Ce programme de recherche examine les représentations de l’histoire dans les jeux et jouets commercialisés en France au cours du long XIXe siècle, depuis les cartes à jouer de la Révolution française jusqu’aux jeux de propagande de la Première Guerre mondiale. Il envisage la manière dont les images de l’histoire sont diffusées à travers divers formats ludiques, à destination des enfants comme des adultes. Son corpus est principalement constitué de jeux et jouets sur papier et cartonnage (jeux de cartes, jeux de l’oie, lotos, puzzles, petites constructions), en visant prioritairement les jeux à très large diffusion. Le programme interroge cette dissémination d’images populaires de l’histoire en analysant ce que le jeu apporte à l’histoire, en tant que savoir à transmettre et discours à assimiler, recomposer, réinterpréter, et dans lequel il reste toujours une part de réinvention : que fait le jeu à l’histoire ? Dans quelle mesure les divers formats ludiques permettent-ils de « refaire l’histoire » ? Et que disent ces images de l’histoire qui sont manipulées au quotidien par des publics assez divers ? Le programme s’attache à considérer tous les aspects de ces jeux – de leur matérialité et des pratiques qu’ils induisent à l’imagerie et aux discours qu’ils véhiculent, en passant par les réseaux d’acteurs qui contribuent à leur création et à leur diffusion.
En croisant les approches de l’histoire de l’art et de la culture visuelle, de l’histoire et de l’histoire de la culture matérielle, cette recherche s’efforcera de restituer une véritable « historiographie visuelle » diffusée dans ces jeux, et analyse la manière dont, à travers ces formats ludiques, l’histoire est littéralement mise entre les mains des joueurs.
Les objets de ce corpus témoignent d’une triple convergence : le long XIXe siècle est celui de l’institutionnalisation de l’histoire, de sa popularisation, mais aussi du développement de l’image de masse, et également de la démocratisation de l’enseignement. On s’intéressera principalement aux jeux illustrés, sur papier ou papier cartonné, dont la diffusion est plus large et moins élitiste que, par exemple, les poupées ou figurines, en notant cependant que la distinction entre jeux et jouets n’est pas toujours très claire, comme en témoignent par exemple les lotos en trois dimensions, et en soulignant par ailleurs et que les jeux ne sont souvent pas seulement à destination des enfants. Les objets considérés dans le projet sont conservés dans les collections du Mucem, du Musée national de l’éducation à Rouen, du Musée français de la carte à jouer, du département des estampes de la BnF, du musée du jouet de Poissy, du musée de l’image d’Epinal, du Musée des arts décoratifs, mais une bonne part d’entre eux vient aussi de collections privées.
Livrables (2022-24)
Base de données en ligne
Cette réalisation inscrira le programme dans le champ des humanités numériques. Avec l’appui de l’équipe InVisu, nous travaillons actuellement à la mise en place d’une base de données consacrée aux jeux de la période, sans restriction aux jeux à thématique historique. La base regroupe pour l’instant un corpus d’environ 2500 jeux, issus d’une collection privée, auquel s’adjoindront d’autres fonds publics et privés. La base de données permettra de consulter ces jeux et d’interroger le corpus par éditeur, illustrateur, thématique ou typologie de jeu. Y figureront également des archives de fabricants numérisées, ainsi que des articles de recherche transversaux. L’ambition est double : d’abord, offrir un panorama plus clair des divers acteurs du marché des jeux (illustrateurs, éditeurs, commerçants), mais aussi et surtout, rendre ces corpus accessibles à d’autres chercheurs pour qui ces objets représentent des sources riches et originales.
Séminaire et exposition
En 2023-24, un séminaire mensuel consacré à la politisation des objets du quotidien, coordonné avec Laurent Dedryvère (Maître de conférences en histoire des pays germanophones à l’Université Paris Cité) et Emmanuel Fureix (Professeur d’histoire contemporaine à l’Université Paris Est Créteil). Ce séminaire mensuel, ouvert à toutes et à tous, a contribué à la fois à approfondir et enrichir les réflexions menées dans le cadre des autres réalisations du projet, et à développer un réseau de collaborations renforcées entre spécialistes d’histoire de l’art, d’histoire, et de culture matérielle.
Les recherches tirées de ce séminaire seront présentées dans une exposition intitulée « Détournements » et présentée à Ground Control (Paris) du 22 janvier au 16 mars 2025.
Cycle d’ateliers
Ce cycle d’ateliers examinera, à travers des visites organisées au sein les riches collections de jeux de société conservées dans des institutions de la région parisienne, le(s) histoire(s) qui s’écrivent dans les jeux de société du long XIXe siècle. Les ateliers visent à créer un réseau d’échanges et d’expertise entre, d’une part, des chercheuses et chercheurs spécialistes d’histoire, d’histoire de l’art et de culture populaire et enfantine, et les conservatrices et conservateurs de musées et de bibliothèques comme le Fonds Patrimonial du jeu de Société de l’Université Sorbonne Paris Nord, le musée Français de la Carte à Jouer d’Issy-les-Moulineaux, la bibliothèque Forney, la Bibliothèque Historique de la Ville de Paris, le musée Carnavalet, le musée du jouet de Poissy, le musée d’histoire Urbaine et Sociale de Suresnes, et le Palais du Roi de Rome à Rambouillet.