Histoires de photographies à partir des luttes d’indépendance : pratiques, circulations et esthétiquesEchéance 31 mai 2024

Photographie de Djamel FARÈS, Algérie, années 1970.

Dates : 28-29 janvier 2025

Colloque international INVISU / INHA

Présentation

Constat connu : l’histoire de la photographie comme discipline s’est majoritairement construite comme étant celle de la photographie « occidentale », plus précisément celle de l’Europe et des États-Unis. Entre l’introduction de photographes que l’on a pu qualifier « d’extra-occidentaux » sur le marché de l’art contemporain depuis les années 1990 et les nombreux travaux sur les histoires du médium pendant les périodes coloniales, il persiste un manque sur les histoires de la photographie à partir des luttes de libération et des indépendances dans une perspective globale et transnationale, toutes zones géographiques confondues. L’objectif de ce colloque est de valoriser des histoires de la photographie engendrées pendant les processus de décolonisation tout en repensant les approches méthodologiques et esthétiques du médium encore trop occidentalo-centrées.

Qu’est-il advenu de la production et de la circulation des photographes et de leurs images à partir des luttes d’indépendance ? Comment se sont élaborées de nouvelles iconographies, de nouvelles pratiques et, avec elles, de nouveaux réseaux d’échanges visuels, complexifiant les visibilités et les circulations photographiques unilatérales des « Suds » vers les « Nords » mises en place pendant les périodes coloniales ?

Si de nombreux travaux ne manquent pas d’analyser la nature impériale et coercitive de la photographie au travers de l’expansion coloniale (Foliard, 2020 ; Edward, 2001; Hight et Sampson, 2013 ; Sysling, 2016 ; Boetsch et Ferrie, 2001) qui débouche sur le développement d’une imagerie chargée d’exotisme et de stéréotypes (Khemir 1994, 2001 ;  Behdad et Gartlan, 2013 ; Taraud, 2003), ainsi que d’une économie d’images des colonies diligentée par et pour les pays occidentaux (Barthes, 2019), l’historiographie de la photographie en dehors de l’Europe et des États-Unis représente encore majoritairement celle des histoires du médium pendant les périodes coloniales. Cependant, les recherches académiques et initiatives curatoriales provenant des pays d’Europe et des États-Unis portent un intérêt tout particulier à la photographie africaine contemporaine depuis le début des années 1990 tandis que les histoires des photographes issus des autres « Suds » restent moins connues.

En France, le constat des enjeux et des obstacles à une histoire mondialisée de la photographie (revue Photographica n°3, 2021 ; colloque Photo-monde, Musée du quai Branly, 2023) permet d’interroger de nouvelles approches à partir de décentrements épistémologiques et méthodologiques.

Toujours du point de vue francophone, des travaux (Chominot, 2007 ; Susana Lourenço Marques, 2020) et expositions (Résistance visuelle généralisée. Livres de photographie et mouvements de libération (Angola, Mozambique, Guinée-Bissau, Cap-Vert, 1960-1980), Catarina Boieiro et Raquel Schefer, INHA, 2021-2022) ont permis d’interroger les usages de la photographie comme outil de résistance pendant les guerres de libération. Côté anglophone, citons l’exposition Mohamed Kouaci : Vision(s) of Algeria (curaté par Adel Ben Bella, Université de Brown) et le programme Films and Algerian Revolution (curaté par Olivier Hadouchi et Adel Ben Bella). D’autres aspects des histoires photographiques des périodes postérieures restent encore à mettre au jour alors même que le terme de décolonisations suscite des questionnements scientifiques (Murphy, 2023).

Tandis que des recherches (Bajorek, 2020) abordent le rôle de la photographie dans la construction des récits nationaux et l’élaboration d’une imagination politique décoloniale dans certains pays d’Afrique de l’Ouest, de récents ouvrages ont entrepris de reconsidérer l’histoire du médium au croisement du contexte de la guerre froide et des décolonisations. Les solidarités socialistes et anti-impérialistes redessinent de nouvelles cartographies d’échanges d’images et pratiques en dehors ou au travers des réseaux capitalistes et convoquent des représentations aux frontières de la propagande et de l’expérimentation visuelle sous les motifs de la solidarité entre les peuples, de l’avenir et des luttes révolutionnaires (Thy Phu, Erina Duganne, Andrea Noble, 2022). Contrecarrant les imaginaires de la guerre froide véhiculés par  un impérialisme visuel américain, d’autres auteur.trices mettent en exergue les visualités et circulations d’images privées et intimistes des pays dits « des Suds » et non-alignés (Thy Phu, 2022) qui pointent le rôle élargi de la photographie pendant cette période.

Enfin, ces histoires photographiques post-indépendances placent les chercheur.ses face à différentes problématiques liées au manque de légitimation institutionnelle de la photographie dans les pays d’origine, aux difficultés d’accès aux sources dans certains pays anciennement colonisés ou encore à la perte et à la destruction d’archives. Les méthodologies spécifiques comme l’histoire orale seront à questionner.

