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Porter le regard ailleurs
Mis à jour le 17 juillet 2024
Vademecum Histoire des arts | Collège
L’histoire des arts, et plus généralement le regard occidental même, ne peuvent plus se porter aujourd’hui sur les artefacts de tous les continents et de toutes les cultures autres sans leur reconnaître une histoire et des spécificités qui leur ont été longtemps déniées ou étaient incomprises. L’historienne de l’art Nadeije Laneyrie-Dagen, en esquisse quelques jalons.
« Les arts des autres continents ou civilisations, à l’exception de ceux de l’Amérique avant le xvie siècle, n’ont jamais été tout à fait ignorés de la culture occidentale. Ou du moins : les Européens avaient les moyens de les connaître, les apprécier et éventuellement s’en inspirer. Or, leur curiosité à l’égard de ces créations différentes a été plus que modeste avant l’époque contemporaine. À quelques exceptions près, les objets qui ont attiré l’attention des Occidentaux l’ont fait pour leur matériau, quand celui-ci était précieux : soieries chinoises, objets d’or précolombiens, ivoires africains. Des savoir-faire inconnus en Europe ont été appréciés à leur juste valeur : ainsi pour les porcelaines et les laques d’Asie ; ainsi pour les tapis tissés en terre d’Islam. […] Quelques objets « d’ailleurs », cependant, ont été importés en Europe précocement : ils figuraient dans les trésors des églises, comme les tissus précieux enveloppant des reliques, ou dans les collections de princes, que l’on nommait alors « cabinets de curiosités » ou chambre des merveilles. C’est au XIXe siècle, donc très
tard, que les Européens ont vraiment commencé à s’intéresser aux formes artistiques extra-occidentales, en commençant par celles des civilisations organisées en États : les empires de l’Asie et ceux du monde musulman. Et au XXe seulement, que cet intérêt s’est étendu aux civilisations précolombiennes, dont les vestiges ont attiré les touristes – l’intérêt économique stimulant d’autant l’investigation archéologique – et – grâce d’abord aux ethnologues et aux artistes – aux objets des civilisations qui n’étaient pas organisées en États et qui n’ont pas toujours pratiqué l’écriture : autrement dit aux œuvres « primitives », renommées « premières » au début du XXe siècle. »
Nadeije Laneyrie-Dagen
Éclairage
Ailleurs fantasmé ou réellement vu, documenté ou retranscrit, interprété ou consciencieusement restitué, toutes ces modalités et bien d’autres encore sont possibles et non exclusives lorsqu’il s’agit d’interroger les multiples biais interprétatifs du regard porté sur l’Ailleurs. En étudier la gradation est nécessaire pour réfléchir à l’histoire, dans les deux sens : comment voit-on l’Autre dans cet ailleurs et comment, lui, nous voit-il ? À partir de réajustements successifs, d’un va et-vient du regard, dialectique, on apprend à prendre le contre-pied d’un nationalisme méthodologique étroit et à interroger, en suivant par exemple Sanjay Subrahmanyam, à réfléchir à ce que signifie être étranger. Une œuvre telle que Promenade dans le parc d’Asuka (1888) de Yôshû Chikanobu, montrant la famille impériale japonaise occidentalisant sa façon de vivre, l’empereur Meiji adoptant l’uniforme militaire et les femmes de son entourage des robes à tournure gonflant l’arrière de la silhouette, est à interroger en pensant qu’à la même époque, à Paris, Vincent Van Gogh, fasciné par les estampes japonaises (Ukiyo-e), copie ou livre des compositions inspirées de Hiroshige, Utamaro et Hokusai.
