser les restaurations. Les procédés scientifiques utilisés par les experts sur les œuvres d’art permettent au-delà du simple exercice de la vue, d’appréhender le passé (dessins préparatoires ou repentirs) et le présent (causes de dégradations). Les rayons électromagnétiques augmentent alors notre vision des œuvres d’art et interrogent les liens entre perception et connaissances. C’est l’occasion de rappeler avec Joëlle Bolloch les origines scientifiques de l’image photographique, qui « dès son apparition (…) entretient avec la science des liens très étroits », et la première évocation d’une photographie post-mortem prend place dans ce contexte. Le 14 octobre 1839, soit quelques mois après la présentation à l’Académie des Sciences du procédé mis au point par Daguerre et deux mois après sa divulgation, les Comptes rendus de l’Académie des Sciences font état de la lecture d’une lettre signée par le docteur Alfred Donné :«J’ai obtenu un très beau résultat en prenant l’image d’une personne morte».

 

Ressources numériques : « Portraits du Fayoum »: Une vidéo « Les portraits du Fayoum appartenant au musée des Beaux-Arts de Dijon »

Ouvertures

Le musée de la coopération franco-américaine de Blérancourt a confié au C2RMF un costume amérindien d’un chef sioux et d’autres éléments de costumes provenant d’Amérique. Cela a été l’occasion de réaliser un travail important de collecte d’informations sur les différents matériaux constitutifs comme la détermination de l’origine animale des peaux, des plumes et de la nature des fils. Avec les procédés de la musique électronique, le compositeur Max Richter s’empare des Quatre Saisons (1723-1725) d’Antonio Vivaldi. Pour lui, cette œuvre majeure du répertoire classique s’est altérée, elle a perdu de sa force, employée comme fond sonore dans les annonces publicitaires ou les sonneries de smartphones. À la manière d’un scientifique, il s’en empare et dans Recomposed by Max Richter : Vivaldi – The Four Seasons (2012) travaille la matière musicale pour mettre en avant les principes fondateurs de l’écriture de Vivaldi.

 

Ressources numériques : 

Ouverture 1 (Costumes Sioux) : Le dossier pédagogique Sur la piste des Sioux sur le site du musée des Confluences de Lyon, la page  » La restauration du costume du chef indien sioux » sur le site du C2RMF (Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France), la page collection du site du musée franco-américain de Blérancourt

Ouverture 2 (Max Richter) : Le guide d’écoute MétaScore « Max Richter The Four Seasons Recomposed Spring 0 et Spring 1 » sur le site de la Cité de la musique Philharmonie de Paris

 

Pistes pédagogiques

1. Lier naissance de l’écriture et qualité d’un matériau, par exemple en identifiant les constituants de l’argile, support mémoire de l’écriture cunéiforme, à partir des plaquettes mésopotamiennes. Établir un lien entre la naissance de l’écriture et son support dans l’Orient ancien avec les propriétés physico-chimiques et les qualités du matériau de l’argile.

Ressource numérique : L’exposition virtuelle « L’aventure des écritures » sur le site de la BnF (Bibliothèque nationale de France)

 

2. Appréhender l’archéologie dans sa dimension scientifique à partir d’un chantier de fouilles à proximité de l’établissement scolaire.

Ressource numérique : Le moteur de recherche sur les sites archéologiques par région sur le site de l’INRAP (Institut national de recherches archéologiques préventives)

 

3. Faire parler les momies, comprendre les pratiques funéraires dans l’Égypte ancienne grâce au carbone 14.

Ressources numériques : Une momie égyptienne au carbone 14, la vidéo « La momie sauvée d’une poubelle » sur le site de l’AFP (Agence France Presse), une actualité « L’histoire de la découverte et de la restauration de la momie de Ta-Iset » sur le site du C2RMF (Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France)

 

4. Réaliser un folioscope (flipbook) et inventer un récit autour de l’ouverture d’une porte en appliquant les méthodes de construction de la perspective cavalière et de la déformation du parallélogramme

Ressource numérique : Un dossier Formes mathématiques et compréhension de la perspective réalisé par l’institut de mathématiques de l’Université de Bordeaux

 

Références au programme du cycle 4

Histoire des arts
Thématique 1 Arts et société à l’époque antique et au haut Moyen Age
La représentation de la personne humaine
Arts Plastiques
Questionnements : La matérialité de l’œuvre
Les qualités physiques des matériaux
Mathématiques
Thème D : Espace et géométrie
Représenter l’espace. Construire et mettre en relation des représentations de ces solides (vues en perspective cavalière, de face, de dessus, sections planes, patrons, etc.)
Physique-Chimie
Organisation et transformations de la matière
Décrire la constitution et les états de la matière

Compétences en histoire des arts
Proposer une analyse critique simple et une interprétation d’une œuvre
Attendus de fin de cycle en histoire des arts
Se rappeler et nommer quelques œuvres majeures, que l’élève sait rattacher à une époque et une aire de production et dont il dégage les éléments constitutifs en termes de matériau, de forme, de sens et de fonction
Connaissances et compétences associées en histoire des arts
Construire un exposé de quelques minutes sur un petit corpus d’oeuvres ou une problématique artistique
Domaine du socle commun de connaissances, de compétences et de culture
Domaine 4 Les systèmes naturels et les systèmes techniques

Les ressources numériques

Les images numérisées
« Portrait de momie » sur le site du musée du Louvre
https://collections.louvre.fr/ark:/53355/cl010451187

Photographies et autochromes
Le dossier de presse de l’exposition Lumière et Couleur. Dialogues Art et Science.
http://ohlsdorf.chez.com/dossier-de-presse-lumiere-couleur.pdf