 

Participants

 Ce colloque s’adresse aux chercheur.ses, curateur.trices et photographes toutes zones géographiques confondues. Les propositions peuvent concerner toutes les périodes post-coloniales du XIXe au XXe siècle.

Comité d’organisation

 Gaëlle Prodhon

L’équipe des manifestations scientifiques de l’INHA

 Comité scientifique

  • Gaëlle Prodhon (INHA / InVisu / U-Paris Nanterre)
  • Érika Nimis (Université du Québec à Montréal)
  • Marian Nur Goni (U-Paris 8, AIAC)
  • Krupa Desai (Tata Institute of Social Sciences, Mumbai / British Art Network)
  • Raquel Schefer (U-Sorbonne Nouvelle Paris 3, CAV, Département de cinéma et audio-visuel)
  • Olivier Hadouchi (Chercheur et programmateur indépendant)
  • Damarice Amao (Centre Pompidou)
  • Manuel Charpy (InVisu, CNRS/INHA)

Candidature

Les propositions peuvent concerner toutes les périodes post-coloniales du XIXe au XXe siècle. Les propositions (500 mots environ) en français ou en anglais devront être accompagnées d’une courte biographie, indiquant les institutions de rattachement et d’une bibliographie (pour les chercheurs). Les participant·es recevront une réponse au mois de juin 2024. Les frais de séjour et de déplacement seront pris en charge pour les participant.es sélectionné.es. Le colloque est associé à un projet éditorial. Les propositions pourront questionner sans exclusive les axes suivants :

Axes historiques

  • Histoires de passations, transitions, formations et circulations des photographes et des photographies à partir des luttes de libération et des indépendances du XIXe au XXe siècles
  • Histoires de projets photographiques entravés, non aboutis
  • Histoires des constructions et déconstructions des cultures visuelles et des imaginaires à partir des indépendances du XIXe au XXe siècles
  • Histoires des réseaux et trajectoires photographiques qui dessinent de nouvelles cartographies et imaginaires de la guerre froide
  • Histoires des réseaux qui construisent des économies d’images alternatives en dehors ou à travers les circuits capitalistes de la photographie
  • Histoires de la création d’agences nationales de presse

Axes socio-esthétiques

  • La remise en perspective des rapports de pouvoirs par la photographie : domination/résistance, émancipation/renversements des regards
  • Les porosités entre photographie d’auteur (face à la question de l’anonymat) et de propagande, entre « dissidentisme » et conformisme, entre démarche individuelle et collective
  • La photographie comme vecteur de construction d’identités culturelles, collectives, nationales, d’imaginations politiques, de fictions et de futurologies
  • La question de la matérialité avec des approches technologiques et matérielles différentes de celles de l’Europe et des Etats-Unis
  • Le paradigme du regard (gaze) et des modernités photographiques en dehors de l’Europe et des États-Unis
  • Les images et démarches qui permettent de repenser les approches et critères esthétiques occidentalo-centrés de la photographie

Axes méthodologiques / épistémologiques

  • Penser les obstacles de certains terrains, le manque de sources, les disparitions ou les destructions d’archives
  • Contrer les récits homogénéisants ou comment approcher les pratiques individuelles spécifiques et les jeux d’échelle du local au global
  • Questionner la méthode de l’histoire orale dans l’écriture de l’histoire de la photographie ainsi que les approches micro-historiques
  • Interroger les limites des approches postcoloniales pour comprendre ces histoires photographiques
  • Problématiser le regard historique eurocentrique porté sur la photographie, imaginer de nouvelles manières « non-occidentales » de penser la photographie comme axe épistémologique

Les propositions de communication sont à transmettre avant le 31 mai 2024 à gaelle.prodhon@inha.fr

En savoir plus sur la bibliographie ici

 

 

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English

Histories of Photography from the Struggles for Independence: practices, circulations and aesthetics

Abstracts submission deadline:  MAY 31, 2024

Presentation

It’s a well-known fact that the history of photography as a discipline has for the most part been constructed as that of « Western » photography, more specifically that of Europe and the United States. Between the introduction of so-called « extra-Western » photographers on the contemporary art market since the 1990s and the numerous works on the history of the medium during colonial periods, there is still a lack of information on the history of photography from the liberation and independence struggles onwards, from a global and transnational perspective, across all geographical zones. The aim of this colloquium is to highlight the histories of photography generated during the processes of decolonization, while rethinking methodological and aesthetic approaches to the medium that are still too Western-centric.

What has happened to the production and circulation of photographers and their images since the independence struggles? How did new iconographies, new aesthetics and, with them, new networks of visual exchange develop, complicating the one-sided visibilities and photographic circulations from the « South » to the « North » established during the colonial periods?

While numerous works analyze the imperial and coercive nature of photography through colonial expansion (Foliard, 2020; Edward, 2001; Hight and Sampson, 2013; Sysling, 2016; Boetsch and Ferrie, 2001), leading to the development of imagery charged with exoticism and stereotypes (Khemir 1994, 2001;  Behdad and Gartlan, 2013; Taraud, 2003), as well as an economy of images of the colonies diligent by and for Western countries (Barthes, 2019), the historiography of photography outside Europe and the United States still predominantly represents that of histories of the medium during colonial periods. However, academic research and curatorial initiatives in Europe and the United States have focused on contemporary African photography since the early 1990s, while the histories of photographers from the other « Suds » remain less well known.