Ressource :
La page de l’historien Sanjay Subrahmanyam sur le site du Collège de France
Ouvertures
Loin de la simple quête d’exotisme, le séjour au Japon de Charlotte Perriand s’inscrit dans une histoire des regards et des relations artistiques, une tradition d’échanges au sein des arts décoratifs initiée par les expositions universelles de la fin du XIXe siècle. Invitée en 1940 par le ministère impérial du commerce et de l’industrie japonais comme conseillère en art industriel, la créatrice s’imprègne de la philosophie et de l’art de vivre nippons. Elle adopte les matériaux traditionnels et conçoit en bambou une version de la chaise longue basculante, une de ses premières créations en collaboration avec Le Corbusier et Pierre Jeanneret. Au-delà de la simple fascination, Charlotte Perriand exploite des formes, des motifs et des techniques traditionnels propres à cette culture qui l’amènent à renouveler les composantes de son langage moderne. Les objets de parure et cérémoniels incas symbolisent une vision du monde et expriment leur caractère divin par l’emploi de matériaux précieux et métaux nobles. Volés, et fondus ensuite par les Conquistadores, ces objets d’un patrimoine sacré deviennent pour ces conquérants étrangers un simple butin, apprécié exclusivement pour leur valeur économique. Aujourd’hui ces pièces, pour certaines appartenant aux collections européennes, produites aux temps des Incas pour des offrandes rituelles, sont l’objet d’études scientifiques et historiques qui révèlent la qualité des technologies mises en œuvre et la composition des alliages.
Ressources :
Le livret de visite de l’exposition Japon. Japonismes. Objets inspirés, 1867-2018
Des ressources sur Le Pérou et l’or des Incas
Pistes pédagogiques
1 Réaliser une frise chronologique sur les formes des échanges artistiques entre Japon et Occident, des premières expositions universelles et de la fascination pour les estampes japonaises, jusqu’à la passion actuelle pour le manga.
2 Augmenter (c’est-à-dire rendre l’image interactive grâce à l’usage d’outils numériques), la représentation des cabinets de curiosité d’autrefois par l’introduction d’objets de notre quotidien, issus de la société mondialisée.
Ressource : Un dossier Le cabinet de curiosités d’hier à aujourd’hui
3 Interroger les océans comme lieu de l’ailleurs, de flux et d’échanges, la pirogue comme mode de transport millénaire dans les civilisations océaniennes. Lors de la journée mondiale de l’océan, les questions environnementales, l’océan comme lieu de collecte « malgré lui » des rebuts et déchets de la société de consommation.
Les ressources pédagogique sur la Journée mondiale de l’Océan
4 Confronter des formes musicales de la rencontre, de l’influence de l’Orient sur la musique occidentale au renouveau du langage jusqu’aux premières expressions de métissages
Ressource : Un zoom L’influence de l’Orient sur la musique occidentale
Référence au programme de cycle 4
Histoire des arts
Thématique 6. De la Belle Époque aux « années folles » : l’ère des avant-gardes (1870-1930) La recherche des racines dans un monde qui s’ouvre : primitivismes, écoles nationales et régionalismes
Arts plastiques
La matérialité de l’œuvre ; l’objet et l’œuvre Les représentations et statuts de l’objet en art
Éducation musicale
Situer et comparer des musiques de styles proches ou éloignés dans l’espace et/ou dans le temps pour construire des repères techniques et culturels
EMC
Respecter autrui
Français
Le voyage et l’aventure : pourquoi a aller vers l’inconnu ? – comprendre les raisons qui poussent à vouloir découvrir l’autre et l’ailleurs, et s’interroger sur les valeurs mises en jeu dans ces projets et ces rencontres – s’interroger sur le sens des représentations qui sont données des voyages et de ce qu’ils font découvrir
Compétences en histoire des arts
Proposer une analyse critique simple et une interprétation d’une œuvre
Attendus de fin de cycle en histoire des arts
Comparer des œuvres d’art entre elles, en dégageant par un raisonnement fondé, des filiations entre des œuvres d’époques différentes ou des parentés entre deux œuvres de différente nature, contemporaine l’une de l’autre
Connaissances et compétences associées en histoire des arts
Associer une œuvre à une époque et une civilisation en fonction d’éléments de langage artistique
Domaine du socle commun de connaissances, de compétences et de culture
Domaine 5 Les représentations du monde et de l’activité humaine