In France, the challenges and obstacles to a globalized history of photography (Photographica magazine no. 3, 2021; Photo-monde colloquium, Musée du quai Branly, 2023) are leading to new approaches based on epistemological and methodological shifts.

 Still from the French-speaking point of view, works (Chominot, 2007; Susana Lourenço Marques, 2020) and exhibitions (Résistance visuelle généralisée. Livres de photographie et mouvements de libération (Angola, Mozambique, Guinée-Bissau, Cap-Vert, 1960-1980), Catarina Boieiro and Raquel Schefer, INHA, 2021-2022) have explored the use of photography as a tool of resistance during the wars of liberation, other aspects of photographic histories from later periods have yet to come to light, even as the term decolonization raises scientific questions (Murphy, 2023). 

While research (Bajorek, 2020) addresses the role of photography in the construction of national narratives and the elaboration of a decolonial political imagination in certain West African countries, recent works have undertaken to reconsider the history of the medium at the crossroads of the Cold War and decolonizations. Socialist and anti-imperialist solidarities redraw new cartographies of image exchanges and practices outside or through capitalist networks, and summon up representations at the frontiers of propaganda and visual experimentation under the motifs of solidarity between peoples, the future and revolutionary struggles (Thy Phu, Erina Duganne, Andrea Noble, 2022). Countering the imaginations of the Cold War conveyed by American visual imperialism, other authors highlight the visualities and circulations of private, intimate images from the so-called « South » and non-aligned countries (Thy Phu, 2022), pointing to the expanded role of photography during this period.

Finally, these post-independence photographic histories present researchers with a number of problems, including the lack of institutional legitimization of photography in the countries of origin, problems of access to sources in some formerly colonized countries, and the loss and destruction of archives. Specific methodologies such as oral history will be questioned.

Participants

This symposium welcomes researchers, curators and photographers from all geographical areas. Proposals may concern any post-colonial period from the 19th to the 20th century.

Organization committee

Gaëlle Prodhon
INHA

Scientific committee

  • Gaëlle Prodhon (INHA / InVisu / U-Paris Nanterre)
  • Érika Nimis (Université du Québec à Montréal)
  • Marian Nur Goni (U-Paris 8, AIAC)
  • Krupa Desai (Tata Institute of Social Sciences, Mumbai / British Art Network)
  • Raquel Schefer (U-Sorbonne Nouvelle Paris 3, CAV, Département de cinéma et audio-visuel)
  • Olivier Hadouchi (Chercheur et programmateur indépendant)
  • Damarice Amao (Centre Pompidou)
  • Manuel Charpy (InVisu, CNRS/INHA)

Call for proposals

 

Abstracts in english or french (approx. 500 words) must be sent by May 20, 2024 at the latest, with a short biography, affiliation information, and a bibliography (for researchers). Authors will receive an answer in June 2024. Travel and accommodation expenses for selected participants will be covered. Proposals should be forwarded by e-mail to: gaelle [dot] prodhon [at] inha.fr — We welcome proposals addressing one or more of the following topics:

History

 

  • Histories of the passage, transition, training and circulation of photographers and photographs from the liberation and independence struggles of the 19th and 20th centuries.
  • Histories of hindered and unfinished photographic projects
  • Histories of the construction and deconstruction of visual cultures and imaginaries from the independence struggles of the 19th to the 20th centuries.
  • Histories of photographic networks and trajectories shaping new Cold War cartographies and imaginaries
  • Histories of networks building alternative image economies outside or through the capitalist circuits of photography
  • Histories of the creation of national press agencies

Socio-aesthetics

  • Photography’s reconsideration of power relationships: domination/resistance, emancipation/reversals of gaze
  • Porosities between auctorial photography (in the face of the question of anonymity) and propaganda photography, between dissidentism and conformism, between individual and collective action
  • Photography as a vector for the construction of cultural, collective and national identities, political imaginations, fictions and futures
  • The question of materiality, with technological and material approaches differing from those of Europe and the United States
  • The paradigm of the gaze and photographic modernities outside Europe and the USA
  • Images and approaches that rethink Western-centric aesthetic criteria and approaches to photography

Methodologies / Epistemology

  • Considering the obstacles of certain fields, the lack of sources, and the disappearance or destruction of archives
  • Countering homogenizing narratives, or how to approach specific individual practices and the interplay of local and global scales
  • Questioning the oral history method in writing the history of photography, as well as micro-historical approaches
  • Question the limits of postcolonial approaches to understanding these photographic histories
  • Challenge the Eurocentric historical view of photography, and imagine new « non-Western » ways of thinking about photography as an epistemological axis

Contact : gaelle.prodhon @ inha.fr

Proposals are to be sent before MAY 31, 2024.

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